L’Antisémitisme Algérien DISCOURS PRONONCÉ A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS Les 19 et 2
L’Antisémitisme Algérien DISCOURS PRONONCÉ A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS Les 19 et 24 Mai 1899 PAR GUSTAVE ROUANET DÉPUTÉ DE PARIS PRÉCÉDÉ DUNE PRÉFACE Par GÉRAULT-RICHARD EN VENTE Aux Bureaux de LA PETITE RÉPUBLIQUE 111, RUE RÉAUMUR, 111 PARIS Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. D’autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com Ce site est consacré à l’histoire de l’Algérie. Il propose des livres anciens, (du 14e au 20e siècle), à télécharger gratuitement ou à lire sur place. L’Antisémitisme Algérien — 4 — PRÉFACE ____________ LE DISCOURS DE ROUANET I Le discours de Gustave Rouanet portera un coup terrible à l’antisémitisme et aux antisémites. Ceux-ci étourdissent le monde de continuelles déclamations contre les juifs accapareurs et de calom- nies contre leurs adversaires politiques. Ils ont réduit la discussion et la polémique à ces trois termes : « Le juif est cause de tous nos maux, car il détient toutes les richesses. Ceux qui refusent de se joindre à nous pour l’accabler ont touché la forte somme. A bas les traîtres ! Mort aux juifs ! » Ils résolvent la question sociale de la façon la plus expéditive et la plus, simpliste : Massacre des juifs ; confi scation de leurs biens. A quoi les socialistes répondent : « Il est faux que le juif accapare les richesses fi nancières, commercia- les, industrielles et terriennes : Sur les quatre-vingts milliards de fortune mobilière de la France, il y en a — 6 — à peine quatre ou cinq entre les mains des juifs. Les grandes entreprises commerciales, telles que le Lou- vre. Le Bon Marché, le Printemps, la Belle-Jardinière, Crespin, appartiennent à des sociétés et à des indivi- dualités catholiques. Dans la grande industrie, on ne découvre aucune infl uence juive. Qui règne au Creusot, la plus formi- dable usine métallurgique de France ? Un bon catho- lique : Schneider. Qui possède les tissages du Nord ? Des dévots comme M. Harmel ; des cléricaux comme le fameux Motte. Qui exploite les mines ? C’est Casi- mir Perier, c’est Plichon, c’est le marquis de Solages, c’est Chagot... tous dévoués aux intérêts de l’Église. Quant à l’agriculture, elle agonise sous l’indolent et cupide parasitisme des vieilles familles nobles. Voilà pour les faits. Si l’on examine la théorie sociale des antisémites, on la voit aussi fausse. La mi- sère du prolétariat vient des conditions économiques qui l’obligent à vendre sa force travail à la classe capi- taliste. La concurrence entre les travailleurs, aggravée par le développement du machinisme, permet au ca- pitalisme de réduire de plus en plus le prix du travail ouvrier, autrement dit le salaire, afi n d’augmenter ses profi ts. Le mal n’est pas que ces profi ts aillent dans la caisse de M. Un Tel, catholique, de M. Tel Autre, protestant ou d’un troisième monsieur qui serait juif, mais bien qu’il y ait profi t. Le crime social est que le capitalisme, de quelque race, de quelque nationalité, de quelque religion qu’il soit, prive le producteur d’une partie de ce qu’il a produit. — 7 — * ** Il importe donc peu aux prolétaires que la riches- se prélevée sur son travail profi te à celui-ci ou à celui- là; que M. de Rothschild soit dépouillé au bénéfi ce de M. de La Rochefoucauld. Ils n’en continueraient pas moins de gémir dans la dépendance et la misère. Ce qu’ils attendent, d’accord avec le sens de l’évolution économique et les données de la science, ce qu’ils hâteront par leurs efforts, c’est la suppression du capitalisme exploiteur et leur entrée en possession commune des instruments et des produits du travail commun. Ils ne s’en prennent pas aux hommes, qui ne sont que des instruments et dont la disparition ne chan- gerait rien à leur sort, mais au régime. Ils songent à substituer non pas un propriétaire à un autre, mais la propriété sociale, ou commune, à la propriété capita- liste. Nous voilà loin des antisémites et de l’antisémi- tisme. M. Drumont et son engeance respectent l’ordre capitaliste. Ils ne changent rien au régime. Ils songent uniquement à s’emparer des profi ts encaissés par les juifs. S’ils réalisaient demain leur idéal, le tisseur, le mineur, le métallurgiste, le paysan, l’employé su- biraient, comme aujourd’hui, la loi de l’exploiteur; comme aujourd’hui ils vendraient leurs bras au maître — 8 — moyennant un salaire toujours plus réduit, et rien ne serait changé à leur condition, à moins qu’elle ne de- vînt plus misérable encore et plus cruelle. Car les antisémites ne pèchent point par excès de scrupules. Ils prodiguent les accusations d’anti-patriotisme et de vénalité. Quand vient la guerre, ils regardent partir les juifs pour le champ de bataille comme M. Marchal. Quand sévit une crise, ils arrachent aux ban- ques la remise de la moitié de leurs dettes. Ainsi fi t M. Morinaud envers la banque d’Algérie. Ils dénoncent les trafi quants à la tribune de la Chambre, mais ils les défendent devant les tribunaux. Ainsi fi t encore M. Morinaud envers certains entre- preneurs d’Oran. On a vu que, de son côté, M. Drumont, grand contempteur des juifs panamistes, reçut vingt mille francs de Cornélius Herz, pour éviter à son ami le marquis de Morès d’être exécuté dans un cercle où il avait contracté des dettes de jeu. En un mot, ces hommes intègres en veulent à la corruption de ne pas les corrompre ; aux accapareurs de ne point les associer à leurs opérations. Leur formule de rénovation sociale tient en ces mots qu’ils adressent aux juifs : Ôtez-vous de là que nous nous mettions. II La tribune du Parlement, à laquelle on accède par des marches, ne grandit pas M. Drumont qui le lui rend bien. — 9 — Nous ne savons si le chef de l’antisémitisme montre de l’éloquence en d’autres occasions, mais il nous parait défi nitivement établi qu’il est au-dessous du dernier bafouilleux lorsqu’il explique au pays sa doctrine avec la manière de s’en servir. Sa doctrine politique, sociale et religieuse, plus il en parle, moins nous la connaissons. Il en est à son troisième discours et après celui- ci comme après les deux premiers, nous savons que Max Régis est un jeune héros, qu’Alger est un séjour enchanteur et que les antijuifs sont des agneaux. Ces agneaux assassinent bien de temps à autre ; il pillent, ils saccagent. Mais M. Drumont, si nous le poussions à bout, nous démontrerait qu’ils appartien- nent à l’espèce des moutons enragés. En tout cas, nous attendons encore l’exposé pré- cis et documenté des origines, des causes, des consé- quences de l’antisémitisme. M. Drumont ne se presse point de nous l’apprendre et je me doute que c’est parce qu’il n’en sait trop rien lui-même. Y a-t-il une doctrine de l’antisémitisme ? Nous ne parlons pas des hurlements de massacre et de carnage, mais bien d’un système détruisant les abus dénoncés par les antisémites et substituant au régime social ac- tuel un régime meilleur. La confi scation des fortunes juives profi terait à quelques-uns : elle ne diminuerait pas la misère du prolétariat, elle n’adoucirait pas l’exploitation sous laquelle il gémit. Quels seraient les bénéfi ciaires de la mesure d’expropriation partielle préconisée par M. Drumont ? — 10 — Évidemment ceux que le triomphe de sa politique aurait portés au pouvoir. On les connaît. A part les hordes mercenaires qui sont aujourd’hui au service de l’antisémitisme et seront demain aux gages d’une autre entreprise, les adeptes de M. Drumont se re- crutent exclusivement parmi les tenants des vieux partis. Au Parlement, les antisémites les plus authenti- ques sont les royalistes. Le roi lui-même a donné son adhésion à la croisade contre les juifs qu’il accuse de n’avoir pas de sang français dans les veines. Un tel reproche prend de l’autorité dans sa bouche, puisqu’il est fi ls, petit-fi ls et neveu de princes allemands, marié à une Autrichienne. Après les nobles, dont l’antisémitisme s’explique par le besoin de redorer leur blason et l’impossibilité de le faire autrement que par la confi scation ou le ma- riage, les plus ardents à crier : « Morts aux juifs ! » sont les curés. Puis vient la foule assez considérable, mais in- certaine et incohérente de tous ceux qui confondent démagogie et démocratie, pillage et socialisme, car- nage et révolution ; pauvres cervelles qu’une idée ferait chavirer et qui sont condamnées aux vibrations purement animales. « Mort aux juifs ! » cela dit tout, parce que cela ne signifi e rien. Pas besoin, avec cette formule, de rai- sonner, d’étudier, de discuter. Donc : mort aux juifs ! après, on verra. Nul besoin, par conséquent, de s’embarrasser d’observations, de documents, sur le sens de l’évolution — 11 — sociale, sur les besoins crées par le progrès et qu’il doit satisfaire. « Tuons, pillons ! » dit M. Drumont ; « grillons les juifs ; offrons-nous le spectacle raffi né de leurs contorsions au-dessus du bûcher. » Ce n’est plus là, uploads/Litterature/ antisemitisme-algerien.pdf
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- Publié le Dec 06, 2021
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