Vers la féminisation ? © Éditions Blanche / Mango littérature, Paris, 1999 ISBN

Vers la féminisation ? © Éditions Blanche / Mango littérature, Paris, 1999 ISBN 2-911621- Du même auteur Essais Les Mouvements de Mode expliqués aux parents (en collaboration avec Hector Obalk et Alexandre Pasche), Robert Laffont, 1984. La Création de Mode, S.I.S., 1987. Sociologie du dragueur, Blanche, 1996. Roman Le Jour et la nuit ou la vie d’un vaurien, Plume, 1991. Éditions Blanche 4, rue Caroline Paris 17e Alain SORAL VERS LA FÉMINISATION ? Démontage d’un complot antidémocratique Collection dirigée par Franck Spengler Avertissement au lecteur Ce livre reprend, en gros, la deuxième partie du précédent ouvrage de l’auteur : Sociologie du dragueur 1, soit les chapitres 5, 6 et 7 auxquels sont apportés quelques remaniements et ajouts. Ceux qui ont lu Sociologie du dragueur (cinq éditions à ce jour) pourront donc comparer avec intérêt la nouvelle version à l’ancienne. Je ne saurais trop conseiller aux autres, leur lecture achevée, de revenir à cet autre excellent ouvrage afin d’y découvrir, notamment dans la première partie (soit les chapitres 1, 2, 3 et 4), la genèse d’une pensée ; celle d’un auteur qui, reprenant la méthode structuraliste génétique de Lucien Goldmann, a osé entreprendre l’étude sociologique de sa propre sensibilité. L’éditeur. 1. Éditions Blanche. Ce sont les vaincus qui ont raison. Georges Lukacs À Michel Clouscard. Introduction : La femme est l’avenir de l’homme « La femme est l’avenir de l’homme. » Cette sentence devenue célèbre résume à elle seule le credo de l’époque, son idéologie. Que le poéte qui l’a prononcée ait vécu en stalinien et fini pédé devrait pourtant inciter à la prudence, voire à la réflexion. À moins que le but de ce slogan, devenu « Demain sera féminin » dans un catalogue de vente par correspondance1, soit justement de cou- per court à toute réflexion sérieuse; d’exiger de nous, hommes de bonne volonté qui voulions continuer à réfléchir, que nous nous en remettions à la fameuse intuition et autre sensibilité fémini- nes quant à notre avenir. Étrange : dans cette société libérale où presque toutes les critiques sont permises, voire encoura- gées (surtout celles qui en sapent les fondements : 1. Les 3 Suisses, auquel L’Oréal par la bouche de Claudia Schieffer ne se cache plus d’ajouter : « parce que je le vaux bien ! » chrétienté, raison, science, république, père, famille, morale...), il est devenu très mal vu de ne pas dire que du bien des femmes. Malgré cette pression médiatique croissante – et ne faisant finalement que rejoindre la tradition classique unanimement misogyne depuis la nuit des temps jusqu’à Simone de Beauvoir – je vais oser poser ici la question interdite : Et si c’était parce que la femme est fondamen- talement sans vision politique et sans projet social, donc qui accepte comme naturel, voire indépassa- ble, le système en vigueur (en l’occurrence le néolibéralisme), que les hommes au pouvoir (ces mêmes tenant du néolibéralisme) tenaient à tout prix à nous imposer : - les femmes comme commentateurs privilégiés de leurs actes, - la féminité comme sensibilité modèle, - et la féminisation comme avenir politique, afin, bien sûr, de conforter le leur ? Question quasi hérétique et pourtant décisive puisqu’elle engage la survie même du contenu sérieux du mot “démocratie” (le pouvoir de déci- sion politique au peuple). Question d’une actualité brûlante qui exige quand même, avant d’être tranchée, qu’on réponde à quelques questions préalables : - d’abord qu’est-ce que la femme ? 10 Vers la féminisation ? - qu’est-ce que la féminité ? - qu’est-ce que le féminisme ? - comment, enfin, s’est mis en place ce proces- sus de féminisation dont la marche inquiétante justifie un tel livre. introduction 11 1. La femme existe-t-elle ? La femme existe-t-elle ? Cette question radicale ne prétend pas se ratta- cher à une tradition métaphysique de l’absurde pour étudiants en lettres désespérés. Il n’est pas douteux que la femme existe, nous en côtoyons tous les jours et remettre en cause son existence équivaudrait à remettre en cause l’existence de la totalité du monde, ce livre inclus. L’existence problématique de “la” femme pose une vraie question : celle de l’unité de l’objet étudié. Existe-t-il, au-delà de leur diversité observa- ble – minces, grosses, gaies, tristes, riches, pau- vres... – une identité, une sensibilité, un esprit, bref une nature féminine1 commune à toutes ces femmes ? Et si oui, comment la déceler et la définir ? 1. Nature très loin de se confondre avec la nature, bien entendu. La nature féminine, difficile objet de pensée De tous temps (plus exactement depuis les débuts de l’histoire jusqu’au début de ce siècle), ce sont les hommes qui ont pensé la nature et en son sein, la nature féminine1. Et malgré toutes les précautions méthodologiques du penseur le plus expérimenté, la nature s’exprime toujours à tra- vers l’idée, certes cohérente et fonctionnelle qu’il s’en fait, jamais d’elle-même ; à moins bien sûr de s’en remettre à la transe de la révélation, mais alors on sort du doute (et de sa méthode hypothé- tico-déductive) pour retomber dans la croyance et la foi, pour nous hors sujet2. Ainsi l’homme, sans lui faire dire n’importe quoi, fait-il dire un peu ce qu’il veut à la nature. Parole ventriloque et tâtonnante où se mêlent opi- nion et science, invention et découverte pour don- ner quand même, au fil du temps, une certaine idée de progrès. Malgré toutes les défiances mystico- contemporaines relayées par les médias, la physi- que d’Einstein exprime indéniablement la nature avec plus de finesse, de profondeur et de vérité que 16 Vers la féminisation ? 1. Que les femmes ne l’aient pas fait pose une question de fond à laquelle ce livre prétend justement apporter quelques éléments de réponse. 2. Ce que n’hésite pourtant pas à faire la philosophie néokantienne héritée de Husserl quand elle prétend recourir à l’intuition ontologique et autre réduction phénoménologique pour accéder à la vérité. celle de Newton. Physique de Newton qui en remontrait déjà à celle de Copernic, et celle de Copernic à celle de Ptolémée... Les fusées interpla- nétaires en témoignent, en attendant mieux. Pour la femme l’analogie avec la nature s’ar- rête là. D’abord parce que, contrairement à l’idée de nature qui a subi à travers l’histoire plusieurs révolutions (copernicienne, newtonienne, einstei- nienne), l’idée de la femme traverse les âges avec une remarquable stabilité... dans la misogynie. Citations : - Aristote (philosophe grec -384 - -322, disciple de Platon, fondateur du Lycée et père de la logique): « L’esclave est entièrement privé de la liberté de délibérer; la femme la possède, mais faible et inefficace ». - Jean-Jacques Rousseau (philosophe genevois 1712-1778, collaborateur de L’Encyclopédie et fondateur avec Le Discours sur l’origine de l’iné- galité et Le Contrat social de la pensée démocra- tique moderne) : « Les femmes en général n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun et n’ont aucun génie ». - Emmanuel Kant (philosophe allemand 1724- 1804, père de l’idéalisme critique sur lequel s’appuie encore l’ensemble de la pensée non- dialectique contemporaine) : La femme existe-t-elle ? 17 « Les femmes ne peuvent pas plus défendre personnellement leurs droits et leurs affaires civi- les qu’il leur appartient de faire la guerre; elles ne peuvent le faire que par l’intermédiaire d’un représentant ». - Arthur Schopenhauer (philosophe allemand 1788-1860, père du pessimisme moderne) : « L’homme s’efforce en toute chose de dominer directement soit par l’intelligence, soit par la force; la femme au contraire, est toujours et par- tout réduite à une domination absolument indi- recte, c’est à dire qu’elle n’a de pouvoir que par l’homme, et c’est en lui seul qu’elle exerce une influence immédiate. En conséquence, la nature porte les femmes à chercher en toutes choses un moyen de conquérir l’homme, et l’intérêt qu’elles semblent prendre aux choses extérieures est tou- jours une feinte, un détour, c’est à dire pure coquetterie et pure singerie ». - Sigmund Freud (psychologue autrichien 1856-1939, père de la psychanalyse) : « Il faut admettre que les femmes n’ont qu’un sens réduit de la justice et cela est lié sans aucun doute à la prépondérance de l’envie dans leur vie mentale; car l’exigence de justice est une modifi- cation de l’envie; elle pose les conditions dans les- quelles on désire bannir cette envie. Nous disons aussi des femmes que leurs intérêts sociaux sont plus faibles que ceux des hommes et que leur faculté de sublimer leurs pulsions est moindre ». 18 Vers la féminisation ? Cela fait mal, et cela nous fournit notre ensuite : remarquable stabilité dans la misogynie qui n’est sans doute pas étrangère au fait que “la femme” n’est pas pour l’homme un objet d’étude parmi d’autres (comme ces électrons, amibes ou souris blanches qu’il étudie en laboratoire sans trop d’implication affective), ni même cet autre encore abstrait de la nébuleuse existentialo-sar- trienne, mais celle dont il vient et où il rêve sou- vent de revenir : sa mère et sa femme. La mère comme être et nostalgie La mère, c’est d’abord pour tous les hommes l’amour confondu avec l’origine. C’est pourquoi, uploads/Litterature/ alain-soral-vers-la-feminisation.pdf

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