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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Histoire et didactique de la traduction » Michel Ballard TTR : traduction, terminologie, rédaction, vol. 8, n° 1, 1995, p. 229-246. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/037203ar DOI: 10.7202/037203ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 18 August 2015 07:09 Histoire et didactique de la traduction Michel Ballard Introduction Dans un article récemment paru dans cette revue, Jean Delisle (1992) déplorait l'absence d'homogénéité de nombreux manuels de traduction (p. 23); ce phénomène étant, selon lui, lié au fait qu'ils ne sont pas toujours conçus pour un public précis, avec des objectifs bien spécifiques: «Plusieurs manuels s'adressent à un public très large et souvent mal défini» (p. 22). Ce défaut, à notre sens, est tout autant dû aux mots d'ordre des éditeurs (ou des directeurs de collection) qui, pour des raisons commerciales évidentes, visent à toucher le public le plus large possible, qu'à l'absence de statut officiel de la didactique de la traduction dans l'institution pédagogique. Il y a eu une prise de conscience de cet état de fait chez certains universitaires. Par exemple dans l'avant-propos de leur manuel de Versions Anglaises, A. Castagna et al. (1971, p. iii) déclarent: La version anglaise a eu pendant longtemps un statut incertain. Tantôt servante de la littérature (explication de texte du type oral d'agrégation), tantôt son égale (certificat L), elle s'est trouvée aussi associée à la civilisation (certificat d'études pratiques). Elle devrait être aujourd'hui une discipline autonome à tous les niveaux. (Nous soulignons.) 229 Or il est bien évident que si la traduction (et pas simplement la version) veut devenir une discipline autonome dans le cadre universitaire, elle ne pourra le faire qu'en fondant son identité sur la didactique et la traductologie. Tant que la traductologie n'aura pas de statut autonome dans le cadre de l'Institution universitaire, les TD de traduction demeureront ce qu'ils sont souvent: des séances aux objectifs assez flous, pour lesquelles tout le monde se sent plus ou moins qualifié. Très curieusement, ce sont les professionnels qui, malgré leur maîtrise du métier et malgré les finalités pratiques de leur enseignement, ont souvent été parmi les premiers à prendre conscience de la nécessité de structurer leur enseignement à l'aide d'une forme de théorisation. Nous renvoyons sur ce point au témoignage de Christine Durieux (1988) à propos de ses débuts comme enseignante à l'ESIT; il a une valeur très générale et s'applique aisément au domaine de la «traduction pédagogique»: Le jeune professeur d'histoire ou de géographie qui se présente pour la première fois devant ses élèves dispose déjà d'un cadre de travail qui dans un premier temps va le sécuriser, c'est le programme; il doit suivre le programme. C'est le cas pour tous ceux qui sont chargés de transmettre un savoir. Dans le cas de la traduction, il n'existe rien de tel [...]. (p. 8) Cette constatation pose le problème de la formation des enseignants et du contenu de la didactique de la traduction. Celui-ci ne saurait se limiter (s'il veut être réaliste), à des leçons de linguistique contrastive, même si cette composante peut se révéler fort utile et productive dans le cadre général de la traductologie. La composante que nous nous proposons d'explorer dans cet article est la dimension historique dans son rapport à une didactique de la traduction: comme antériorité d'une existence, comme fondement de certaines démarches, enfin comme objet d'étude et comme ouverture. 1. Des précurseurs En 1960, Georges Mounin (1976) saluait la Stylistique comparée de Vinay et Darbelnet en ces termes: 230 Il ne manque pas d'ouvrages sur la traduction. La bibliographie fondamentale, qui n'existe pas encore, en serait fort longue. Mais cet ouvrage est sans doute le premier traité de traduction, (p. 227) Il s'agit d'un livre neuf, qui donne de bonnes descriptions des opérations de traduction, puis un classement - dont le détail est parfois peu clair, estompé par une poussière d'observations; mais c'est le premier! (pp. 228-229) Il est vrai qu'à l'époque l'ouvrage apparaissait comme neuf, et même révolutionnaire, surtout aux yeux d'étudiants (dont nous étions) qui pour la première fois se trouvaient confrontés avec une présentation ordonnée de problèmes jusque-là rencontrés dans le désordre, au hasard de la traduction de textes, et sans même toujours être identifiés. Car il faut décrire et nommer pour identifier; une prise de conscience intuitive est toujours très lente, et l'on ne peut demander à chaque individu du XXe siècle de refaire tout seul le chemin intellectuel que des générations ont parcouru avant lui; c'est là sans doute l'erreur des adversaires de la théorisation; ils freinent l'accès à la réflexion, à une perception plus rapide des problèmes. Mais à y regarder de plus près, l'impression que décrit Mounin n'est-elle pas inquiétante? Il a fallu attendre une étape bien avancée de l'Homo erectus (entre 400 000 et 300 000) pour que se mettent en place les organes permettant le langage articulé1. L'écriture n'apparaît qu'au quatrième millénaire av. J.-C. et les traces les plus anciennes que l'on possède concernant les langues attestent leur diversité2 et donc la nécessité de leur apprentissage et de la traduction. On a des traces attestant une activité de traduction dès le troisième millénaire avant notre ère3. Au IVe siècle av. J.-C. 1. Voir, entre autres, Hagège ( 1985), chapitre I, «Unicité de l'espèce, pluralité des langues», p. 14 sqq. 2. Ibid. et Vendryes (1979), «Introduction: l'origine du langage», p. 17 sqq. 3. Cf. Ballard (1992a), pp. 21-22 pour l'Egypte, p. 24 pour Sumer. 231 les Grecs entament une forme de réflexion sur le langage, qui sera reprise par les Romains et servira de base aux études pendant tout le Moyen Âge, et même au-delà. À côté de cela, la traduction fait figure de parent pauvre: activité secondaire (ou considérée, à tort, comme allant de soi), elle n'a pas donné lieu à des traités comme les genres littéraires «nobles». Car c'est de cela qu'il s'agit en fait dans la citation ci-dessus; Mounin tout en reconnaissant l'existence d'écrits sur la traduction déplore l'absence de traité, c'est-à-dire d'étude systématique axée sur le sujet. Or, même là, on peut se demander, avec tout le respect dû à son œuvre magistrale, à sa perspicacité et à son sens de la mesure, si Georges Mounin n'est pas sous l'influence des «préjugés» de son époque: on connaît alors mal l'histoire de la traduction, encore moins celle de la didactique de la traduction; et il est vrai, il faut le répéter, que l'ouvrage de Vinay et Darbelnet donnait le sentiment d'être une nouveauté dotée d'une épaisseur et d'une densité que n'avaient pas les rares vade-mecum existant alors sur la question. Nous pensons à des ouvrages tels que ceux de Veslot et Banchet (1928) et de Veslot (1928) encore largement diffusés et utilisés dans les années soixante; il n'y a bien entendu aucun mépris dans cette comparaison, simplement le souci de parcourir et de baliser un domaine. Ces ouvrages ont (fort bien) rempli leur fonction en leur temps. Mais n'y avait-il vraiment rien d'autre avant? Il nous semble que cette interrogation mérite d'être posée d'un point de vue général d'abord, celui de la simple curiosité intellectuelle; du point de vue de l'histoire de la didactique des langues ensuite, parce qu'il nous semble normal en ce domaine, comme dans d'autres, de se demander s'il n'y a pas eu des précurseurs et où se situe le commencement. Dans le cadre de cet article nous ne pouvons qu'évoquer un jalon et inviter à poursuivre des recherches dans ce domaine. En 1811, Ferri de Saint-Constant (dont des extraits ont paru dans D'hulst, 1990) déplore: [...] il est surprenant que les Latins, qui ont tout emprunté des Grecs, et qui les ont si souvent imités et copiés, n'aient rien écrit sur cette matière [l'art de traduire]. Nous ne connaissons que deux passages de Cicéron et d'Horace où il est question de traduire. 232 Quintilien, dont l'ouvrage est si étendu et complet, ne met pas la traduction des grands modèles au nombre des moyens propres à former un orateur4. S'il est faux de dire que Quintilien «ne met pas la traduction des grands modèles au nombre des moyens propres à former un orateur5», il est vrai par contre que l'on a l'impression d'une certaine absence de théorisation dans l'antiquité gréco-latine6. Pourquoi? Nous évoquions ci-dessus deux pistes possibles: le fait que la traduction est une activité secondaire et celui qu'elle semble «naturelle», aller de soi; il nous semble qu'il convient d'y ajouter une autre raison, qui est de taille et uploads/Litterature/ ballard-histoire-et-didactique-de-la-traduction.pdf

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