Extrait de la publication Extrait de la publication LITTÉRATURE ET PEINTURE Du
Extrait de la publication Extrait de la publication LITTÉRATURE ET PEINTURE Du même auteur : à L’instant même : Mémoires du demi-jour, nouvelles, 1990. Chronique des veilleurs, nouvelles, 1994. Le chemin du retour, roman, 1996. Venir en ce lieu, essai, 1997. chez d’autres éditeurs : Saint-Denys-Garneau et ses lectures européennes, essai, Presses de l’Université Laval, 1969. L’univers du roman (en collaboration avec Réal Ouellet), essai, Presses Universitaires de France, 1972. Les critiques de notre temps et Giono, essai, Garnier, 1977. Passage de l’ombre, proses, Parallèles, 1978. Reconnaissances, nouvelles, Parallèles, 1981. Antoine Dumas, essai, Stanké, 1983. Extrait de la publication LITTÉRATURE ET PEINTURE par Roland Bourneuf traduites de l’anglais par Stéphane Brault L ’instant meme ? ' ^ ^ ^ ^ ^ Maquette de la couverture : Isabelle Robichaud Photocomposition : CompoMagny enr. Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia 539, boulevard Lebeau Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2 Canada Pour la France : La Librairie du Québec 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés © Les éditions de L’instant même 865, avenue Moncton Québec (Québec) G1S 2Y4 Canada Dépôt légal — 1er trimestre 1998 Données de catalogage avant publication (Canada) : Bourneuf, Roland, 1934- Littérature et peinture (Connaître ; 2) ISBN papier 978-2-89502-001-1 ISBN PDF 978-2-89502-816-1 1. Art et littérature. 2. Peinture dans la littérature. 3. Peintres. 4. Écrivains. I. Titre. II. Collection. ND1158.L57B68 1998 809'.93357 C98-940136-7 L’instant même reçoit pour son programme de publication l’aide du Programme de subventions globales du Conseil des Arts du Canada et celle du Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec. Extrait de la publication 7 L’importance d’une conjonction CHAPITRE 1 L’IMPORTANCE D’UNE CONJONCTION I l y a quinze ou vingt millénaires, dans les ténèbres que dissipait à peine la lumière des torches, des hommes traçaient avec du charbon et de l’ocre de grandes silhouettes d’animaux sur la paroi des cavernes. À Lascaux, à Altamira, la peinture est née dans la nuit des temps et de la terre. Aujourd’hui nous admirons mais ne comprenons pas : voyons-nous là le souvenir d’exorcismes avant la chasse ou de rites d’ini- tiation, le culte rendu aux puissances telluriques, la conscience étonnée devant le redoutable, le beau, le merveilleux du monde ? Pourquoi ces taureaux, ces cerfs, ces poissons, plus rarement ces silhouettes humaines ? Pourquoi la peinture ? Un peu partout aussi sur les mêmes parois, avec des empreintes de mains, apparaissent des taches rondes, des flèches, des stries, des grilles, des spirales, autant de signes qui ne renvoient à aucun objet reconnaissa- ble mais qui doivent bien remplir une fonction, avoir un sens. Repères, formules, incantations, messages, 8 Littérature et peinture mais adressés à qui ? Prémisses d’une écriture sans doute, amorces de textes, rudiments d’une littérature... Cependant dans les grottes préhistoriques, dans les édifices des premières villes au Moyen-Orient, la re- présentation picturale sur la pierre, le bois, l’ivoire a précédé par de nombreux millénaires l’écriture véri- table à partir de laquelle nous commençons à parler de l’histoire. Les deux pratiques ont suivi leurs voies propres mais la peinture et la littérature qui se sont ainsi peu à peu constituées ne se sont pas perdues de vue. Les deux arts ont été souvent complices, parfois rivaux. Peintres et écrivains ont multiplié les échanges, les emprunts, — ou les rejets —, de sujets, de formes, de procédés. En maintes occasions ils ont fait cause commune pour rajeunir la culture quand elle s’enlisait dans la routine, pour secouer les habitudes du public, pour élargir les possibilités de la création artistique et enrichir la con- naissance. Ces rapports sont devenus, à partir du XVIIIe siècle surtout, particulièrement nombreux, riches, conscients. Ils offrent à l’étude un terrain qui n’est encore que très partiellement exploré. Comment, par exemple, les deux arts s’insèrent-ils dans l’ensemble d’une époque, comment participent- ils d’une vision globale du monde ? Peuvent être mises en parallèle, d’une part, des séries d’œuvres littéraires et picturales et, de l’autre, des événements politiques, sociaux, culturels, des systèmes de pensée qui leur sont contemporains. Nous pouvons ainsi mieux lire ce qui est reflet, expression de l’époque, poursuite de traditions ou annonce de ce qui vient. Devant nous prend corps tout le mouvement d’une époque, celles Extrait de la publication 9 L’importance d’une conjonction qui nous ont précédés ou la nôtre. À un moment plus défini de l’histoire, nous pouvons comprendre com- ment écrivains et peintres ont situé leur art par rapport à l’autre, comment ils se sont cherchés, aidés, enviés peut-être. Ou bien l’étude peut se porter sur un roman, un poème, sur un tableau, et s’interroger sur son fonc- tionnement interne : comment des formes en créent le sens. Se pose ainsi la question inévitable des analo- gies, voire des équivalences : la ligne, le volume, les couleurs trouvent-ils leur correspondance dans un texte littéraire ? La pensée est conduite à s’interroger sur le langage : qu’est-ce qui le définit ? La peinture (ou le cinéma, ou la musique) en est-il un au même titre que celui que nous articulons avec des mots ? Littérature et peinture : ce « et » rapproche, réunit, coordonne. Cela semble aller de soi mais nous entre- voyons déjà les sens multiples que prend ce mot. Il relie comment, où, à quels niveaux ? Par cette petite con- jonction nous pénétrons dans le champ des « études comparatives » dont l’étendue est difficile à apprécier et les frontières mouvantes. Des pléiades de chercheurs ont étudié « les influences et les échanges entre les littératures » — définition traditionnelle du compa- ratisme. Ils étendent maintenant leurs « comparaisons » au-delà du littéraire vers d’autres domaines de la création : la musique, le cinéma, et, bien sûr, la pein- ture. N’importe quel objet culturel peut être rapproché d’un autre : on a pu voir des analogies entre un clocher gothique et les coiffures coniques que portaient les femmes nobles au Moyen Âge, entre l’art des jardins et la versification pratiqués en Angleterre au XVIIIe 12 Littérature et peinture L’essayiste Pierre Vadeboncœur, qui à l’occasion manie le fusain, dit qu’il entre dans son tableau « aussi facilement qu’on entre dans un lieu, tout simplement ». Et il y est heureux. Examiner les rapports entre ces deux arts ne devrait en effet pas seulement être un objet d’études parmi d’autres, mais bien offrir l’occasion de prises de conscience et d’expériences personnelles. Quelle valeur possède pour nous un tableau en regard d’un poème ou d’un roman ? Comment résonne-t-il en nous ? En quoi les œuvres que nous aimons nous sont- elles essentielles ? Les artistes les ont mises au monde dans l’enthousiasme et un élan de vie, ou dans un mouvement de désespoir, par le travail patient ou l’illumination soudaine. Créer les mobilise tout entiers et, même si parfois ils touchent la souffrance profonde, ils se trouvent portés au sommet d’eux-mêmes. Nous recevons de ces œuvres leur rayonnement, nous sommes immergés dans la lumière, éclatante, ou sourde, ou noire, dans laquelle elles sont nées et dont elles sont porteuses. Aux créateurs qui œuvrent dans le verbal ou dans le visuel, ou dans les deux, rapprocher les deux pra- tiques ouvre un champ d’expérience, certes déjà exploité, mais aux possibilités sans cesse élargies. L’envie peut nous venir de tenter cette aventure. Par- tir d’un tableau pour écrire un poème ou un récit, ou à l’inverse, prendre comme source d’une œuvre pictu- rale un texte, l’illustrer — au sens large et souple —, prolonge l’émotion qui s’en dégage, stimule notre pro- pre désir de créer. Ainsi, comme pour Baudelaire ou Rimbaud, nous voyons se tisser des correspondances secrètes entre le mot, la couleur, la note de musique, le geste, entre les ressources de leur agencement. Nous 10 Littérature et peinture siècle. Des affinités se révèlent ainsi qui nous font mieux percevoir l’esprit d’une époque, mais ces rap- prochements se réduisent parfois à des jeux fantaisistes ou à des impressions vagues. Cependant les arts, si divers soient-ils dans leur fonction, la matière qu’ils travaillent, les techniques qu’ils emploient, partagent des exigences communes. Peinture, sculpture, archi- tecture, littérature, théâtre, musique, danse, cinéma, impliquent tous une certaine composition (malgré par- fois le désordre apparent) ; un rythme (plus ou moins rapide, marqué, continu, varié, répétitif...) ; un ton (qui touche et provoque nos sentiments : joie, tristesse, mélancolie, exubérance, qui nous incite à la réflexion, au souvenir, à l’activité, à la participation collective...). De plus, tous ces arts recourent à des procédés (voire à des figures rhétoriques) identiques : répétitions, symétries et asymétries, analogies et contrastes... Nous ne pouvons nous étonner de l’existence de ce fonds commun à tous les arts. Il a ses racines dans les structures de l’imaginaire (monde intérieur que nous bâtissons, plus ou moins ressemblant au réel) : rêves, fantasmes et rêveries, fables et récits mythiques, symboles, œuvres artistiques en sont les manifestations. Les chercheurs contemporains (anthropologues, esthéticiens, philosophes comme C. Lévi-Strauss, G. Bachelard, G. Durand, P. Ricœur, etc.) ont uploads/Litterature/ bourneuf-roland-litterature-et-peinture.pdf
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- Publié le Mar 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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