Linx Revue des linguistes de l’université Paris X Nanterre 44 | 2001 Spécificit
Linx Revue des linguistes de l’université Paris X Nanterre 44 | 2001 Spécificité et histoire des discours sémiotiques Hjelmslev et Greimas : deux sémiotiques universelles différentes Driss Ablali Édition électronique URL : http://linx.revues.org/1031 DOI : 10.4000/linx.1031 ISSN : 2118-9692 Éditeur Université Paris Ouest – département Sciences du langage Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2001 Pagination : 39-53 ISSN : 0246-8743 Référence électronique Driss Ablali, « Hjelmslev et Greimas : deux sémiotiques universelles différentes », Linx [En ligne], 44 | 2001, mis en ligne le 05 juillet 2012, consulté le 30 septembre 2016. URL : http:// linx.revues.org/1031 ; DOI : 10.4000/linx.1031 Ce document a été généré automatiquement le 30 septembre 2016. © Tous droits réservés Hjelmslev et Greimas : deux sémiotiques universelles différentes Driss Ablali à Anouar Ben Msila Nous tenons à exprimer notre gratitude à M. Arrivé, notre directeur de thèse, à Cl. Normand, qui suit généreusement nos travaux, et à Fr. Gobert qui ont bien voulu lire notre manuscrit, nous faire bénéficier de leurs remarques et ainsi nous éviter bien des faux pas. Mais il va de soi que ce travail, en définitive, n’engage que nous seul. 1 Le terme de « sémiotique » exige souvent de laborieuses mises au point. Il se trouve actuellement au centre d’un remue-ménage qui agite les sciences du langage et qui s’étend même au dehors de celles-ci. Son intégration a lieu dans des champs de recherche si dissemblables qu’on ne saurait leur trouver un air de famille : ils ne se reconnaissent pas même entre eux. Cette dissemblance, certes, ne date pas d’hier. Rien ne permet, par exemple, de rapprocher la sémiotique de Peirce, qui prétend être une théorie de la connaissance — une logique, d’après l’intention de Peirce lui-même — de celle de Saussure ou de Greimas, qui se présentent comme des sémiotiques linguistiques1. N’est-ce pas alors prendre le parti de la complication, voire de la contradiction, que d’associer à la sémiotique des personnalités aussi contrastées que Locke, Peirce, Saussure, Hjelmslev, Benveniste, Greimas, Prieto, Lotman, pour ne citer qu’eux, ainsi qu’on a encore coutume de le faire ? 2 Au départ, une opposition semble s’être faite entre la sémiotique européenne et la sémiotique américaine. En France, durant l’ère structuraliste, c’était surtout à Greimas qu’on pensait chaque fois que le terme de sémiotique était évoqué ; il fallait cependant faire une exception avec Perpignan, où G. Deledalle et son équipe travaillaient sur la sémiotique de Peirce. En revanche, aux États-Unis, où le terme est employé dans sa forme plurielle — semiotics2 —, ce sont les travaux de Peirce ou Morris qui permettent de s’en réclamer. Mais il est vrai que la sémiotique américaine reste peu connue en France, Hjelmslev et Greimas : deux sémiotiques universelles différentes Linx, 44 | 2012 1 surtout dans le milieu des linguistes, et que sans doute l’introduction de cette sémiotique dans les programmes universitaires n’est pas pour demain. Aussi n’est-ce pas cette opposition inter-atlantique qui est la cause fondamentale de l’ambivalence du terme de sémiotique. 3 On constate en revanche que le terme de sémiotique revient ces derniers temps sous les plumes de chercheurs tels que Fr. J. Varela, P. Ricoeur, R. Thom, Fr. Rastier, B. Cyrulnik, J- Cl. Coquet, J. Fontanille3, qui sont loin de partager les mêmes objets de connaissance. Cette liste hétérogène suscite bien des réflexions. Bornons-nous à constater qu’aujourd’hui le terme de sémiotique ne caractérise plus personne. Autrement dit, il ne caractérise plus un domaine de recherche particulier : bien des chercheurs, travaillant dans des domaines de recherche divers, se l’approprient sans spécifier son sens. 4 Nous nous proposons d’étudier ici la coexistence au sein de la sémiotique européenne de deux paradigmes, attachés respectivement aux noms de Hjelmslev et de Greimas. Plus précisément, nous cherchons à savoir ce qu’il en est de la reconduction du projet glossématique de Hjelmslev dans la sémiotique de Greimas. 5 En effet, on place souvent Greimas dans la continuité de Hjelmslev, en invoquant des concepts comme texte, connotation, dénotation, immanence, empirisme, pour s’en tenir aux plus connus. Cette continuité mérite d’être examinée de plus près : les deux sémiotiques ne visent pas à recouvrir les mêmes types de problématiques, même si elles empruntent les mêmes voies. C’est ce que nous argumentons dans la première partie, introduite par quelques commentaires sur la réception tardive de l’œuvre de Hjelmslev, en interrogeant la notion de « texte » à travers la catégorisation « universel » vs « général ». Dans la seconde partie, nous montrons que ce sentiment de parenté n’est pas pour autant sans fondement : entre Hjelmslev et Greimas, il y a bien une continuité. Seulement, il ne faut pas la chercher directement dans la reconduction par Greimas du projet linguistique de la glossématique, mais bien dans la réflexion épistémologique de Hjelmslev, lorsque celui-ci conçoit la sémiotique comme une sémiotique universelle avec des sémiotiques spécifiques. Hjelmslev : une réception tardive 6 Arrivé commente ce paradoxe dans les termes suivants4 : À qui jette un coup d'œil sur la production linguistico-méthodologique de la sémiotique contemporaine — voire d'une façon générale sur les discours des sciences humaines — apparaît à l'égard de la glossématique un trait caractéristique : à quelques rares exceptions, la référence à la glossématique est absente ou fortement péjorative (Arrivé 1981 : 305). 7 Hjelmslev n’a donc pas fait école. Son héritage, tant au Danemark qu’à l’étranger, n’a pas marqué beaucoup de linguistes. Dans son pays natal, contrairement à ce qui a eu lieu pour l’autre grand linguiste danois — V.Brøndal — le centenaire de sa naissance n’a pas été célébré5. La glossématique de Hjelmslev devait attendre le milieu des années quatre-vingt, grâce à l’intérêt des linguistes, notamment des sémioticiens, pour sortir d’une ombre de longue durée. Car si c’est Greimas qu’on désigne comme le véritable continuateur de Hjelmslev, ce sont des chercheurs de la même demeure, qu’on appelle l’École de Paris, ou parfois des ex-greimassiens, qui ont assuré le relais. On peut mettre au premier rang les travaux de Fr. Rastier, Cl. Zilberberg, M. Arrivé et H. Parret. En Italie, c’est sous le patronage d’un autre sémioticien, U. Eco, que, par des recherches, d’ordre Hjelmslev et Greimas : deux sémiotiques universelles différentes Linx, 44 | 2012 2 épistémologique et exégétique, notamment grâce aux numéros de Protagora et Versus, va réapparaître l’intérêt pour les écrits de Hjelmslev. Toujours en Italie, cet intérêt va jusqu’à faire naître le premier « Circolo glossematico » et une revue, Janus. 8 Mais, dans les années soixante-dix, la redécouverte en France de l’œuvre de Hjelmslev avait déjà été amorcée grâce à Greimas et à Barthes6. Des textes comme « Éléments de sémiologie », Le système de la mode ou Sémantique structurale ont relancé l’intérêt pour les textes de Hjelmslev. Les deux sémioticiens ou sémiologues travaillaient, à cette époque, de conserve. À propos de cette période, citons la réponse de Greimas à une question posée par Arrivé lors du colloque qui lui était consacré à Cerisy-la-Salle : Je n’arrive pas à me souvenir du moment de ma rencontre avec Hjelmslev. Je ne sais pas si c’est Barthes qui m’a dit que c’était important, ou si c’est moi qui l’ai dit à Barthes (1987 : 303). 9 Chacun aura sa façon d’aborder les textes de Hjelmslev. Les deux parcours de Greimas et de Barthes illustrent clairement le poids déterminant du Danois sur la naissance en France de deux sémiotiques différentes. Ici on peut lire avec intérêt que ces deux sémioticiens, s’ils sont partis tous deux des textes du Danois, n’ont pas privilégié le même point de départ : Je sais que c’était un coup de foudre pour tous les deux [i.e. Greimas et Barthes]. Seulement, il a commencé par les Essais et moi par les Prolégomènes (1987 : 42). 10 Greimas a commencé par le chemin le plus théorique, préférant ainsi ce qu’il appelle le « système dénotatif », Barthes, lui, est allé vers les sémiotiques non scientifiques, c’est-à- dire les « langages de connotation » (lesquels, cependant, contrairement à ce que laisse entendre Greimas, sont développés non dans les Essais, mais bien dans les Prolégomènes). Du texte à la langue vs du texte à la narrativité 11 Par-delà ces divergences, l’apport novateur de Hjelmslev, son erreur géniale, pour reprendre une expression de Rastier, qui va beaucoup marquer la sémiotique en France, consiste à sortir de l’hypostase du signe : commencer non pas par les signes, mais par les relations, plus précisément par le texte : La théorie du langage s’intéresse à des textes, et son but est d’établir une procédure permettant la description non contradictoire et exhaustive d’un texte donné (Hjelmslev 1943 : 31). Et encore ceci : L’objet est bien entendu un texte que celui-ci se manifeste graphiquement sous la forme d’un message écrit ou phoniquement sous la forme d’un message oral (Hjelmslev 1985 : 77). 12 Greimas a bien retenu la leçon. Le signe ne mène nulle part, ce n’est qu’un point de départ, car le vrai travail commence sous les signes : Pour moi, la science des signes, c’est uploads/Litterature/ bu-uuuu-nnnn.pdf
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- Publié le Jui 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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