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Cahiers d'études africaines Accueil > Numéros > 163-164 > Plurilinguisme et création > La question du métissagedans l’éc... Recherche SommaireDocument précédentDocument suivant 163-164 | 2001 : Langues déliées Plurilinguisme et création La question du métissage dans l’écriture du roman burkinabè contemporain Alain Joseph Sissao p. 783-794 Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur Résumés Français English Pour le lecteur non averti, la littérature écrite burkinabé contemporaine semble uniquement tournée vers une direction nationale. Certes, de par sa créativité, cette littérature puise dans la culture et la langue du milieu. Mais elle se conçoit en français et subit des influences textuelles et culturelles multiples. Ce métissage dans l’écriture donne à cette littérature une certaine valeur universelle. Finalement l’écrivain burkinabè n’est pas différent des Kafka, Celan, Beckett, qui se trouvent dans une situation plurilingue. L’écrivain burkinabé est irrémédiablement, à travers la pratique du métissage textuel, à la recherche d’une identité en construction. Il s’inscrit aussi dans la civilisation de l’universel qui veut que les problèmes d’identité soient souvent multiples et s’enracinent dans une multitude de faisceaux culturels et linguistiques. L’écrivain burkinabé devient dans cette perspective un écrivain tout court qui crée. il peut s’agir dans certains cas d’interférences linguistiques ou bien d’insertions et de collages. En se penchant sur un corpus de romans burkinabé, on observe ce procédé d’écriture. L’article tente de jeter un regard sur cet aspect de la littérature burkinabé en pleine expansion. Haut de page Entrées d'index Mots clés : novel, écrivains burkinabé, interférences linguistiques, métissage, romans, Burkinabe’s novelist, linguistic interférences, cross-breeding Haut de page Plan La problématique du métissage culturel et linguistique Le métissage entre roman et langues nationales Le plurilinguisme et les différentes formes de dialogisme Les interférences linguistiques Les différentes formes d’insertions Le collage Identité et construction des savoirs qualifiants : les hypotextes Les contes Les nouvelles Les proverbes Haut de page Texte intégral PDF 196k Signaler ce document 1Les écrivains se sont souvent exprimés en dehors d’une seule langue. C’est ainsi que l’on remarque, dans la littérature contemporaine, des cas de bilinguisme (Senghor 1964 : 228-231) ou de plurilinguisme (Manessy & Wald 1979). Les écrivains africains en général, et burkinabè en particulier, n’échappent pas à cette règle. 2Comment celui qui écrit donne-t-il forme à sa passion d’écrire à partir de son vécu personnel et d’un noyau de relations aux langues dans lesquelles il écrit, de leurs possibilités, de leurs contraintes ? « L’écriture apparaît alors comme un espace de tension et de rencontre entre des langues différentes, espace à l’intérieur duquel l’écrivain va trouver ―sa langue‖, sa ligne propre unique, d’invention et de création » (Prieur & Pierra 1999 : 28). 3Les travaux de M. Bakhtine (1978 : 488) sur la translinguistique mettent l’accent sur le polylogisme. Cette approche privilégie la question de la subjectivité dans l’approche de la création littéraire. 4Finalement écrire, pour les écrivains burkinabè, revient à chercher à se réapproprier et à « habiter » leur nom (Prieur & Pierra 1999 : 29). 5Il apparaît que la littérature contemporaine en langue française ou anglaise pratiquée par les auteurs africains est exprimée avant tout dans une langue d’emprunt. Ce constat à l’origine permet de dire que cette littérature possède une spécificité. On pourrait croire que l’usage du code de l’écrit en français ou en anglais efface systématiquement les soubassements culturels et linguistiques. Qu’on ne s’y méprenne pas, car les auteurs ont souvent recours dans leur processus créatif aux langues nationales. Dans le cas spécifique de la littérature burkinabè, nous pouvons observer cette modalité d’écriture qui comporte des interférences linguistiques (Makouta M’boukou 1983 : 349) ainsi que les différentes formes d’insertions et de collage. Il y a tout un travail de réécriture qui est une réalité pour les écrivains. Au-delà de cette structure de surface se noue une structure profonde qui est le métissage dans l’écriture. Le métissage culturel et linguistique s’observe donc dans cette trame de créativité. 6La réflexion rejoint la vision du monde des sociétés, il y a une dimension socioculturelle qu’il faut prendre en compte. Notre réflexion repose sur la question de la subjectivité dans la création romanesque en pleine mutation. 7C’est pourquoi nous examinerons dans un premier temps la probématique du métissage culturel et linguistique. Il s’agira d’examiner aussi le métissage entre roman et langues nationales. 8La deuxième partie de notre travail tentera d’appréhender le plurilinguisme et les différentes formes de dialogisme, notamment les interférences linguistiques, les différentes formes d’insertion et le collage. 9La troisième partie analysera l’identité et la construction des savoirs qualifiants à travers les hypotextes. La problématique du métissage culturel et linguistique 10La littérature africaine possède une spécificité qui résulte d’un vaste mouvement de métissage avec les influences culturelles endogènes et extérieures, notamment la littérature européenne. Celle-ci découle de plusieurs facteurs. 11D’une part, les auteurs vivent une situation de bilinguisme résultant de l’apprentissage de la langue officielle (français/anglais), celle de l’admininistration, qui s’est greffée à la langue première (natale). Obligé de s’exprimer dans une langue qui n’est pas la sienne, l’écrivain africain en général, et burkinabè en particulier, revient très souvent sur le socle de sa langue première. Nous avons là affaire à un dilemme de métissage linguistique si bien décrit par l’écrivain Makhily Gassama (1978 : 333). Ce dilemme est parfois douloureux mais il peut être aussi heureux, résultant d’un choix culturel de l’auteur qui veut élargir son univers d’expression. Ainsi, sous la plume des écrivains africains, on retrouve des expressions provenant des langues africaines : c’est le cas des mots comme dolo, cola, soumbala, tô, pour ne citer que ceux là. C’est pour éviter de perdre la substantifique moelle de la charge sémantique du mot que les écrivains gardent souvent ces expressions à l’état pur. On remarque avec beaucoup de bonheur cette technique narrative chez des écrivains comme Ahmadou Kourouma. Ailleurs, certains écrivains comme Chamoiseau, Confiant font de l’éloge de la créolité leur cheval de bataille. 12D’autre part, la problématique du métissage renvoie à la conception senghorienne du dialogue des cultures comme enrichissement dans la civilisation de l’universel. 13On peut percevoir cette situation dans la coexistence entre un genre littéraire et les supports d’expression, en l’occurrence le roman et les langues nationales. Le métissage entre roman et langues nationales 14Cette partie est articulée autour de l’interaction « langues en contact et écriture ». En scrutant le roman africain, il apparaît qu’il se place comme le genre dominant de la coexistence avec les langues nationales africaines. En effet, le roman africain naît dans un contexte culturel particulier. Le véritable premier roman nègre, Batouala, publié en 1921, et qui a reçu la consécration du Goncourt, décrit cette situation de dualité culturelle et sociale. Son auteur, René Maran, n’hésite pas à utiliser des expressions de la langue du milieu de l’Oubangui-Chari. D’autres romans africains vont suivre l’exemple en restituant l’âme africaine dans sa quintessence malgré l’utilisation du français. On peut citer Maimouna d’Abdoulaye Sadji, Le Mandat d’Ousmane Sembène. Le point culminant de cette innovation sera atteint dans Les soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma, qui n’hésitera pas à « casser le français » (selon l’expression de l’auteur) dans ses règles syntaxiques et grammaticales afin de restituer l’originalité de la culture malinké. Un autre écrivain prolixe dans les audaces contemporaines, Sony Labou Tansi, dans La vie et demie et L’État honteux, bouscule les concepts figés de la trame narrative romanesque classique. Les romanciers burkinabè ne sont pas en reste dans ce vaste mouvement identitaire. Déjà, en 1962, Nazi Boni, avec le Crépuscule des temps anciens, nous plongeait dans une épopée africaine à travers la bravoure du mouvement de résistance des bwaba à la pénétration coloniale. Il y brosse les fresques amoureuses du couple Théré et Hadonfi. Mais l’aspect qui retient le plus notre attention est le traitement fait à la langue bwaba. Il y a des calques introduits à l’état pur. Il y a aussi des récits de chants de guerre en bwamu. Tous ces faits montrent que le romancier burkinabè avait une haute perception de l’usage des langues nationales comme support culturel dans le roman. Quelles sont les différentes formes de plurilinguisme que l’on peut observer chez les romanciers burkinabè ? C’est ce que nous allons analyser dans l’écriture des écrivains burkinabè de la période 1962-1990. Examinons, dans une autre perspective du métissage, la question du plurilinguisme. Le plurilinguisme et les différentes formes de dialogisme 15À ce niveau, il faut dire que les interférences linguistiques, les insertions et collages sont une conséquence du rapport que l’auteur entretient avec la situation plurilingue dans laquelle il vit. Les interférences linguistiques  1 À propos de l’interférence linguistique, voir J. DUBOIS (1973 : 265). 16En fait, le problème de l’adaptation est complexe car bien souvent, sous prétexte de « traduire » ses pensées, sa langue maternelle, le romancier ouest-africain crée l’interférence linguistique qui choque précisément le puriste. L’interférence linguistique se produit quand un sujet bilingue (par exemple moaaga/français) utilise une langue cible A (français), un trait phonétique, morphologique, lexical ou syntaxique caractéristique de la langue source B (moore). L’emprunt et le calque sont souvent uploads/Litterature/ cahiers-d.pdf

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