Histoires de Nobles et de Bourgeois Présentation L’HISTOIRE SOCIALE est un obje

Histoires de Nobles et de Bourgeois Présentation L’HISTOIRE SOCIALE est un objet vivant et elle a connu plusieurs vies. Ignorée, ou presque, par l’école méthodique, elle a connu une émergence avec la mutation impulsée par Marc Bloch et Lucien Febvre. En 1929, la création des Annales d’histoire économique et sociale met l’étude des groupes sociaux au centre de ses interrogations. À l’instar de ce que déclarait Lucien Febvre : « Pas l’homme, encore une fois jamais l’homme. Les sociétés humaines, les groupes organisés » l’étude de l’homme est intégrée dans celle d’un groupe social. Lucien Febvre a même de l’histoire sociale une approche globale, voire hégémonique.  1 FEBVRE Lucien, Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1953, p. 20. Il n’y a pas d’histoire économique et sociale. Il y a l’histoire tout court dans son Unité. L’histoire qui est sociale tout entière par définition. L’histoire que je tiens pour l’étude scientifiquement conduite, des diverses activités et des diverses créations des hommes d’autrefois, saisis à leur date, dans le cadre des sociétés extrêmement variées et cependant comparables les unes aux autres (c’est le postulat de la sociologie), dont ils ont rempli la surface de la terre et la succession des âges1. 2Cette approche a une influence particulièrement importante dans les années soixante. Lors du colloque de Saint-Cloud de 1965, Ernest Labrousse avançait une définition de l’histoire sociale.  2 L’Histoire sociale, sources et méthodes (colloque de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, ma (...) L’objet de cette histoire [sociale] au-delà de l’étude des groupes sociaux et de leurs rapports, est l’étude des rapports entre l’économique, le social et le mental2. 3Cette conception, attentive à la dynamique des groupes sociaux, associe approche macro-économique, étude des structures sociales, analyse conjointe des tendances séculaires et de la conjoncture courte. Elle connaît un fort développement et marque durablement l’historiographie française. 4À partir de la fin des années 1970 cette histoire sociale fait cependant l’objet de diverses critiques. Les interrogations se multiplient, débouchant parfois sur des remises en cause. Les approches structurelles sont coupables de figer des situations par nature mouvantes et évolutives. Le risque de déterminisme économique qu’elle comportait est pointé du doigt. Sont soulignés les dangers d’une classification sociale qui peut être une simplification ou une schématisation de la réalité. Un trop fort recours à un quantitatif un peu desséchant, et mis en œuvre de façon trop systématique, est critiqué comme une forme de sociologie descriptive. 5De nouveaux territoires sont alors ouverts aux interrogations de l’histoire sociale. L’accent est alors mis sur les problèmes méthodologiques, sur les études de cas. Un souci plus grand d’interdisciplinarité se manifeste avec des regards jetés en direction de la sociologie ou de l’anthropologie. De plus en plus le champ de l’histoire sociale se définit par la pratique et par l’exemple avec une tendance à l’émiettement des approches. 6Ainsi la micro storia italienne, refusant de travailler avec des catégories sociales préconstruites, préfère partir du comportement des individus et mettre l’accent sur les phénomènes d’interrelations pour reconstituer le fonctionnement du social et le saisir ainsi de façon plus globale. Dans une certaine mesure, bien qu’elle ne soit pas assimilable à la micro storia, une démarche proche sous-tend l’autre histoire sociale que définit Bernard Lepetit dans l’ouvrage qu’il a dirigé, Les Formes de l’expérienceet où il donne cette définition d’une autre histoire sociale.  3 Les Formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, LEPETITBernard (dir.), Paris, Albin Miche (...) 7On proposait donc, au point de départ d’un nouveau moment historiographique, de recommencer à prêter une attention particulière à la société, et d’analyser celle-ci comme une catégorie de la pratique sociale, c’estdireàdire de considérer que les identités sociales ou les liens sociaux n’ont pas de nature mais seulement des usages3. 8Ainsi sont revisités certains modèles qui étaient devenus des classiques de la démarche historienne comme les trois temps de Braudel ou l’association de la dimension structurelle et de la dimension conjoncturelle. Il s’agit de mieux redéfinir l’objet même de l’histoire sociale afin d’éviter son éclatement ou son émiettement qui peut advenir si on reprend avec trop de force l’idée de Lucien Febvre que tout est histoire sociale. Certains, comme Gérard Noiriel, vont parler de socio-histoire et insister sur le lien particulier que cette branche de l’histoire doit entretenir avec la sociologie, une sociologie prise en compte dans sa diversité que ce soit au niveau de sa dimension méthodologique ou de ses objets d’étude. Ainsi sont revisités certains terrains traditionnels comme l’histoire des groupes ou des catégories sociales. Ou bien sont pris en compte de nouveaux terrains que ce soit une histoire sociale du politique, de l’immigration, de l’administration. Dans cet effort de revisitation de l’histoire sociale, le présent ouvrage privilégie trois terrains et leur association, l’individu, les groupes, les réseaux. 9Les groupes occupent une place centrale. En effet, la question des catégories sociales et, éventuellement, la question du classement social, sont au cœur des débats qui traversent aujourd’hui l’histoire sociale. D’autant plus que classer est une préoccupation ancienne et permanente de l’historien du social qui se heurte souvent à une question redoutable : est-il légitime de vouloir classer la société ? Toute classification en effet comporte un certain nombre de dangers et d’insuffisances. On peut la considérer comme une simplification ou une schématisation de la réalité. Cela peut conduire, en privilégiant une approche structurelle, à figer une situation qui est par nature mouvante et évolutive. Parfois, pour lutter contre ces écueils, la multiplication des critères de définition d’une catégorie risque d’aboutir à une sorte de raffinement de la catégorie qui, trop complexe, a tendance à se dissoudre d’elle- même. Ces critiques, non négligeables, ont débouché sur des remises en cause du principe même des catégories. Elles ne doivent pas conduire pour autant à rejeter à la fois une réflexion et un recours aux groupes et aux catégories, mais elles appellent plutôt une approche nouvelle du problème. S’intéressant aux catégories du monde rural, Gérard Béaur, à juste titre, soulève la difficulté mais la nécessité de la tâche lorsqu’il écrit : On cherchera simplement, en effet, à démontrer trois choses : 1. qu’on ne peut pas définir des catégories sociales à la campagne, et qu’il s’agit tout simplement d’une impossibilité physique, matérielle ; 2. qu’on n’a pas le droit de définir des catégories sociales à la campagne, et qu’il s’agit d’une impossibilité théorique, épistémologique ; 3. mais qu’on est bien obligé de définir des catégories sociales à la campagne et qu’il s’agit là d’une nécessité pratique et historique4. 10Ces questions appellent à la poursuite de la réflexion fondée sur des travaux concrets et précis qui s’intéressent aux catégories sociales et plus largement aux divers groupes qui constituent une société. Le groupe, aux contours plus souples et moins délimités que la catégorie, se situant à une échelle moins globale et plus diversifiée de la réalité sociale, peut constituer un élément intéressant pour la saisie de cette société, autorisant un jeu d’échelle lui aussi très productif. 11Dans le groupe prend place l’individu. Il présente de multiples facettes et peut être saisi de façon éclatée. L’individu se définit tout d’abord en déclinant son identité. Il est un nom, un homme ou une femme, un lieu de naissance et d’habitation, ce dernier pouvant changer et évoluer. L’identité renvoie aussi à un statut familial. Il est célibataire, marié, divorcé ou veuf. C’est un fils ou une fille, un père ou une mère. L’individu est aussi un sujet avec sa psychologie et sa personnalité. Cette dimension subjective s’est construite en associant une structure spécifique de la psyché et le poids du contexte dans lequel elle s’est développée. L’apport de la psychobiologie ou de la psychanalyse n’est pas à négliger dans l’approche de cette dimension.  5 BOURDIEU Pierre, La Distinction, Paris, Les Éditions de Minuit, 1979. 12Enfin l’individu est social. Alors, si l’on s’inscrit dans la terminologie de Pierre Bourdieu, son étude doit se fonder aussi sur une socio analyse attentive à un certain nombre de données. L’appréhension de l’individu passe par une approche de sa dimension sociale et de son histoire. La personnalité historico sociale d’un individu se construit dans et par l’engrenage de l’individu humain dans les rapports sociaux. Cette idée est au centre de la réflexion de Norbert Elias lorsqu’il aborde la question du « je-nous ». Sous des formes proches mais différentes, cela traverse les notions d’habitus et d’habitus de classe avancées par Pierre Bourdieu5 et qui peut aider également à conduire cette socio analyse. 13Pierre Bourdieu définit ainsi un espace social qui peut être soit microsocial, c’est-à- dire délimité et relativement autonome au sein de la société globale, soit macrosocial, renvoyant à la société globale elle-même. Il est constitué de positions objectives, qui existent en-soi indépendamment des acteurs individuels, et de positions différentielles, qui existent les unes par rapport aux autres. Ces positions sociales sont définies par un certain nombre de ressources qui circulent dans le champ social ou qui sont l’objet de luttes d’appropriation. Pierre Bourdieu est ainsi amené à délimiter quatre types de capitaux. Un capital économique comprend tout bien qui représente une valeur uploads/Litterature/ bourgeoisie-noblesse-et-leurs-reseaux-au-15eme-siecle.pdf

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