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Extrait de la publication Extrait de la publication La lecture mf NOUVELLE REVUE DE PSYCHANALYSE Numéro 37, printemps 1988 Extrait de la publication © Éditions Gallimard, 1988. Argument 5 Yves Bonnefoy Lever les yeux de son livre 9 Michel Chaillou Salut la lecture! Entretien avec J.-B. Pontalis 21 Serge Boimare Apprendre à lire à Héraclès 29 Gérard Macé Champollion déchiffré ou l'ombre du lion 41 Jean-Louis Baudry Un autre temps 55 Bruno Bayen Parfois le roman 87 Jean Laplanche Le mur et l'arcade 95 Jean-Claude Rolland Quelle lecture de la parole? 111 Paul-Laurent Assoun Eléments d'une métapsychologie du « Lire » 129 Martine Poulain Moi, Henri Beyle, dix ans, lecteur 149 Michel Gribinski Lectures et censures de Madame Bovary 161 Marc Froment-Meurice Tourner la page? 171 Georges Pludermacher L'ouie de l'œil 199 Ivan Fônagy Lecture musicale 219 Evelio Cabrejo-Parra a Jeu d'indices 243 Michel Neyraut Portraits souvenirs 253 TABLE 2& à VARIA Extrait de la publication Extrait de la publication ARGUMENT « II n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. » Chacun connaît ces lignes de Proust par quoi commence son éloge de la lecture servant de préface (1905) à Sésame et les lys de John Ruskin. L'étrange est que cette préface ne se réfère pas à des livres lus, sinon à quelques passages du Capitaine Fracasse. Elle évoque des lieux « le petit escalier aux marches rapprochées » elle ressuscite des proches « l'oncle matinal et le jardinier », la grand-tante « qui ne faisait que toucher aux plats » elle sacralise des objets « la trinité du verre à dessins bleus, du sucrier pareil et de la carafe, la jonchée du couvre- pieds en marceline », elle ouvre à un autre temps « comme le déjeuner me paraissait long! » Autrement dit, pour rendre sensible l'enivrement de la lecture, « cette course éperdue des yeux et de la voix qui suivait sans bruit », ce sont des images qui lui sont propres, des moments précieux pour lui seul et que ses mots à leur tour rendent comme sacrés, que Proust convoque. La lecture ce qui met en mouvement sa mémoire, son imaginaire, sa mémoire imaginaire. La lecture ce qui nous porte ailleurs, au plus intime et au plus étranger de soi, ce qui réveille des désirs secrets, en fait naître d'inattendus, ce qui donne à désirer. La lecture « miracle fécond d'une communication au sein de la solitude ». Dans ces pages admirables du jeune Proust, le mot texte n'apparaît pas une seule fois. Or, aujourd'hui, lire c'est lire un « texte ». Certes les grilles de lecture diffèrent, peuvent entrer en conflit, mais elles supposent toutes un lecteur savant, soucieux de déchiffrer, de décoder le texte, de le déplier plus complètement qu'un autre en trouvant toujours d'autres mots sous les mots. Même quand Roland Barthes, sans doute inquiet des excès de la critique textuelle (inter-, intra-, para-), se propose de réhabiliter le grand oublié, le plaisir, il parle de plaisir du texte, non du plaisir de lire. Méconnaissons- nous à ce point qu'un livre que nous aimons est celui qui nous donne à percevoir, à Extrait de la publication LA LECTURE rêver, à penser autrement, celui qui incite à désirer en nous révélant révélation toujours à renouveler que le réel n'est qu'une fraction du possible? Qu'un critique détecte et évalue les moyens par lesquels un tel don est fait au lecteur, c'est une entreprise légitime mais qui laisse hors d'atteinte l'essentiel: ce qui nous pousse à lire, ce que nous attendons de la lecture et ce que nous y trouvons en nous y perdant. La mise à nu des secrets de fabrication d'un texte, à supposer même qu'un texte se fabrique, ne fait pas saisir ce que Proust désignait comme cet « acte psychologique original appelé Lecture ». Paradoxe en ce temps de non-lecture (même chez ceux qui achètent et « consomment » des livres) qu'est le nôtre, la métaphore de la lecture est utilisée à tout va on nous impose des « lectures » de films, de tableaux, de visages, de villes comme pour conjurer l'inquiétude que suscite la profusion de l'image, son pouvoir de séduction et de fascination. Partout des signes, partout des lecteurs de signes. Mais sommes-nous encore des lecteurs au sens proustien, ou même au sens de Descartes repris par Ruskin (« conversation avec tous les honnêtes gens des siècles passés ») ? Ou bien sommes-nous devenus des lecteurs au sens où l'on parle d'un lecteur de cassettes? La machine à écrire, à enregistrer, l'ordinateur auraient-ils fait de nous des machines à lire d'autres machines? Lit-on encore pour s'ouvrir à l'inconnu ou seulement pour maîtriser plus de données? Quelle est la part prise par la psychanalyse dans cette évolution? Freud, incontestablement, était un chercheur de sens, un déchiffreur d'hiéroglyphes. La cure de parole présuppose que même « les pierres parlent », le refoulement est défini comme « un défaut de traduction », l'inconscient doit être traduit en conscient, etc. Lacan, en trouvant sa première inspiration dans ce Freud-là (car il y a d'autres Freud, tout aussi décidés), a accentué l'assimilation, au moins au plan opératoire, de l'inconscient avec un langage, voire avec le langage. Les épigones en sont venus à réduire la fonction du psychanalyste à celle d'un lecteur d'inscriptions inconscientes, le bloc-notes magique devenant le seul modèle de l'appareil psychique. En contraste à cette tendance, tout un autre courant de pensée insiste sur l'affect et sa résurgence, valorise l'expérience (re)vécue dans le transfert, celle où l'infans éprouve plaisir et souffrance, accentue enfin l'irréductibilité au signifiant du sensible et du sensoriel. Or une telle opposition n'est guère satisfaisante. D'une part, il arrive que les tenants du « vécu » procèdent à une « lecture » directe, souvent même stéréotypée, des affects (les Kleiniens n'y échappent pas toujours); d'autre part, l'attention portée aux « traces », verbales et non verbales, la recherche patiente des représentations refoulées n'impliquent aucun discrédit de l'affect; au contraire elles lui donnent accès. ARGUMENT Une réflexion sur ce qu'est l'acte psychologique original appelé lecture pourrait nous éclairer. Comment les psychanalystes « lisent »-ils leurs patients? Et y a-t-il pour eux une manière spécifique de lire? De lire Freud? Et les autres. Nos patients parlent, ils ne nous offrent pas à lire un écrit. Ce sont des voix que nous écoutons. Pourquoi la transcription écrite d'une séance, même si elle en indique les trébuchements, les silences, les intonations, le rythme, même si elle fait état des pensées de l'analyste, n'est-elle pas la séance? En quoi le récit d'une cure est-il une falsification? Qu'est-ce qui se perd dans le passage de l'oral à l'écrit? Dans la transmission à un tiers (supervision)? Et en quoi la forme orale est-elle plus propice à l'émergence du refoulé? D'autres questions découlent de celles-ci, concernant notamment l'interprétation, la construction. Ne doivent-elles pas leur impact à ce qu'elles sont avancées et reçues comme des paroles, la meilleure façon pour certains patients d'en annuler les effets éventuels étant de les réduire à des énoncés écrits? Questions sur le transfert le destinataire incertain, à travers les figures repérables qu'il peut prendre, n'est pas sans évoquer le « lecteur inconnu » que tous les écrivains appellent de leurs vœux. Questions sur la traduction, que la définition comme passage d'une langue à une autre n'épuise pas. Et, à l'horizon, une interrogation sur /'être même de l'inconscient. Quelle est en définitive la nature de ces traces dont il est le dépositaire? N.R.P. Extrait de la publication British Museum, Londres, Photo du Musée. Extrait de la publication Enfant lisant, huile sur toile, signée Georges et datée de 1909. Coll. part. Photo Mélanie Gribinski. D.R. « Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. » Marcel Proust, Préface à Sésame et les lys de John Ruskin (1906) Rosette, le 2 fructidor an VII « Parmi les travaux de fortification que le citoyen Dhaut- poul, chef de bataillon du génie, a fait faire à l'ancien fort de Rachid, aujourd'hui nommé Fort-Julien, situé sur la rive gauche du Nil, à trois mille toises du Boghaz de la branche de Rosette, il a été trouvé, dans des fouilles, une pierre d'un très beau granit noir, d'un grain très fin, très dur au marteau. Les dimensions sont de 36 pouces de hauteur, de 28 pouces de largeur et de 9 à 10 pouces d'épaisseur. Une seule face bien polie offre trois inscriptions distinctes et séparées en trois bandes parallèles. La première et supérieure est écrite en caractères hiéroglyphiques; on y trouve 14 lignes de caractères, mais dont une partie est perdue par une cassure de la pierre. La seconde et intermédiaire est en caractères que l'on croit être syriaques; on y compte 32 lignes. La uploads/Litterature/ bonnefoy-yves-lever-les-yeux-de-son-livre.pdf

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