7) Vous indiquez à quel type de focalisation appartient un extrait d’une page d

7) Vous indiquez à quel type de focalisation appartient un extrait d’une page de Splendeurs et misères des courtisanes de Balzac ou des Lauriers sont coupés d’Edouard Dujardin ou bien d’un auteur de votre choix et vous justifierez vos réponses en vous référant aux autres types de perspective narrative. — « Une sole ; du poulet ; avec du cresson. » — « Sole ; poulet cresson. » Ainsi je vais dîner ; rien là de déplaisant. Voilà une assez jolie femme ; ni brune, ni blonde ; ma foi, air choisi, elle doit être grande ; c’est la femme de cet homme chauve qui me tourne le dos ; sa maîtresse plutôt ; elle n’a pas trop les façons d’une femme légitime ; assez jolie, certes. Si elle pouvait regarder par ici ; elle est presque en face de moi ; comment faire ? À quoi bon ? Elle m’a vu. Elle est jolie ; et ce monsieur paraît stupide ; malheureusement je ne vois de lui que le dos ; je voudrais connaître sa figure ; il est un avoué, un notaire de province ; suis-je bête ! Et le consommé ? La glace devant moi reflète le cadre doré ; le cadre doré qui, donc, est derrière moi ; ces enluminures sont vermillonnées ; les feux de teintes écarlates ; c’est le gaz tout jaune clair qui allume les murs ; jaunes aussi du gaz, les nappes blanches, les glaces, les brilleries des verreries. Commodément on est ; confortablement. Voici le consommé, le consommé fumant ; attention à ce que le garçon ne m’en éclabousse rien. Non ; mangeons. Ce bouillon est trop chaud ; essayons encore. Pas mauvais. J’ai déjeuné un peu tard, et je n’ai guère de faim ; il faut pourtant dîner. Fini, le potage. De nouveau cette femme a regardé par ici ; elle a des yeux expressifs et le monsieur paraît terne ; ce serait extraordinaire que je fisse connaissance avec elle ; pourquoi pas ? il y a des circonstances si bizarres ; en d’abord la considérant longtemps, je puis commencer quelque chose ; ils sont au rôti ; bah, j’aurai, si je veux, achevé en même temps qu’eux ; où est le garçon, qu’il se hâte ; jamais on n’achève dans ces restaurants ; si je pouvais m’arranger à dîner chez moi ; peut-être que mon concierge me ferait faire quelque cuisine à peu de frais chaque jour. Ce serait mauvais. Je suis ridicule ; ce serait ennuyeux ; les jours où je ne puis rentrer, qu’adviendrait-il ? au moins dans un restaurant on ne s’ennuie pas. Et le garçon, que fait-il ? Il arrive ; il apporte la sole. C’est étrange comme divers de ces poissons ont des dimensions diverses ; cette sole est bonne à quatre bouchées ; d’autres sont qu’on sert à dix personnes ; la sauce y est pour quelque chose, c’est vrai. Entamons celle-ci. Une sauce aux moules et aux crevettes serait fameusement meilleure. Ah, notre pêche de crevettes là-bas ; la piteuse pêche, et quel éreintement, et les jambes mouillées ; j’avais pourtant mes gros souliers jaunes de la place de la Bourse. On n’a jamais fait d’éplucher un poisson ; je n’avance pas. Je dois cent francs, et plus, à mon bottier. Il faudrait tâcher à apprendre les affaires de Bourse ; ce serait pratique ; je n’ai jamais compris ce qu’était jouer à la baisse ; quel gain possible, sur des valeurs en baisse ? supposons que j’aie cent mille francs de Panama, et qu’il baisse ; alors je vends ; oui ; eh bien ? je rachèterai donc à la prochaine hausse ; non ; je vendrai. Ce gros avoué qui mange, me devrait enseigner. Il n’est peut-être point avoué ni notaire. Ah, ces arrêtes ; rien n’est à manger de cette sole ; elle est savoureuse pourtant ; laissons ces débris. Sur le banc, contre le dossier, je me renverse ; encore des gens qui entrent ; tous hommes ; un qui semble embarrassé ; l’étonnant par-dessus clair ; depuis beaucoup de saisons on n’en porte plus de tel. J’ai laissé un appétissant petit morceau de sole ; bah, je ne vais pas, le prenant, me rendre ridicule. Excellent serait ce petit morceau, blanc, avec les raies qu’ont marquées les arrêtes. Tant pis ; je ne le mangerai pas ; de ma serviette je m’essuie les doigts ; un peu rude, ma serviette ; neuve peut-être. La femme de l’avoué vient de se tourner ; on dirait qu’elle m’a fait un signe ; elle a des yeux superbes ; comment ferais-je pour lui parler ? Elle ne regarde plus. Écrirais-je un billet ; c’est m’exposer à une déconvenue ; pourtant elle annonce une facile connivence ; je lui montrerais le billet ; si elle le voulait prendre, elle s’arrangerait à le prendre ; je puis en tout cas faire le billet. Et après ? je dois rentrer, m’habiller, être au théâtre avant neuf heures ; c’est insupportable, toutes ces histoires. — « Monsieur a fini... » — « Oui. Apportez-moi le poulet. » Les Lauriers sont coupés, Édouard Dujardin Cet extrait fait partie du roman Les Lauriers sont coupés d’Édouard Dujardin, un ouvrage fameux pour le monologue intérieur du protagoniste, Daniel Prince. Dans ce fragment que j’ai choisi, comme dans le reste du roman, la narration est homodiégétique centrée sur le personnage, c’est à dire que le narrateur(le personnage plus précisément) raconte ce qui lui arrive. En effet il s’agit d’un dîner, moment où on a la possibilité de connaître les pensées les plus intimes du personnage. En conséquent dans ce texte on a affaire avec une focalisation interne fixe. C’est un discours direct libre où le verbe introducteur est supprimé. Les pensées du personnage entrent en scène d’une manière brusque. Les marques de ponctuation presque disparaissent. Pratiquement ce monologue n’est qu’un surgissement incontrôlé et désorganisé comme l’avait remarqué Gérard Genette. On ne témoigne pas d’organisation logique, il passe brusquement d’une idée à une autre (Il faut tâcher à apprendre les affaires de Bourse […] je rachèterai donc à la prochaine hausse ; non ; je vendrai. Ce gros avoué qui mange… ) On ne fait trop d’attention aux marques de ponctuation, donc on remarque une préférence pour la juxtaposition par « ; ». Le narrateur ne raconte que ce que voit le personnage focale auquel il a délégué son statut (le milieu, la femme et l’homme qui l’accompagne et le garçon – ceux qui lui attire l’attention). Les deux voix (du narrateur et du personnage) se trouvent sur le même niveau. Le discours citant c’est le discours cité. Ce nouveau statut du personnage qui a acquiert une sorte d’autonomie sur ses pensées et actions, n’est jamais plus évidente que dans les moments ou il arrête pour faire des commentaires ou parce qu’une autre chose lui attire l’attention. C’est comme si dans ces moments la caméra s’éteint et on n’a plus de continuité dans le récit d’événements. Ensuite il fait beaucoup des suppositions dont le lecteur ne peut pas savoir s’ils sont vrais ou faux. Par exemple, on ne sait pas vraiment qui est cette femme qui lui attire l’attention (elle n’a pas les façons d’une femme légitime, ce monsieur paraît stupide etc.) On n’a pas un autre point de vue, ni d’autres informations sur ces personnage pour vérifier ces suppositions. Il ne narre pas d’une façon rétrospective, mais au présent (elle doit être, c’est la femme de cet homme, elle este jolie, il est un avoué, il apporte la sole etc.). Donc on ne peut pas parler que d’une vision limitée car on voit seulement ce que le personnage focal voit ( voilà une assez jolie femme, la glace devant moi reflète le cadre doré, voici le consommé , pas mauvais \etc.) et de plus on apprend sur les objets ou sur les autres personnages d’un seul point de vue, celui de Daniel (jolie femme , elle n’a pas trop les façons d’une femme légitime ; ce monsieur paraît stupide, pas mauvais ; elle a des yeux expressifs etc.). Il est à remarquer qu’il utilise quelques déictiques : voilà, voici, par ici, là-bas, fait qui évoque la présence du lecteur, c’est comme s’il était là. On associe des phrases courtes, parfois réduites au minimum syntaxique (rien là de déplaisant, elle m’a vu, elle est jolie, je vais dîner, il apporte la sole etc.) fréquemment interrompues (j’aurai achevé en même temps qu’eux ; où est le garçon qu’il se hâte) ou bien on associe d’idées très différentes (Il n’est peut-être ni avoué ni notaire. Ah, ces arrêtes ; rien n’est à manger de cette sole ; Et le consommé ? La glace devant moi reflète le cadre doré) des questions (comment faire ?, à quoi bon ?, pourquoi pas ?, que fait-il ?, comment ferais-je pour lui parler ?, et après ? etc.) et des interjections (bah, ah). En ce qui concerne la durée narrative on remarque les nombreuses pauses, uploads/Litterature/ analyse-type-de-focalisation.pdf

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