Revue des Sciences Religieuses L'approche canonique du livre des psaumes. A pro

Revue des Sciences Religieuses L'approche canonique du livre des psaumes. A propos de deux monographies récentes Eberhard Bons Citer ce document / Cite this document : Bons Eberhard. L'approche canonique du livre des psaumes. A propos de deux monographies récentes. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 76, fascicule 3, 2002. pp. 371-381; doi : https://doi.org/10.3406/rscir.2002.3634 https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_2002_num_76_3_3634 Fichier pdf généré le 02/05/2018 Revue des sciences religieuses 76 n° 3 (2002), p. 371-381 L'APPROCHE CANONIQUE DU LIVRE DES PSAUMES Apropos de deux monographies récentes Depuis presque soixante-dix ans l'exégèse des Psaumes est largement influencée par la Formgeschichte de Hermann Gunkel (1862-1932) et de ses partisans. Concentrant son intérêt sur la classification des genres littéraires attestés dans le Psautier ainsi que sur le Sitz im Leben que l'on peut attribuer à chacun d'entre eux, ce courant de la recherche n'a accordé que très peu d'importance à l'articulation du livre des Psaumes et de ses parties, l'emplacement d'une pièce littéraire dans le canon étant considéré comme gratuit (1). Dès lors, la préférence donnée à l'étude des Psaumes en tant que textes individuels signifie une option méthodique qui a longtemps orienté les chercheurs, en les empêchant d'aborder une autre question : à supposer que le Psautier ait été constitué en plusieurs étapes, à partir de textes individuels et de sous-collections, peut-on y percevoir, ne serait-ce que de façon partielle, un dessein théologique qui est à l'origine de l'opération aboutissant à la composition du Psautier dans son état final ? Le livre des Psaumes, dans sa forme finale et avec ses sous-collections, recèle-t-il alors les traces d'un travail rédactionnel qui trahit des intentions théologiques ? Quelle que soit la façon dont on puisse répondre à ces questions, elles révèlent une espèce de «tache aveugle» qui caractérise les approches exégétiques du Psautier élaborées au cours du XXe siècle. Sans pour autant les écarter ni remplacer ces dernières, une nouvelle (1) Une telle option méthodique se manifeste déjà dans les ouvrages de Gunkel datant du début du XXe siècle, cf. p. ex. « Ziele und Methoden der Erklârung des Alten Testaments» (1904), réimpression dans H. Gunkel, Reden und Aufsàtze, Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1916, p. 11-38. Les chefs-d'œuvre de Gunkel relatifs aux Psaumes sont parus beaucoup plus tard : le commentaire Die Psalmen en 1929 tandis que l'introduction au Psautier rédigée en collaboration avec J. Begrich, Einleitung in die Psalmen, ne fut publiée qu'après la mort de Gunkel, en 1933. 372 EBERHARD BONS approche, qualifiée de « canonique », gagne de plus en plus de terrain, et il n'est pas faux de considérer qu'elle est susceptible d'enrichir les interprétations des Psaumes élaborées auparavant. Voyant le jour originellement aux États-Unis il y a quelque vingt ans, l'approche canonique des Psaumes, comme l'approche canonique en général, a très vite franchi l'océan atlantique et trouve un nombre croissant d'adeptes parmi les biblistes européens. Avec un recul de deux décennies, on peut constater que la première étape de ces recherches (2) est fort marquée par la publication d'une multitude d'observations textuelles détaillées. Celles-ci se réfèrent essentiellement à des rapports entre deux ou plusieurs Psaumes voisins, p. ex. à la terminologie, aux sujets, aux suscriptions et à d'autres phénomènes textuels permettant une lecture « contextuelle » des Psaumes en question. En dépassant les limites d'un Psaume individuel donné, une telle lecture consiste ainsi à le mettre en rapport avec ses textes voisins, à le situer dans un ensemble littéraire et à déceler de cette manière des macrostructures et des microstructures propres à une série de Psaumes, qu'il s'agisse d'une collection connue du Psautier lui-même, p. ex. les Psaumes des Montées, ou bien une collection plus restreinte. Par rapport à ces recherches diversifiées et disparates à la fois, on peut observer une tendance différente dans les études les plus récentes : d'une part, on éprouve le besoin de résumer, de synthétiser et d'évaluer les résultats auxquels ont abouti les travaux de deux dernières décennies, en séparant le bon grain de l'ivraie, d'autre part, pour certains chercheurs le temps est mûr pour que l'on puisse appliquer les méthodes déjà élaborées à des unités plus grandes, en particulier à l'exégèse d'un des cinq livres du Psautier, voire au Psautier dans son ensemble (3). C'est dans ces courants de la recherche récente que s'inscrivent deux monographies, de nature fort différente, que nous voudrions ici présenter synthétiquement au lecteur de la Revue des Sciences religieuses : le livre de Gianni Bar- biero, Das erste Psalmenbuch aïs Einheit (4) et celui de Jean-Marie Auwers, La composition littéraire du Psautier. Un état de la question (5). (2) Le lecteur francophone en trouve un bon résumé dans l'article de J.-L. Vesco, « L'approche canonique du Psautier », Revue Thomiste 92, 1992, p. 482- 502 ; cf. aussi E. Zenger, « Die Psalmen im Psalter : Neue Perspektiven der For- schung », Theologische Revue 95, 1999, cols. 443-456. (3) Cf. à ce propos les commentaires de F.-L. Hossfeld/E. Zenger, Die Psalmen. Psalm 1-50, Wûrzburg, Echter, 1993 ; Psalmen 51-100, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 2000. (4) Francfort, Lang, 1999 (Ôsterreichische Biblische Studien vol. 16). (5) Paris, Gabalda, 2000 (Cahier de la Revue Biblique vol. 46). L'APPROCHE CANONIQUE DU LIVRE DES PSAUMES 373 I. - Le livre de Gianni Barbiero La monographie de Gianni Barbiero, salésien italien qui enseigne à la Faculté de Théologie de Benediktbeuren en Bavière, représente une Habilitationsschrift soutenue en 1998 à la Philosophisch-Theo- logische Hochschule St. Georgen (Francfort). Bien que le livre compte plus de 700 pages, il n'est consacré qu'au premier livre des Psaumes (Ps 1-41), choix méthodique qui interdit de tirer des conclusions portant sur la forme finale de l'ensemble du Psautier et sur les intentions théologiques qui la sous-tendent (p. 20). À cela s'ajoute que Barbiero fait abstraction de la perspective diachronique, c'est- à-dire qu'il renonce à postuler des couches rédactionnelles antérieures au livre dans sa forme massorétique. C'est ce texte final (« Endtext ») - et non pas un texte corrigé en fonction des données de Qumrân ou de la Septante (cf. p. 28 sq.) - qui fait l'objet de la recherche parce qu'il représente - et voilà l'hypothèse opératoire de l'auteur - une unité littéraire qui n'est pas dépourvue de sens (p. 20). Pourtant, le sens tel que Barbiero veut le dégager du texte n'est pas en premier lieu celui d'un Psaume individuel mais celui du premier livre du Psautier. Une telle lecture intertextuelle des Psaumes 1-41 est facilitée par deux catégories de phénomènes textuels qui retiennent l'attention de l'auteur. Selon lui, elles confèrent au Psautier une certaine cohérence et permettent de le lire comme une unité littéraire (et non pas seulement comme un recueil de textes simplement juxtaposés). Concrètement, cette cohérence se présente comme une « chaîne » ou bien comme un « réseau » de correspondances lexicales. Pour ce qui est de la première, appelée « Verket- tung » (= concaténation (6)), on peut observer que bien des Psaumes présentent des mots-crochets qui sont communs à deux Psaumes voisins et placés à la jointure entre les textes. Sans exclure la possibilité que la fonction originale de ces données ait été de fournir un moyen mnémotechnique ou de ménager la transition entre deux Psaumes, Barbiero considère que dans le texte final ces concaténations permettent d'entrevoir des perspectives théologiques (p. 22). Quant au second élément, qualifié de « Vernetzung » (de « Netz » = réseau), on peut noter que ce genre de correspondances peut aussi relier des Psaumes qui se trouvent à différents endroits (p. 24). Après avoir présenté ces deux éléments dans l'introduction de son livre, Barbiero s'applique à répertorier et à interpréter les nombreuses correspondances lexicales propres aux Ps 1-41, travail auquel il consa- (6) Pour les différentes définitions de ce terme, cf. B. Duprbez, Les procédés littéraires, Paris, Union générale des Éditions, 1984, p. 145 sq. 374 EBERHARD BONS cre environ 700 pages comportant pas moins de 297 tableaux. Il est impossible de résumer ici l'ensemble des analyses minutieuses menées avec beaucoup de patience et de soin. Toutefois, on ne peut que reconnaître le mérite d'un tel travail incomparable, et il est sûr que toute recherche future portant sur l' articulation du premier livre du Psautier gagne à prendre en compte les nombreuses observations rassemblées et présentées surtout dans les tableaux. Cela n'empêche pas d'élaborer d'autres interprétations des données textuelles et d'aboutir à des conclusions différentes de celles que défend l'auteur au fil du livre. En ce qui concerne les conclusions, contentons-nous de citer les plus importantes. Pour ce qui est des Psaumes 1-2, déjà beaucoup étudiés dans les recherches canoniques (7), Barbiero n'abandonne guère les sentiers battus. Dans le sillage des auteurs qui prennent ces deux premiers Psaumes pour une unité, voire comme la préface du Psautier, l'exégète italien fait le rapprochement entre le juste du Psaume 1 et le roi messianique du Psaume 2. Ce procédé permet, d'une part, d'identifier le roi (Ps 2) avec le juste qui observe la Torah (Ps 1), d'autre part de « démocratiser » l'idéologie messianique du Psaume 2 (p. 43 sq.). Cependant, Barbiero va plus uploads/Litterature/ bernard-ebernhard-valide-pdf.pdf

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