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 $1'5‹'8%28&+(7 / +200(48,0$5&+( $P«OLH&ROOHW+REOLQJUH ,QVWLWXW&DWKROLTXHGH3DULV_m7UDQVYHUVDOLW«V} 1r_SDJHV ¢  ,661  $UWLFOHGLVSRQLEOHHQOLJQH¢O DGUHVVH  KWWSV ZZZFDLUQLQIRUHYXHWUDQVYHUVDOLWHVSDJH KWP  3RXUFLWHUFHWDUWLFOH  $P«OLH&ROOHW+REOLQJUHm$QGU«GX%RXFKHW O +RPPHTXLPDUFKH} 7UDQVYHUVDOLW«V 1r S  '2, WUDQV    'LVWULEXWLRQ«OHFWURQLTXH&DLUQLQIRSRXU,QVWLWXW&DWKROLTXHGH3DULV k,QVWLWXW&DWKROLTXHGH3DULV7RXVGURLWVU«VHUY«VSRXUWRXVSD\V /DUHSURGXFWLRQRXUHSU«VHQWDWLRQGHFHWDUWLFOHQRWDPPHQWSDUSKRWRFRSLHQ HVWDXWRULV«HTXHGDQVOHV OLPLWHVGHVFRQGLWLRQVJ«Q«UDOHVG XWLOLVDWLRQGXVLWHRXOHFDV«FK«DQWGHVFRQGLWLRQVJ«Q«UDOHVGHOD OLFHQFHVRXVFULWHSDUYRWUH«WDEOLVVHPHQW7RXWHDXWUHUHSURGXFWLRQRXUHSU«VHQWDWLRQHQWRXWRXSDUWLH VRXVTXHOTXHIRUPHHWGHTXHOTXHPDQLªUHTXHFHVRLWHVWLQWHUGLWHVDXIDFFRUGSU«DODEOHHW«FULWGH O «GLWHXUHQGHKRUVGHVFDVSU«YXVSDUODO«JLVODWLRQHQYLJXHXUHQ)UDQFH,OHVWSU«FLV«TXHVRQVWRFNDJH GDQVXQHEDVHGHGRQQ«HVHVW«JDOHPHQWLQWHUGLW Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris 97 Transversalités, avril-juin 2012, n° 122, p. 97-110 ANDRÉ DU BOUCHET: L’HOMME QUI MARCHE Amélie COLLET-HOBLINGRE Chargée d’enseignement, Faculté des Lettres, Institut Catholique de Paris Contemplons L’Homme qui marche d’Alberto Giacometti. Observons cet homme sans visage, sans identité. Pourtant si présent. Cet être immense et fin, dont les membres semblent s’étirer jusqu’à l’extrême, marche seul, au milieu du vide. Inscrit dans une double spatialité, il est celui qui se tient debout, à travers (durchstehen). Courbé en avant, il avance péniblement. Pesant. La difficulté de ses mouvements est accentuée par l’enracinement de ses pieds. Proche et loin de nous. Séparé et coïncidant. Cet homme pourrait être André du Bouchet lui-même, ce poète qui, s’étant souvent tenu à l’écart de la confidence, a toujours refusé l’identi- taire mais dont la voix, claire et intelligible, s’impose encore à la lecture Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris de ses recueils («!le je [est] moi en tant que point de départ à celui qui lit!»1. En effet, le recul que le poète n’a cessé de prendre par rapport à lui-même («!j’écris aussi loin que possible de moi!»2) n’a jamais été une abdication de la conscience. Et, lorsque son écriture dé-figure: j’oublie… la parole en déplacement s’oublie…3, dissolvant volontairement l’événementiel et tenue par cette attraction incoercible de l’en-avant, le «!moi!» se révèle et se relève malgré tout, et presque malgré lui. Subsiste alors l’impression d’une présence toujours plus forte que soutient paradoxalement le sentiment de la disparition du poète et de sa voix. Cet être façonné des mains du maître suisse pourrait être André du Bouchet: ce critique essayiste et poétique, reconnu et exigeant, observa- teur et participant des gravures d’Hercule Segers, des vues de Poussin ou encore des dessins de Tal-Coat, qui se mesurait aussi lui-même et physiquement au paysage (celui de la Drôme, en particulier) dans l’épreuve de la marche. De multiples promenades averties et solitaires, au cours desquelles le poète transcrivait sur ses petits «!carnets!» son attention pneumatique à l’environnement, aux champs de silence et de vide qu’il traversait. Oui, cet être sculpté pourrait être André du Bouchet, l’ami fraternel d’Alberto Giacometti avec lequel il ne cessa de dialoguer dans ses œuvres et dont il partagea souvent le souffle et les pensées. Plus justement, cet homme en marche, c’est la poésie d’André du Bouchet: cette écriture dépouillée, profondément enracinée dans la réalité la plus élémentaire, incluant le vide dans sa progression, une progression pénible mais réelle. Cette marche attentive, quasi initiatique, liée à ce mouvement d’oscillation entre séparation et coïncidence. Refusant le processus final. Toujours en avant. 1. André DU BOUCHET, entretien avec Alain VEINSTEIN, émission radiophonique de France Culture, 11 mars 1984. 2. André DU BOUCHET, «! Météore! », dans Dans la chaleur vacante, Paris, Poésie/Gallimard (coll. «!N.R.F!»), 2003, p. 38. 3. André DU BOUCHET, «!Poussière sculptée!», dans L’Ajour, Paris, Poésie/Gallimard, 2003, p. 42. DOSSIER 98 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris En effet, la matière sur laquelle se fonde la création poétique d’André du Bouchet est en prise directe avec le «! mondain! »4 et se rencontre «!chemin faisant!»5. Les mêmes mots obsédants (ceux de la tribu) traver- sent ses recueils: air, montagne, eau, froid, souffle… La poésie d’André du Bouchet est profondément rivée à la réalité: … dehors la terre sur sa tranche dont je ne me dissocie pas…6 La nature est le lieu d’inspiration et de marche privilégié du poète. Elle est le point initial qu’il s’agit de retrouver dans les mots. Marcher, poser le pied à terre, frôler le sol «!à flanc de montagne!»7, considérer l’écrasante étendue du ciel et goûter «!à l’air quand on a respiré!»8 : tous ces geste perceptifs composent l’acte créateur du poète. À travers la campagne, ce dernier peut expérimenter par les sens le repli du monde hors du bruisse- ment: «!… dans la mutité j’avance…!»9, rendre compte du tintement des cloches sur l’étendue déserte et muette des prairies, ou sentir le «!souffle!» (celui que le marcheur reprend au cours de sa promenade ou celui du vent). André du Bouchet note sur l’instant et dans ses «!carnets!», comme le peintre saisit en son croquis la sensation, ce qu’il éprouve et ce qui l’éprouve. Ses manuscrits s’élaborent extra muros. Ses premiers mots, il les dépêche sur le papier, «!debout sur la table!», mais il «!pense au sol de la terre sous [s]es pieds. C’est la terre qui est la table.!»10 La configuration du texte, lorsqu’il est frappé à la machine, donne forme à cette expérience du monde, une marche attentive au milieu environnant et des pauses qui se heurtent au silence: … monde – et l’intervalle – au monde 4. Le monde, le réel, n’est pas connaissable. L’ensemble des médiations entre le monde et l’homme est le seul reflet que nous possédons du monde. En ce sens précis, nous appelons l’ensemble de ces médiations, à la suite de G. Molinié, le mondain. 5. André DU BOUCHET, «!Hercule Segers!», dans L’Incohérence, Paris, Hachette (coll. «!P.O.L!»), 1979. 6. Ibid. 7. Ibid. 8. Ibid. 9. Ibid. 10. Ibid. 99 ANDRÉ DU BOUCHET: L’HOMME QUI MARCHE Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris «! Cela ici! »11 dit cette immédiateté de l’environnement. En fait, la poésie d’André du Bouchet ne dit pas la réalité: elle est le réel. Par la suspension de la signification, qui oblitère notre perception du réel, et par l’élagage de la matière, André du Bouchet tente de libérer la rencontre de la parole comme telle, d’atteindre la réalité en elle-même. Nous savons que la marche du vivant, comme le poème, est «!passage!» où le sensible (métamorphosé par le prisme de la langue) se complexifie dans un jeu de correspondances et de superpositions qui le réduisent à une épure et lui font perdre sa spatialité perceptive. Mais le poète André du Bouchet ne cherche rien d’autre que ce qui est: la matière dont la cohérence échappe. Ses notes saisissent le paysage donné dans le surgissement du trait, comme dépouillé de tout contour, réduit à ses éléments les plus simples: Le vent rangé comme un fléau de pierre au coin des vergers.12 Ainsi le poète construit son œuvre autour d’une matière raréfiée à l’extrême, en éliminant tout «! le surplus qui pourrait mourir avec le temps!»13. Toute l’œuvre d’André du Bouchet dit ce retour à l’élémentaire: … rudiments de la terre retournée qui sont ceux de l’œuvre en formation réinscrits dans ses derniers états…14 L’écriture est d’ailleurs mimétique de cette simplicité originelle. Le poète réactive cette limitation de la matière à ses linéaments en l’esquis- sant de sa propre main, la faisant contaminer avec sa parole poétique. La matière devient verbale: Le poème qui emprunte à la réalité est ensuite détaché de la 11. Ibid. 12. André DU BOUCHET, «!La lumière de la lame!», dans Dans la chaleur vacante, op. cit., p. 181. 13. André DU BOUCHET, entretien avec Jean-Pascal LÉGER, «!Espaces de la poésie!», France Culture, 23-24 décembre 2002. 14. André DU BOUCHET, «!Hercules Segers!», dans L’Incohérence, op. cit. DOSSIER 100 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris Document téléchargé depuis www.cairn.info - Universite de Vigo - - 193.146.209.154 - 03/01/2018 08h48. © Institut Catholique de Paris sensation afin de retrouver dans la matière verbale – car la matière est ce qui nous transplante – la même impression.15 À son tour, l’écriture du poète se veut simple, purifiée de toute rhétorique, de tout schématisme. Le style est dépourvu d’ornements: … strates… étages… feuillets… gisements…16 Dans cet extrait poétique, la juxtaposition des substantifs, ces espaces vides qui les séparent et que nulle qualification ne remplit, la suspension qui signifie l’inutilité du remplissage manifestent la volonté de dire le réel dans sa simplicité, non pas de le traduire. L’écriture, par son laconisme, se fait matière. Limitation du champ sémantique, brièveté des énoncés sont une conséquence logique d’une volonté de dépouillement. «!Il s’agit en élaguant d’arriver au point initial qui est le point de départ toujours uploads/Litterature/ andre-du-bouchet-l-x27-homme-qui-marche-pdf.pdf

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