AULU-GELLE LES NUITS ATTIQUES LIVRE QUATRIÈME. I. Récit d'un entretien à la man
AULU-GELLE LES NUITS ATTIQUES LIVRE QUATRIÈME. I. Récit d'un entretien à la manière de Socrate que le philosophe Favorinus eut avec un grammairien plein de jactance. Citation, amenée dans la conversation, d'un passage de Q. Scaevola, où ce dernier donne du mot penus une définition qui n'a paru ni juste ni complète. Un jour qu'une foule de personnes de tout rang attendaient, dans le vestibule du palais Palatin, le moment de saluer César, un grammairien, au milieu d'un groupe de savants où se trouvait le philosophe Favorinus, se mit à débiter, en vrai pédant d'école, de savantes niaiseries sur les genres et les cas des noms, fronçant le sourcil et donnant à sa voix et à son maintien une gravité qui l'eût fait prendre pour un interprète des oracles de la Sibylle. T out à coup, s'adressant à Favorinus, quoiqu'il le connût fort peu « Quant au mot penus, provisions de ménage, dit-il, on lui a donné aussi différents genres, on l'a décliné de plusieurs manières ; car les anciens ont dit hoc penus, haec penus, et au génitif, peni, peneris, peniteris, penoris. Remarquons encore que le mot mundus, toilette, parure, qui est du masculin partout ailleurs, est du neutre dans les vers suivants de la seizième satire de Lucilius : Legavit quidam uxori mundum omne penumque, Quid mundum? quid non? nam quis dijudicet istuc? Un mari légua à se femme tout son mundum et tout son penus, Mais ce mundum, qu'est-ce ? et que n'est-ce pas ? Car qui peut déterminer cela ? Et notre homme de continuer d'étaler sa science, et d'étourdir tout le monde de témoignages et de citations. Enfin, ennuyé à cette jactance, Favorinus t'interrompit d'un ton calme : « Illustre professeur, dont j'ignore le nom, lui dit-il, tu viens de nous apprendre beaucoup de choses que nous ignorions assurément et que nous étions fort peu désireux de savoir. En effet, que m'importe à moi, et à celui avec qui je parle, de quel genre est penus ou comment je le décline, puisqu'il a été décliné de différentes manières sans barbarisme ? Mais ce qui pique ma curiosité c'est de savoir ce que veut dire penus ; dans quel sens est pris ce mot, afin de ne pas m'exposer à désigner par des termes impropres des objets d'un usage journalier, comme font les esclaves étrangers qui s'essayent à parler latin, - La réponse est facile, reprit notre grammairien ; qui ne sait que penus désigne le vin, le blé, l'huile, les lentilles, les fèves, et autres choses semblables. - Mais, demanda Favorinus, peut-on aussi se servir de penus pour désigner du millet, du panic, du gland, du l'orge ? car toutes ces chose-là sont à peu près semblables, » Comme le grammairien, embarrassé, hésitait à répondre : « Ne te tourmentes pas l'esprit, ajouta Favorinus, pour savoir si tout cela fait partie de penus, je ne te demande pas de nommer les objets désignés par penus, mais de me faire connaître le sens du mot penus lui même, de me le définir par le genre et par les différences. - De quels genres, de quelles différences parles-tu, dit l'autre, je ne te comprends pas ? - T u me demandes, reprend Favorinus, une chose fort difficile ; c'est d'expliquer plus clairement une chose qui est clairement expliquée ; n'est-il pas, en effet, généralement reconnu que toute définition procède par le genre et par les différences ? Cependant, si tu veux que je commence par te mâcher les morceaux, comme on dit, je le ferai pour t'être agréable. » Puis il commença en ces termes : « Si je te demandais de définir l'homme, tu ne me répondrais pas, je suppose, que nous sommes l'un et l'autre des hommes car ce serait montrer des hommes et non dire ce que c'est que l'homme. Mais, je le répète, si je te prie de me définir l'homme, tu me répondrais certainement que l'homme est un animal mortel, doué de raison et d'intelligence ou tu me donnerais toute autre définition qui distinguerait l'homme de tous les autres animaux. Or, maintenant, je te demande de me dire ce que c'est que penus, et non de me citer tel ou tel objet désigné par ce mot. » Alors notre fanfaron, baissant la voix et le ton : « Je n'ai jamais appris ni désiré apprendre la science de la philosophie, dit-il ; et si j'ignore si l'orge fait partie du penus, et comment on peut définir ce mot, ce n'est pas une raison pour que je manque de littérature. » Eh ! sache donc, dit alors en riant Favorinus, que la définition du mot penus ne rentre pas plus dans notre philosophie que dans ta grammaire. En effet, tu te rappelles, je pense, que l'on a coutume de discuter pour savoir ce que Virgile a voulu dire par ces mots ; penum instruere longam ou longo ordine ; car tu n'ignore pas que ces deux leçons se trouvent dans ce poète. Mais, pour te rassurer, je dais te dire que les plus savants interprètes du droit ancien, ceux que l'on a honorés du nom de sages, n'ont pu donner du penus une définition bien satisfaisante. On sait, en effet, comme Q. Scévola a défini ainsi penus : « Penus est ce que l'on boit et ce que l'on mange. Comme le remarque Mucius, par ce mot on doit entendre les choses dont on fait provision d'avance pour le repas du père de famille ou de ses enfants, et pour celui de toutes les personnes chargées des travaux tant du père de famille que de ceux de ses enfants. Penus ne peut pas se dire de ce que l'on prépare chaque jour pour le boire et le manger du matin et du soir : mais ce qu'on entend au juste par ce mot, ce sont les objets de consommation serrés et mis en dépôt pour un usage assez long ; le mot penus vient de ce que ces objets ne se trouvent pas sous la main, mais qu'ils sont serrés et renfermés dans un endroit retiré de la maison, intus ou penitus, » « Bien que mes goûts m'aient dirigé vers l'étude de la philosophie, reprit Favorinus, je n'ai pas cru que ces connaissances fussent inutiles, parce qu'il me paraît aussi honteux pour des citoyens romains, parlant la langue latine, de ne pas désigner un objet par le mot propre, que ridicule de ne point nommer quelqu'un par son nom. » C'est ainsi que Favorinus savait changer une conversation banale, froide et minutieuse, en un entretien instructif et utile pour ses auditeurs; ce qu'il faisait sans affectation, sans pédantisme, tout en ayant le talent de faire naître ses observations du sujet même. Quant au mot penus, j'ai cru qu'il était ben, pour compléter ces détails, de consigner ici ce qu'avance Servius Sulpicus dans sa critique des chapitres de Scévola : « Catus Elius, dit-il, soutient que le penus désigne non seulement ce que l'on boit, ce que l'on mange, mais encore l'encens, la cire et autres choses analogues dont on fait provision. » Massurius Sabinus, dans le deuxième livre de son traité du Droit civil, comprend aussi dans le penus ce que l'on achète pour nourrir les chevaux du maître de la maison. Il dit même que le bois, les fagots, le charbon qui servent à la préparation des aliments. y sont compris par quelques-uns; mais que , quand un propriétaire retire du même fonds de terre des produits dont il se sert pour son usage propre et dont il trafique, le mot penus ne doit s'appliquer qu'aux objets mis on réserve pour la consommation de l'année entière. II. En quoi diffèrent les mots morbus et vitium ; leur signification dans les édits des édiles. Si la rédhibition existe pour les eunuques et les femmes stériles. Diverses opinions émises à ce sujet. Dans un arrêté des édiles curules, à l'article qui a rapport à la vente des esclaves, on lit : « Ayez le soin de dresser chacune de toutes les listes vente de manière qu'on puisse facilement voir les maladies, les vices des esclaves ; s'assurer s'ils sont fugitifs ou vagabonds, ou s'ils sont sous le coup d'une condamnation. » Les anciens jurisconsultes, se rendant compte de cet édit, ont examiné ce qu'il fallait entendre par esclave malade, morbosus, par esclave vicieux, vitosus, et quelle est la différence entre les mots vitium, vice, et morbus, maladie. Caelius Sabinus, dans son traité sur l'Edit des édiles curules, rapporte que Labéon définit ainsi ce qu'on doit entendre par maladie, morbus : « La maladie est un état du corps contre nature, qui prive les organes de leur puissance. » Il ajoute que tantôt la maladie gagne tout le corps, tantôt une partie : le corps entier, dans la fièvre ou la phtisie ; une partie du corps, dans la cécité, la faiblesse de jambes. Le bégaiement, dit-il, une difficulté pour parler, sont plutôt des vices que des maladies : c'est ainsi qu'un cheval qui uploads/Litterature/ aulu-gelle-les-nuits-attiques-livre-quatrieme.pdf
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- Publié le Fev 20, 2021
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