Aimé Césaire à l’œuvre Sous la direction de : Marc Cheymol et Philippe Ollé-Lap
Aimé Césaire à l’œuvre Sous la direction de : Marc Cheymol et Philippe Ollé-Laprune Références Aimé Césaire à l’œuvre Aimé Césaire à l’œuvre Actes du colloque international, sous la direction de Marc Cheymol et Philippe Ollé-Laprune Textes de : Albert James ARNOLD, Mamadou BA, Bernard CERQUIGLINI, Marc CHEYMOL, Alex GIL, Thomas A. HALE, René HÉNANE, Lilyan KESTELOOT, Christian LAPOUSSINIÈRE, Paola MARTINI, Georges NGAL, Philippe OLLÉ-LAPRUNE, Lilian PESTRE DE ALMEIDA, Lambert-Félix PRUDENT, Alain RUSCIO, André THIBAULT, Antoine TSHITUNGU KONGOLO, Kora VÉRON Copyright © 2010 Éditions des archives contemporaines et en partenariat avec l’Agence universitaire de la Fran- cophonie (AUF). Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représen- tation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement, quelque système de stockage et de récupération d’information) des pages publiées dans le présent ouvrage faite sans autorisation écrite de l’éditeur, est interdite. Éditions des archives contemporaines 41, rue Barrault 75013 Paris (France) Tél. : +33 (0)1 45 81 56 33 www.archivescontemporaines.com ISBN : 9782813000408 Les textes publiés dans ce volume n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Pour faciliter la lecture, la mise en page a été harmonisée, mais la spécificité de chacun dans le système des titres, le choix des transcriptions, l’emploi de majuscules, la présentation des renvois et des références bibliographiques, etc. a été le plus souvent conservée. Ouverture BERNARD CERQUIGLINI Recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie Madame la directrice, Mes chers collègues, Je me réjouis d’être ici pour donner le coup d’envoi du colloque « Aimé Césaire à l’œuvre », à l’École normale supérieure – je remercie madame la directrice Monique Canto-Sperber de l’avoir permis, et de nous accueillir dans cette prestigieuse enceinte – je me réjouis donc, parce que cet événement, et cette circonstance, me semblent significatifs : à cause du lieu, à cause de l’homme et à cause de l’œuvre. Je le dis en utilisant un vocabulaire de la critique littéraire que d’aucuns trouveront peut-être un peu traditionnel. Le lieu, l’homme et l’œuvre, cela sent son Gustave Lanson. Je me réclamerai plutôt d’Aimé Césaire, qui leur a donné un sens lourd, en écrivant cette phrase de circonstance – je veux dire, aujourd’hui, de circonstance – que je vous propose d’inscrire au frontispice de votre colloque : « il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie / […] mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer / et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur 1 ». Le lieu Ce n’est pas la première fois qu’Aimé Césaire est à l’œuvre à l’École normale supérieure. Il fut élève ; il y a été l’objet d’autres colloques et – depuis sa disparition – d’un émouvant hommage. Mais je voudrais souligner qu’il a probablement écrit ici, peut-être dans ces murs même, le premier jet de son Cahier d’un retour au pays natal. On le dit parfois, mais sans s’arrêter sur ce que ce fait a d’extraordinaire. Le titre est singulier ; son manque d’adéquation avec la circonstance, total. – Le mot « cahier » est modeste par rapport à l’immodestie fondamentale de ce réquisitoire audacieux et flamboyant : c’est le cahier d’écolier sur lequel il l’a 1 Cahier d’un retour au pays natal, in Aimé Césaire, La Poésie, Paris, Le Seuil, 1994, p. 51. Aimé Césaire à l’œuvre -2- écrit, dont nous avons ici une copie et des photos, et qui est conservé aux archives de l’Assemblée nationale. – Pourquoi « retour », puisqu’il l’écrit à Paris, qu’il s’agit d’un retour fantasmé, d’autant plus virulent qu’il reste dans sa thurne de l’École. C’est à Paris qu’il écrit ce « retour », et non sur son île. J’ai parlé de son île, comme on disait d’Ithaque et d’Ulysse. – Et surtout, pourquoi « un » retour, pourquoi pas « le » retour (d’ailleurs, beaucoup font le lapsus lorsqu’ils citent le titre), le seul possible, le retour au pays, sinon parce que, dans cette ambiance studieuse et potache d’hellénistes volontiers tournés vers la plaisanterie, voire le canular, qui caractérisait l’École dans ces années, il fait une allusion malicieuse aux autres retours, les Nostoi de la tradition grecque, ce Cycle troyen, suite d’épopées décrivant les retours aux foyers de chacun des héros après le Sac de Troie, aujourd’hui perdues et dont l’Odyssée ne serait que le dernier épisode. Le Cahier de Césaire est une anti- Odyssée, un pastiche irrévérencieux, un retour au pays natal à rebours de la culture occidentale, dans le ton de cette époque, contemporaine du surréalisme, dont les plus brillants hérauts s’érigeaient en substituts du procureur dans le procès intenté à la culture européenne. Ce n’est qu’un retour (comme on a pu dire : « ce n’est qu’un au revoir »), car évidemment au cours de sa vie, Césaire en aura vécu de nombreux. Surtout parce qu’il était conscient que la littérature abonde, singulièrement dans cette première moitié du XXe siècle, en « retours au pays natal », écrits par les auteurs irlandais, grecs, américains, latino-américains en voyage d’études ou d’exil en France ou plus largement en Europe. C’est en arrivant à Paris ou à Madrid qu’en général ils découvrent leur pays. Ce colloque est donc aussi, après le passé normalien de Césaire, après les hommages que vous lui avez rendus, le colloque d’un retour à l’École normale supérieure. Ce retour est justifié, pour le recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, par le partenariat qu’il a conclu avec l’Institut des textes et manuscrits modernes du CNRS, dont vous pouvez, madame la directrice, vous enorgueillir, dans la lignée de la convention qui avait été signée par ma prédécesseure et amie Michèle Gendreau-Massaloux avec l’association Archivos pour l’édition des œuvres de Jacques Roumain, Léopold Sédar Senghor, Léon- Gontran Damas et Aimé Césaire. L’homme Là, nous rencontrons l’homme. Je veux dire l’homme Césaire, donnant pour le moment un sens probablement réducteur à la phrase que je citais en commençant : « il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie, mais l’œuvre de l’homme Bernard Cerquiglini -3- vient seulement de commencer… » L’œuvre de Césaire est depuis sa disparition nécessairement et définitivement fermée, mais elle n’est pas « finie ». Elle vient seulement de commencer, et c’est à nous, à vous dans cette entreprise remarquable du colloque et du volume que vous préparez, de l’assumer et de la mener à bien. D’une part car c’est notre devoir en tant qu’institution de la Francophonie, ensuite parce que la trajectoire de Césaire est particulièrement significative. En tant qu’opérateur de la Francophonie, l’Agence universitaire se devait de valoriser l’œuvre des fondateurs de l’idée francophone. Césaire a été le principal forgeron du mot négritude ; il est ainsi, avec son compère Léopold Sédar Senghor, l’une des autorités (intellectuelles) sur lesquelles repose l’idée francophone. Cette idée a été exprimée politiquement, pour fonder la Francophonie, par Senghor et trois autres hommes d’état (Habib Bourguiba, Hamani Diori, Norodom Sihanouk). Césaire faisait partie d’un autre quatuor, dont Senghor était la cheville commune : celui des « chantres de la négritude », complété par Léon-Gontran Damas, cama- rade d’école de Césaire depuis le lycée Schoelcher à Fort-de-France, et Jacques Roumain. L’Agence universitaire de la Francophonie a signé un accord de partena- riat avec la collection Archivos (pourtant majoritairement réservée aux auteurs lati- no-américains de langue espagnole et portugaise), aujourd’hui « Planète Libre », pour publier ces quatre fondateurs de la négritude. Roumain édité dans Archivos, Senghor dans « Planète Libre », Damas sur le point de l’être ; il vous reste Aimé Césaire. Si Roumain était Haïtien, Senghor Sénégalais, Damas et Césaire étaient respectivement Guyanais et Martiniquais, c’est-à-dire Français, ce qui modifiait leur rapport à leur « négritude » et ne leur rendait pas la tâche plus facile. De tous, Césaire a été celui qui a maintenu le plus grand ouvert l’écart entre ces deux impositions et ces deux impératifs : il se disait Africain avant d’être Martiniquais – Caribéen – et donc avant d’être Français ; il ne laissait pas toutefois d’être Français sur sa carte d’identité, et son identité de parlementaire, d’élu de la République, d’homme politique, le rendait Français. Césaire était d’une génération pourvue d’un humanisme solide, trempé dans la tradition gréco-romaine, mais singulièrement ouverte aux situations de la modernité, à ce que nous appelons dans le vocabulaire du XXIe siècle la diversité culturelle : « Être homme, croire en l’homme, promouvoir l’homme, se retrouver dans toutes les cultures en prenant un vrai départ : la mémoire, l’enfoui, l’enseveli, tout cela exhumé, remis au monde par la parole salvatrice ». Le Cahier, c’est, à la fois le retour du refoulé et l’avancée vers un avenir, une leçon de dépassement. Aimé Césaire à l’œuvre -4- L’œuvre Enfin l’œuvre. En effet, ce qui est « à l’œuvre » dans ce colloque, c’est l’œuvre complète d’Aimé Césaire dans l’édition que vous en préparez. Il en découle un certain nombre de devoirs, ou de défis : « il reste à l’homme (et l’homme, ici, c’est nous, c’est vous) à conquérir toute uploads/Litterature/ aime-cesairealoeuvre.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 09, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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