U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L L E S , U N I V E R S I T É D ' E

U N I V E R S I T É L I B R E D E B R U X E L L E S , U N I V E R S I T É D ' E U R O P E DIGITHÈQUE Université libre de Bruxelles ___________________________ CESSAC Catherine, COUVREUR Manuel, « La Duchesse du Maine (1676-1753) : une mécène à la croisée des arts et des siècles», In Etudes sur le XVIIIe siècle, Volume XXXI, Editions de l’Université de Bruxelles, 2003. ___________________________ Cette œuvre littéraire est soumise à la législation belge en matière de droit d’auteur. Elle a été publiée par les Editions de l’Université de Bruxelles http://www.editions-universite-bruxelles.be/ Les illustrations de cet ouvrage n’ont pu être reproduites afin de se conformer à la législation belge en vigueur. Les règles d’utilisation de la présente copie numérique de cette œuvre sont visibles sur la dernière page de ce document. L'ensemble des documents numérisés mis à disposition par les bibliothèques de l'ULB sont accessibles à partir du site http://digitheque.ulb.ac.be/ Accessible à : http://digistore.bib.ulb.ac.be/2010/i9782800413266_f.pdf Introduction Catherine CESSAC et Manuel COUVREUR Le colloque dont nous publions ici les actes s’est voulu non pas un colloque sur la duchesse du Maine à proprement parler, mais comme son titre l’indique, un colloque sur les mouvements d’idées, les courants artistiques et leurs productions qui se développèrent autour de la duchesse – et grâce à elle, en particulier dans son château de Sceaux. Ce thème nécessitait les compétences diverses de spécialistes de l’histoire, de la littérature, de la philosophie, du théâtre, de l’histoire de l’art, de la danse et de la musique, spécialistes qui se sont réunis durant trois jours dans l’Orangerie du domaine de Sceaux. Le projet a été mis en place en 2000 et le 17 novembre 2001 s’est tenue une journée d’études à Bruxelles financée par le FNRS dans le beau lieu de la maison du spectacle La Bellone où certains des intervenants au colloque de Sceaux étaient présents. Nous avions alors échangé nos connaissances et nos premières réflexions, et ainsi posé les bases du colloque. Petite-fille de Louis II de Bourbon, duc d’Enghien, prince de Condé, dit le Grand Condé, Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon naît à Paris le 8 novembre 1676. Elle passe son enfance entre l’hôtel de Condé à Paris et le château de Chantilly où, lors de grandes fêtes dont elle gardera le souvenir, sont données, entre autres, les comédies de Molière et les tragédies de Racine. Mariée à l’âge de seize ans au duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV, elle ne tarde pas à s’ennuyer à Versailles et s’en évade dès qu’elle peut, trouvant dans le château de Sceaux, ancienne demeure de Colbert devenue sa propriété en 1699, résidence à sa (dé)mesure. En effet, toute sa vie, Anne-Louise-Bénédicte restera profondément attachée à son identité de Condé, fière de sa naissance et ambitieuse à la hauteur de celle-ci. Aussi autoritaire qu’extravagante, curieuse de tout, de la poésie aux mathématiques, de l’astronomie à la musique, du théâtre à la philosophie, la duchesse 8 LA DUCHESSE DU MAINE (1676-1753) du Maine s’entoure rapidement de ceux qui peuvent satisfaire son appétit de savoir tout autant que sa soif de vivre, notamment au travers de fêtes qu’elle lance d’abord à Châtenay, puis qu’elle développe à Sceaux dans les années 1714-1715 lors des fameuses Grandes Nuits. La conspiration de Cellamare en 1718 visant à destituer le Régent pour mettre sur le trône de France Philippe V d’Espagne va être fatale pour la duchesse du Maine qui en sera quitte pour un an d’exil. A son retour, elle tente de réunir de nouveau une cour florissante à Sceaux, mais qui s’oriente vers des activités moins festives qu’au cours de la période précédente. Tout le reste de sa vie, que ce soit à Sceaux, au château d’Anet ou dans ses résidences parisiennes de l’Arsenal et de l’hôtel Moras, la duchesse du Maine conservera un intérêt toujours aussi vif pour l’art, surtout le théâtre, ainsi que, de l’aveu du président Hénault, sa forte personnalité : « Impossible d’avoir plus d’esprit, plus d’éloquence, plus de badinage, plus de véritable politesse ; mais, en même temps, on ne saurait être plus injuste, plus avantageuse, ni plus tyrannique » 1. « Chamarré », l’adjectif choisi par Saint-Simon pour évoquer la personnalité de la duchesse du Maine recouvre le sentiment qu’a priori nous pouvons également ressentir à son égard : frondeuse et savante, précieuse et frivole, caractères à partir desquels se sont élaborées les grandes lignes du colloque. Sans doute son caractère excentrique, au sens fort du terme, s’explique-t-il par son statut social, celui d’un membre de la plus haute aristocratie française, mais déclassée par son mariage. Son attitude provocante face à la cour doit s’interpréter comme une manière de rappeler sa naissance et son affranchissement des conventions sociales en vigueur dans des milieux inférieurs : il apparaît que c’est sur ce point précis que porte la critique de Saint-Simon, duc de fraîche date, face à sa noblesse du sang. De cette instabilité sociale fondamentale résultent deux conséquences. Tout en rappelant au duc du Maine l’infériorité de sa naissance, elle n’aura de cesse – et de plus en plus au fur et à mesure où la mort du roi se rapprochera inévitablement – de le soutenir. La première cour de Sceaux fut manifestement un moyen d’attirer des personnages qui, comme la suite devait le montrer, pourraient avoir un rôle à jouer lors de la succession au trône. Sans doute cette ambition d’élever le duc du Maine, sinon jusqu’au trône, du moins jusqu’à la régence, explique-t-elle aussi l’attitude des deux « mères » du duc du Maine : la mère biologique, madame de Montespan, et la mère de cœur et d’âme, madame de Maintenon, qui semblent s’être au moins accordées sur ce point. Ainsi s’explique la circulation des personnes entre ces trois univers féminins que l’on aurait pu croire étanches. Malgré la rivalité des deux femmes et la disgrâce de madame de Montespan – qui fut bien remplacée par la confiance presque aveugle de Mme de Maintenon pour son protégé –, force est de constater qu’il y a eu circulation et passage de nombreuses figures majeures de son entourage à celui du duc et même de la duchesse. C’est même le cas des plus importants d’entre eux : Malézieu et Genest. On constate aussi qu’il n’y a pas la séparation nette attendue entre le monde des bâtards et celui des enfants légitimes : les précepteurs passent de l’un à l’autre. On peut même étendre ce mouvement au groupe des Condé. 1 HÉNAULT, p. 115. INTRODUCTION 9 La seconde conséquence porte sur la nature même de la cour-salon dont la duchesse s’est dotée. Elle entend certes rivaliser avec une cour de plus en plus morose, mais c’est très volontairement qu’elle aura soin de donner à son mécénat la nature même de celui du jeune Louis XIV. C’est peut-être plus l’affirmation d’une continuité que d’un renouveau qui en ressort. C’est non seulement le mécénat de son beau-père qu’elle copie ainsi, mais aussi ceux de madame de Montespan, de madame de Maintenon et de la famille de Condé. Dans cette fonction de passeuse, il est certain que le duc du Maine a joué un grand rôle. Par sa mère et sa tante, il se trouvait directement lié aux grands auteurs du XVIIe siècle, comme Racine, Boileau ou Bossuet. Si Châtenay, Anet ou le second Sceaux semblent plutôt avoir fonctionné comme un salon, le premier Sceaux, dans son articulation avec Clagny, a bien été une cour. Cet aspect et la forte hiérarchisation qui le caractérise ne disparaîtront jamais : si d’un côté la duchesse, en marieuse, opère des mésalliances parmi ses proches, elle sait s’insurger lorsque Voltaire s’arroge le droit d’inviter en son nom, comme s’il s’était agi encore d’une simple Mme de Fontaine-Martel dans une demeure bourgeoise parisienne. Le mode d’organisation du mécénat de la première cour est très calqué sur celui de Fouquet dirigé par Pellisson ou celui de Louis XIV confié par Colbert à Chapelain et à Charles Perrault. Un secrétaire indique aux artistes la voie à suivre pour plaire au protecteur et contribuer par leurs productions à la formation d’une image claire. Celle que la duchesse a voulue est double, comme l’était celle de Louis XIV : elle oppose le roi et ses préoccupations sérieuses, politiques ou guerrières, au prince qui, dans Versailles, se délasse. L’une de ses facettes sera celle d’une pédante, une femme que tout intéresse et plus encore ce qui n’est pas du ressort d’une femme de son temps : elle s’intéresse au grec, comme Mme Dacier, ou à l’astronomie, comme plus tard Mme du Châtelet. C’est aussi un univers intellectuel qui semble avoir été régi par le cartésianisme. Parmi les spectacles qu’elle donne, certains relèvent du grand goût : c’est le cas de l’Iphigénie en Tauride ou d’Athalie. A côté de ce goût marqué pour le grand, il faut aussi inscrire son intérêt pour Molière et la revendication du comique, fût-il appuyé jusqu’au scatologique. Par ailleurs, uploads/Litterature/ i9782800413266-f.pdf

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