Pierre Lagrange et Claudie Voisenat L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs E

Pierre Lagrange et Claudie Voisenat L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs Entre savoirs, croyances et fictions Éditions de la Bibliothèque publique d’information La conspiration du Verseau Claudie Voisenat DOI : 10.4000/books.bibpompidou.659 Éditeur : Éditions de la Bibliothèque publique d’information Lieu d'édition : Éditions de la Bibliothèque publique d’information Année d'édition : 2005 Date de mise en ligne : 14 juin 2013 Collection : Études et recherche ISBN électronique : 9782842461614 http://books.openedition.org Référence électronique VOISENAT, Claudie. La conspiration du Verseau In : L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs : Entre savoirs, croyances et fictions [en ligne]. Paris : Éditions de la Bibliothèque publique d’information, 2005 (généré le 02 février 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/bibpompidou/659>. ISBN : 9782842461614. DOI : https://doi.org/10.4000/books.bibpompidou.659. Ce document a été généré automatiquement le 2 février 2021. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. La conspiration du Verseau Claudie Voisenat « Le Pendule de Foucault reste immobile avec la terre qui tourne sous lui en quelque endroit qu’il se trouve. Tout point de l’univers est un point immobile, il suffit d’y accrocher le Pendule. — Dieu est en tout lieu ? — En un certain sens, oui. C’est pour cela que le Pendule me dérange. Il me promet l’infini, mais il me laisse à moi la responsabilité de décider où je veux l’avoir. » Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, op. cit., p. 297. 1 Si la littérature scientifique sur le Nouvel Âge abonde dans les pays anglo-saxons1, c’est loin d’être le cas en France où le phénomène, si tant est qu’on le reconnaisse, ne semble soulever que peu d’intérêt, hormis chez les sociologues des religions2. C’est en effet essentiellement en tant que nouveau mouvement religieux (NMR) que le Nouvel Âge a attiré l’attention et il n’est pas anodin que des prêtres catholiques, Jean Vernette il y a quelques années ou Joseph-Marie Verlinde aujourd’hui, comptent parmi les meilleurs connaisseurs de son histoire et de sa diffusion. À cet égard, le rapport Jésus-Christ porteur d’eau vive, une réflexion chrétienne sur le « nouvel âge », publié en 2003 par le Conseil pontifical de la culture et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, tout comme Final-Age.net, le « site chrétien de discernement sur le Nouvel Âge », initié par J.-M. Verlinde et la famille de Saint-Joseph, sont exemplaires de la survie d’une tradition missionnaire et de la volonté de connaissance quasi ethnographique des croyances des populations qu’il s’agit d’évangéliser3. C’est ainsi qu’en 1991, alors que le terme s’était largement imposé dans les médias, les Presses Universitaires de France confient la rédaction d’un « Que sais-je ? » sur le sujet à Jean Vernette qui y résumera l’essentiel de ce qu’il avait publié chez Téqui l’année précédente sous le titre Le Nouvel Âge : à l’aube de l’ère du Verseau. L’histoire qu’il y retrace n’a rien pour nous surprendre et est celle que nous proposent la plupart des ouvrages sur le sujet : au rang des influences à long terme, il cite les grands noms de la tradition mystique ésotérique occidentale (Boehme, Swedenborg*), s’arrête plus en détail sur la fin du XIXe siècle et les débuts du XXe siècle avec les racines plus directes de la Société de théosophie (Helena Blavatsky*, Annie Besant*) et de ses dissidents (Alice Bailey*, Rudolph Steiner*, mais aussi Krishnamurti), reconnaît l’importance du Français Paul Le Cour – que les auteurs anglo-saxons oublient le plus souvent – dans la diffusion de la théorie astrologique de La conspiration du Verseau L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs 1 l’ère du verseau, avant d’en arriver à la contre-culture des années soixante. Il cite bien sûr Esalen* et ses fameuses sources chaudes de Big Sur en Californie qui furent, à partir de 1962, le berceau du Mouvement pour le potentiel humain* et la communauté de Findhorn*, en Écosse, dont le merveilleux jardin poussait sur une terre pratiquement stérile grâce à la communication mystique entre ses fondateurs et les esprits végétaux, les dévas. 2 Mais, nous dit-il, dès le début de son livre, avant même de retracer ces prémisses, « la formulation contemporaine signant le coup d’envoi décisif de ce courant de pensée multiforme a été proposée par Marilyn Ferguson dans son best-seller Les Enfants du Verseau (1981) ». L’ouvrage lui paraît assez important pour qu’il y consacre plusieurs pages du « Que sais-je ? » et tout le premier chapitre de la version publiée chez Téqui (pages 11 à 45). Son opinion est communément partagée, non seulement en France, mais encore par les chercheurs de la communauté scientifique internationale, y compris les plus récents. Pour le Hollandais W. J. Hanegraaf, le livre de Ferguson, publié aux États-Unis en 1980 sous le titre The Aquarian Conspiracy, constitue le « manifeste par excellence » du mouvement du New Age qu’il a en quelque sorte pressenti et devancé, « ce terme devenu populaire au cours des années quatre-vingt recouvrant l’ensemble du complexe d’idées et d’activités approximativement couvert par Ferguson ». L’Anglais Daren Kemp considère, dans son tout récent New Age, a Guide, que cet ouvrage qu’il qualifie de « manuel d’instruction pseudoscientifique » a donné une forme définitive au Nouvel Âge, bien que, dit-il à plusieurs reprises, l’occulte et les religions nouvelles et orientales y soient à peine mentionnées, « l’auteur se concentrant sur les pratiques de transformation de soi et de la société considérées d’un point de vue essentiellement technique ». Quant au très « authoritative » Paul Heelas, il rappelle de façon succincte et définitive que cet ouvrage fait lui-même autorité4. 3 Or, l’importance accordée à ce livre et son rôle supposé de bible du Nouvel Âge est intrigante à plusieurs égards : tout d’abord parce que, comme Kemp le souligne à très juste titre, la dimension strictement religieuse y est pratiquement inexistante, ensuite parce que le qualifier de best-seller est très exagéré, même s’il a fait une carrière éditoriale tout à fait honorable5. Il faut dire que l’ouvrage est loin d’être « grand public » et qu’il se présente plutôt sous la forme d’une synthèse très détaillée de la littérature scientifique du moment dont la lecture nécessite un véritable effort de concentration6. Enfin, parce que les auteurs de la littérature New Age eux-mêmes ne le citent jamais parmi leurs références. Ainsi, le dernier ouvrage de James Redfield et Michael Murphy, deux auteurs cultes du Nouvel Âge – Murphy parce qu’il est l’un des deux fondateurs d’Esalen, Redfield pour être l’auteur d’un best seller mondial, La Prophétie des Andes (dont la réception est analysée dans la seconde partie de cet ouvrage) –, qui propose une sorte de bibliothèque idéale très fournie et commentée, ne le mentionne même pas7. Qu’en est-il dès lors du rôle réel des Enfants du Verseau dans le développement du Nouvel Âge au sens où on l’entend aujourd’hui ? À travers la réception du livre de Marilyn Ferguson et sa fortune inattendue, voire malentendue, la construction même du Nouvel Âge en phénomène de société et en objet scientifique nous semble pouvoir être interrogée. La conspiration du Verseau L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs 2 Un éloge de la transformation 4 En 1981, les éditions Calmann-Lévy publient la traduction française de The Aquarian Conspiracy, sous le titre, Les Enfants du Verseau : pour un nouveau paradigme, dans une traduction de Guy Beney, un parapsychologue membre du GERP, qui a aussi contribué à nourrir le livre de la plupart de ses références françaises8. L’ouvrage sort dans une relative discrétion. Livres Hebdo notifie sa parution dans son numéro du 3 mars 1981 à la rubrique « Essais, éloquence, écrits divers » dans la section « Littérature et belles- lettres9 ». Deux semaines auparavant (numéro du 17 février), l’éditeur avait fait insérer un encart annonçant la publication prochaine et présentant l’ouvrage. Après une ambiguïté de départ sur l’entrée dans l’ère astrologique du Verseau (« Alors que nous entrons dans l’ère du Verseau… »), destinée sans doute à justifier aux yeux des lecteurs le titre de l’ouvrage, la présentation insiste sur le fait que l’auteur dresse le portrait d’une « révolution » qui s’amorce en Californie, où une « surprenante vision du monde » voit le jour, issue de la convergence des découvertes scientifiques les plus récentes et des expériences spirituelles les plus traditionnelles. Cette révolution, qui est un « changement de paradigme » et que l’auteur appelle la « conspiration du Verseau », transforme les individus à qui un nouvel équilibre entre « intuition et conscience » apporte « l’autonomie, la plénitude et la disponibilité envers les autres ». Elle introduit aussi dans l’ensemble de la société de nouvelles valeurs qui changent le rapport au monde, à la santé, à l’éducation… La présentation se clôt sur un éloge de l’auteur : « On peut compter sur le talent vulgarisateur de Marilyn Ferguson, dont la Révolution du cerveau a connu un succès mondial, pour mettre à la portée de tous les théories les plus hardies, les concepts les plus savants, les recherches philosophiques, spirituelles ou scientifiques dont s’inspire le nouveau paradigme. » 5 L’auteur est en effet déjà connu de l’éditeur qui a uploads/Litterature/ bibpompidou-659.pdf

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