5 | 2010 : Stéréotypes en langue et en discours ARTICLES Analyse linguistique d

5 | 2010 : Stéréotypes en langue et en discours ARTICLES Analyse linguistique des énoncés stéréotypés parémiques dans l'œuvre d'Ahmed Rassim, un écrivain égyptien d'expression française YOMNA SAFWAT SALEM Abstracts Français English Ahmed Rassim est un écrivain peu connu des lecteurs francophones. Il n'a pas la renommée d'Albert Cossery par exemple ; pourtant ses écrits situent bien l'Egypte des années 40. Dans cette communication, nous tenterons d'entreprendre une lecture du fonctionnement pragmatique des énoncés stéréotypés parémiques qui jalonnent l'œuvre d'Ahmed Rassim, grâce à une méthodologie interdisciplinaire où se rencontrent pragmatique, analyse du discours et narratologie. Notre analyse privilégiera l'examen des conditions proprement linguistiques de la parole proverbiale en mettant en relief les particularités discursives de l’emploi de la parémie chez Rassim. Cette analyse fonctionnelle se déroulera en quatre étapes : d'une part, par rapport au discours poétique (Le Livre de Nysane), d’autre part, par rapport au discours romanesque (Le Petit Libraire Oustaz Ali), au niveau de la narration, puis au niveau des paroles et des pensées du personnage et enfin au niveau de l'échange conversationnel. Grâce aux notions d'acte de parole et d'acte perlocutoire, nous aurons l'occasion de constater que, d'une part, les proverbes en tant qu'actes illocutoires assument différentes fonctions dans le discours à savoir : illustrer, conclure, affirmer, étayer, résumer, critiquer, ironiser, justifier, argumenter… et que d'autre part, le même énoncé sentencieux peut être interprété différemment selon ses contextes d’énonciation. L'usage du proverbe n'est donc pas insignifiant mais il est mis au service de la visée discursive de l'énonciateur et de la stratégie énonciative de l'œuvre littéraire. Ahmed Rassim is an author who is not much known by the French-speaking readers. He doesn’t have Albert Cossery's fame for example ; however his writings best describe Egypt during the forties. In this paper, we shall try to introduce a reading of the pragmatic functioning of the stereotypical statements which mark out the work of Ahmed Rassim, through an interdisciplinary methodology that meet pragmatics, discourse analysis and narratology. Our analysis will emphasize the examination of the linguistic conditions of the proverbial speech highlighting the features of the discursive use of the proverbs in Rassim's work. This functional analysis will take place in four stages: on one hand with regard to the poetic discourse (The Book of Nysane), on the other hand with regard to the fictional discourse (The Little Bookseller Oustaz Ali), at the level of the story, then at the level of the speech and the thoughts of the character and finally at the level of the interactive exchange. Thanks to the notions of speech act and perlocutionary act, we will have occasion to note that, firstly, proverbs as illocutionary acts assume different functions in discourse in order to illustrate, to conclude, to assert, to support, to sum up, to criticize, to be ironic, to give proof, to argue ... and secondly, the same sententious statement can be interpreted differently according to its contexts of utterance. Accordingly, the use of the proverb is not insignificant but it is put in the service of the discursive aim of the speaker and the enunciative strategy of the literary work. Full text 1. Introduction Les énoncés stéréotypés parémiques font partie des stéréotypes linguistiques. Mais qu'est-ce qu'un stéréotype ? La définition de stéréotype n'est pas évidente et donne parfois lieu à hésitation et à controverse. Tantôt, les stéréotypes sont définis comme « des croyances », tantôt comme « des clichés, images préconçues et figées », tantôt comme « des manières de penser » (Amossy / Herschberg- Pierrot 1997 : 27). De même, on a tendance à confondre le 1 stéréotype avec le cliché, le poncif, le lieu commun, l'idée reçue, etc. Mais quelque soit le terme, ils renvoient tous à un certain nombre d'idées préétablies et de préjugés qui sont ancrés dans notre esprit et qui constituent une grande partie de notre patrimoine culturel. L'importance de ces formules ritualisées n'est pas seulement due à la manière dont ils président à notre vie quotidienne mais aussi à la manière dont ils façonnent notre rapport à l'Autre en donnant à entendre le discours de l'autre. Cependant, en dépit de la fréquente confusion entre les termes précédents, chacun d'eux a sa spécificité qui mériterait d'être soulignée. En gros, le lieu commun renvoie à une pensée stéréotypée alors que le cliché désigne une expression stéréotypée. Ceci nous amène aux travaux de Schapira qui distingue deux catégories majeures de stéréotypes : les stéréotypes de pensée et les stéréotypes de langue, soulignant que la plupart du temps, les seconds cachent ou expriment ouvertement les premiers. Par la suite, les stéréotypes de langue ont fait l'objet d'une typologie. Selon Schapira (1999 : 12), on a deux types d'expressions figées, les locutions grammaticales relevant de la composition et les locutions stéréotypées ou formules qui à leur tour se divisent en 2 Locutions syntagmatiques expressives comprenant les expressions stéréotypées (littérales, métaphoriques et allusives) en plus des clichés, 3 Expressions idiomatiques ou idiotismes, 4 Enoncés stéréotypés englobant entre autres toutes les formes parémiques telles le proverbe et les autres énoncés parémiques apparentés au proverbe, comme la locution proverbiale, le dicton, la maxime, l'adage, le précepte, l'aphorisme et la devise. 5 Les proverbes facilement identifiés par tout locuteur natif grâce à l'intuition, sont présents dans toutes les langues. Aristote les définit comme « des survivances d'une ancienne sagesse ». Cependant, leur définition est difficile à cerner : « Le proverbe est indéfinissable parce que le 6 Nous disons à autrui comment sont les choses (assertifs), nous essayons de faire faire des choses à autrui (directifs), définir fait entrer le référent dans la définition, et que le proverbe [...] est une activité de langage, un acte de discours dont le référent est l’énonciateur et le réénonciateur dans leur rapport à une situation » (Meschonnic 1976 : 426). Le proverbe est syntaxiquement autonome, pouvant apparaître en discours sous sa forme canonique et discursivement autonome, ne dépendant pas pour son apparition d'un échange conversationnel et pris hors discours, il a une valeur de vérité générale (Arnaud / Moon 1993 : 324). 7 Pour longtemps, les parémies ont été négligées par les linguistes les considérant comme domaine d’étude du folklore. Toutefois, depuis quelques années, vu le statut particulier du proverbe au sein de la langue, son étude a fait l'objet d'un regain d'intérêt de la part des linguistes comme Anscombre (1994, 2000, 2006, 2008), Kleiber (1989,1999, 2000), Conenna (2000), Tamba (2000), Vizetti et Cadiot (2006). Ces derniers ont entrepris des analyses sur les aspects sémantiques, pragmatiques, logiques et métaphoriques du proverbe. 8 En ce qui concerne le recours aux énoncés parémiques dans la littérature, indiquons que depuis le Moyen Âge, des proverbes sont insérés dans des œuvres littéraires, citons à titre d'exemple l'oeuvre de Chrétien de Troyes, de Gautier d'Arras ou de Hue de Rotelande (Schulze-Busacker 1985). Il s'agit alors de savoir quand, comment et pourquoi les instances romanesques ont recours au proverbe puisque selon Leguy (2000 : 50), « l’énonciation d’un proverbe par un interlocuteur peut se comprendre comme un acte de langage... » défini comme le but communicatif de l'énonciation effectivement réalisée par un locuteur déterminé dans une situation donnée (Austin 1962, Searle 1972). Searle distingue cinq catégories générales d'actes illocutoires : 9 nous nous engageons à faire des choses (promissifs), nous exprimons nos sentiments et nos attitudes (expressifs) et nous provoquons des changements dans le monde par nos énonciations (déclarations) (Searle 1982 : 32). Par la suite, dans notre communication, nous essaierons d'entreprendre une lecture du fonctionnement pragmatique des parémies qui jalonnent l'œuvre poétique et romanesque d’Ahmed Rassim (1895-1958), écrivain égyptien d'expression française. Nous avons choisi ce corpus pour deux raisons. D’abord, Rassim prône 'l'art égyptien' : dans son œuvre, il veut être lui-même et s’exprimer tel qu’il est. Il cherche à retrouver ses valeurs grâce notamment à la tradition orale ; il veut également que les littérateurs égyptiens d'expression française s'expriment d'une manière égyptienne personnelle et originale en rendant compte de la vie populaire (Rassim 2007 : 148). 10 D’autre part, qui dit vie populaire dit proverbe. L'œuvre de Rassim se caractérise par un recours massif aux parémies. Les proverbes sont en effet amplement présents dans Le Livre de Nysane (recueil de poèmes) et dans le roman, Le Petit Libraire Oustaz Ali. Cependant, ils ont une très faible présence dans les Essais et les Journaux de Rassim (Le Journal d'un pauvre fonctionnaire, Le Journal d'un peintre raté et Le Journal d'un archiviste). 11 Le proverbe est partie intégrante du langage populaire des Egyptiens. Selon Rassim, les proverbes égyptiens « sont nés et se transmettent comme tous les proverbes populaires par ce besoin qu'éprouvent les peuples d'émailler leurs conversations par les dictons divers qui finissent par acquérir force de loi » (Rassim 1988 : 223). 12 Dans la vie de tous les jours, les proverbes sont évoqués dans maintes situations : le manquement à la morale, l’impolitesse, l’ingratitude, le manque de bon sens et du bon comportement, etc. (Tadié : 2002). Les Egyptiens notamment les adultes emploient beaucoup de proverbes dans leur discours. L'analyse de uploads/Litterature/ analyse-linguistique-des-enonces-stereotypes-paremiques-dans-l-x27-oeuvre-d-x27-ahmed-rassim-un-ecrivain-egyptien-d-x27-expression-francaise-pdf.pdf

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