[couverture] Bernard Dubourg L'invention de Jésus I L'HÉBREU DU NOUVEAU TESTAME
[couverture] Bernard Dubourg L'invention de Jésus I L'HÉBREU DU NOUVEAU TESTAMENT L L L’ ’ ’I I IN N NF F FI I IN N NI I I nrf GALLIMARD [6] © Éditions Gallimard, 1987. [7] à mes amis [9] Ces huit essais tracent les étapes de ma recherche sur la langue originelle du Nouveau Testament et, plus particulièrement, des Évangiles dits « canoniques ». Cette recherche, on s'en apercevra dès les premières pages du livre, va, pour sûr sans aucune concession ni le moindre regret, à l'encontre des refrains les plus couramment admis de l'exégèse majoritaire. Et, prenant pour cibles certains des tenants de cette exégèse (les autres, maîtres, disciples et sous-disciples, auront la tristesse de ne se sentir par là qu'allusivement visés et hués), ces essais sont d'abord des pamphlets: ils ne sont pas agressifs, ils se veulent tels ; ils prétendent mettre à plat quelques énormités ambiantes-trop-ambiantes. Je prends plaisir, en les réunissant ici sous leur forme première (huit échelons d'une chronologie de la colère), à me venger de tant d'heures que m'ont volées tant et tant de commentateurs « autorisés » des textes du corpus dit chrétien. Tous ces commentateurs fondent en effet leurs parasitages des Évangiles sur la thèse d'une rédaction originellement grecque du corpus: ça n'est même plus pour eux une thèse – c'est une évidence, un lieu commun que rien ni personne ne saurait remettre en question. Thèse, évidence ou lieu commun, peu importe – les études qu'on va lire ont pour unique but, quant à elles, preuves et exemples multiples (et progressifs) à l'appui, de ruiner la belle unanimité des « grécistes », de montrer du doigt quelques-uns de leurs contresens (de leurs mensonges?), et de donner enfin place à l'hébreu. [10] NOTE 1. Nulle part dans les textes qui suivent, « juif » et « judaïque » ne sont synonymes de « pharisien » et de « rabbinique ». 2. Dans tout le livre les mots grecs sont italiques et transcrits en caractères romains minuscules (sans considération des esprits et des accents) ; les mots sémites, hébreux ou araméens, sont translittérés en caractères romains majuscules. 3. Sauf rares exceptions – aisément repérables –, seule la graphie des termes sémites est prise en compte, et non leur vocalisation. L'alphabet de 22 lettres est ici translittéré de la manière suivante : aleph ’ lamed L beth B mem M ghimel G nun N daleth D samekh S hé H caïn c waw W phé P zaïn Z tsadé Ş heth Ĥ qoph Q teth T resh R yod Y shin Ŝ kaph K taw Ţ [11] 1 L'hébreu du Nouveau Testament Le problème du Nouveau Testament est d'abord un problème de langue : tous les érudits s'accordent à croire que cette langue est le grec. Je propose, à leur encontre, l'hypothèse d'une rédaction originellement hébraïque du corpus. Il s'agit bien d'une hypothèse puisque les manuscrits les plus anciens du Nouveau Testament qui nous restent sont grecs et que toutes les versions non grecques du Nouveau Testament sont issues, par voie de traduction, des versions grecques anciennes. Quels sont les arguments des grécistes ? Quelles sont les bonnes raisons de leur refuser, désormais, la parole ? Qu'en est-il des particularités du grec du Nouveau Testament ? Les Églises, depuis presque vingt siècles, lisent leurs textes fondateurs dans un sabir qui n'est pas celui de leur rédaction primitive : quel sabir ? sabir jusqu'à quel point ? [13] Dans un livre concernant les langues parlées et écrites en Palestine et dans la Diaspora au temps réputé être celui du Christ, Do You Know Greek? How Much Greek Could the First Jewish Christians Have Known ?, Leyde, Brill, 1968. Sevenster aboutit à la conclusion (p. 176) que tout Judéen ou Galiléen du 1er siècle connaît, parle ou écrit l'araméen, le grec ou 1’hébreu, et que certains – sans qu'on puisse préciser qui – possèdent deux de ces idiomes ou les trois à la fois. Mon hypothèse J'ai, dans un article sur Judas l'Iscariote, « Un coup de vasistas sur Judas », paru dans PO&SIE n° 17, Paris, E. Belin, 1981, pp.95-122. mis en avant l'hypothèse d'une rédaction hébraïque originale de la majeure partie du Nouveau Testament et, particulièrement, des Évangiles, synoptiques ou non, canoniques ou non. Pour ce qui est des évangiles apocryphes, je parle ici, bien sûr, des plus anciens, et non des forgeries médiévales. Or, toute hypothèse exige illico deux sortes de preuves : tout d'abord il importe d'établir sa non-impossibilité ; en second lieu, il faut produire les raisons de sa nécessité – ce que les Anglo-Saxons appellent son « evidence ». [14] Indices et preuves Les découvertes de la mer Morte, manuscrits sectaires dits esséniens (?), les lettres et archives de Bar Kocheba, et autres, montrent que l'hébreu se lit, se parle et s'écrit, qu'il est par conséquent une langue authentiquement vivante, à l'époque considérée. Sans ces découvertes, nous croirions peut-être encore, par exemple avec Guignebert, Jésus, Paris, rééd. 1969, p. 136. que le Christ « Jeune villageois qui voit le monde à travers le prisme de sa naïveté » (sic), selon Renan cité par Guignebert à la même page. « parlait araméen », et en resterions là. Avec elles, nous devinons, sans même sortir de la lettre des Évangiles, non seulement qu'il ne parlait pas que l'araméen, mais que mis en scène comme interlocuteur, sans interprète, de Pilate ou d'une Samaritaine, il avait, en tant que personnage du corpus, une connaissance au moins passable d'autres langues ou dialectes en usage chez lui et autour de lui. Si les Évangiles nous parlent bien d'un messie de descendance davidique, il est hors de doute que ce messie connaissait l'hébreu. Il n'est pas non plus impossible que les Évangiles, canoniques et autres, aient été originellement écrits et pensés non point en grec ou en araméen, mais proprement en hébreu – l’hébreu des textes de Qumrân ne porte pas trace d'hellénismes –, Sevenster, op. cit., p. 153: « Dans les textes hébreux et araméens de Qumrân, on n'a rencontré jusqu'ici aucun mot qui puisse assurément être identifié comme un emprunt au grec. » Cette remarque est capitale, et c'est en fait un truisme. et qu'ils aient été ensuite, dans des conditions qui restent à définir, traduits en grec, puis en copte, en syriaque, etc. [15] Comment croire que plusieurs ou la plupart des textes coptes de Nag- Hammadi, Évangile de Vérité, Évangile de Thomas et autres, ne dérivent pas d'un socle hébreu et non pas grec ? Tout exégète sait que, sauf rarissimes exceptions, le grec du Nouveau Testament est une langue tordue, un grec souvent de pacotille, dont la syntaxe (et le vocabulaire ?) n’a aucune des beautés des monuments hellénistiques contemporains. Même Flavius Josèphe, qui traduit, dit-il, ses œuvres du sémite en grec, s'arrange pour en rejeter toute trace d'araméen ou d'hébreu : sauf aux endroits retouchés, voire franchement mutilés, par les moines copistes, Flavius Josèphe est un excellent auteur ; au minimum il est lisible. – Mais qui ira prétendre que l'Apocalypse dite de Jean est lisible ? Ni Philon le Juif ni Josèphe – des contemporains, ou presque – n'auraient osé présenter à leur public des narrations aussi mal ficelées. De cela, les commentateurs érudits tirent l'idée que le Nouveau Testament, pour faire bref, est rédigé par des illettrés, des gens simples, peu versés en hellénismes : au fond, des ignorants. Et ils ajoutent aussitôt que le témoignage desdits illettrés n'en est que d'autant meilleur – comme si, entre parenthèses, tout analphabétisme héroïquement surmonté faisait la valeur d'un témoignage... Toutes ces subtilités et fausses évidences sont en réalité de peu de poids, et l'argumentation prend parfois d'autres aspects. Par exemple, il y a d'abord le fameux passage Et c'est d'ailleurs le seul, puisque peu ou prou tous les Pères de l'Église des siècles suivants le recopient. – Pour ce qui est des conceptions modernes, voir le résumé donné dans Cullmann, Le Nouveau Testament, Paris, PUF, 1976, passim ; toutes ces conceptions s'accrochent à Irénée. du Contre les hérésies Ou, plus exactement: « Contre les opinions » – tout un programme, déjà ! [16] d'Irénée de Lyon : III, I, I, Irénée de Lyon est de la fin du IIème siècle si l'on en croit la tradition ; son nom, qui signifie « la paix », est sans doute l'équivalent grec de Salomon. – Je suis ici la traduction Rousseau-Doutreleau, non sans quelques réticences : on sait les problèmes de critique textuelle que pose l'ouvrage d'Irénée. « Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome Dans ses Antiquités judaïques (XX, v, 2), Josèphe nous dit: « C'est à cette époque qu'un sort contraire s'acharna sur les fils de Judas le Galiléen, qui avait poussé les Juifs à la révolte contre les Romains lors du recensement de la Judée sous Quirinius, ainsi que nous l'avons raconté plus haut. Ces deux-là étaient Jacob (= Jacques) et Simon, et Alexandre donna uploads/Litterature/ bernard-dubourg-l-x27-invention-de-jesus1-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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