cahiers voltaire 8 Cahiers Voltaire Revue annuelle de la société voltaire 8 Fer

cahiers voltaire 8 Cahiers Voltaire Revue annuelle de la société voltaire 8 Ferney-Voltaire 2009 Revue publiée avec le concours de la Région Rhône-Alpes La Société Voltaire bénéficie du soutien du Centre national du livre Nous remercions le Centre international d’étude du XVIIIe siècle (Ferney-Voltaire) et le Centre de recherche sur les sciences de la littérature française (Université Paris Ouest Nanterre La Défense) de leur participation. La préparation de ce numéro a été facilitée par les services de la Bibliothèque de Genève et de l’Institut et Musée Voltaire. Correspondance, manuscrits, ouvrages pour compte rendu Cahiers Voltaire, BP 44, F-01212 Ferney-Voltaire cedex, courriel cahiers@societe-voltaire.org Les ouvrages pour compte rendu doivent être envoyés sans dédicace personnelle. © Société Voltaire et Centre international d’étude du XVIIIe siècle 2009 Diffusé par Aux Amateurs de Livres International 62 avenue de Suffren, 75015 Paris, France, pour le Centre international d’étude du XVIIIe siècle, BP 44, 01212 Ferney-Voltaire cedex, France ISBN 978-2-84559-062-5 ISSN 1637-4096 Imprimé en France Études & textes Au recto. Détail d’une des eaux-fortes de la série Le Carceri d’invenzione de Giovanni Battista Piranesi, vers 1760. Collection particulière. michel porret Voltaire : justicier des Lumières1 Les connaissances que l’on a acquises [...], sur les règles les plus sûres que l’on puisse tenir dans les jugements criminels, intéressent le genre humain plus qu’aucune autre chose au monde. Ce n’est que sur la pratique de ces connais- sances que la liberté peut être fondée ; et dans un État qui aurait là-dessus les meilleures lois possibles, un homme à qui on ferait son procès, et qui devrait être pendu le lendemain, serait plus libre qu’un bacha ne l’est en Turquie2. Punir est un droit terrible ; et les peuples modernes ont senti dans les répu- bliques mêmes, qu’il est moins dangereux de l’abandonner à une classe de citoyens qu’à leur universalité3. Le droit de punir occupe depuis longtemps l’actualité politique, médiatique et sociale. Soumission du parquet d’instruction à celui du procureur général comme au temps de l’absolutisme, débat politique sur la légitimité de la « peine plancher », traitement judiciaire du « mineur délinquant », polémique sur la « ré- cidive » – obsession sécuritaire née au XIXe siècle4 –, jugement des « aliénés » contre la tradition d’irresponsabilité qui remonte au droit romain (furor versus de- mentia), réintroduction un peu partout en Europe de la « perpétuité réelle » contre les condamnés pour crimes sexuels les plus menaçants, soit peine de mort sèche comme l’était la déportation ad vitam aux galères, imprescriptibilité de délits à caractère sexuel5, limitation des réductions de peine, « état » explosif des prisons qui, en France, libéreraient chaque année une « centaine de prédateurs sexuels », selon Le Figaro du 22 août 2007, parole assourdissante des victimes sur la scène 1. Cet essai s’insère dans un chantier consacré à l’histoire du droit de punir au temps des Lumières, entre doctrine, pratique. Nous avons notamment évoqué le réformisme pénal dans : Beccaria. Le droit de punir, Paris, Michalon, 2003. Dernier livre paru : Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et ex- pertises judiciaires à Genève (XVIIIe-XIXe siècle), Montréal, PUM, 2008. Sur les juristes français que nous évoquons, voir Dictionnaire historique des juristes français XIIe-XXe siècles, sous la dir. de Patrick Arabeyre, Jean-Louis Halphérin et Jacques Krynen, Paris, PUF, 2007. 2. De l’esprit des lois, 1748, VI, viii, éd. Robert Dérathé, Paris, Garnier, 1973, t. I, p. 202-203. 3. Claude-Emmanuel Joseph-Pierre de Pastoret, Des lois pénales, Paris, Buisson, 1790, t. I, p. 28. 4. Le Criminel endurci. Récidive et récidivistes du Moyen Âge au XXe siècle, éd. Françoise Briegel et Mi- chel Porret, Genève, Droz, 2006, passim. 5. En Suisse, suite à l’initiative populaire du 1er mars 2006 (« Pour l’imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine ») acceptée en votation populaire le 13 juin 2008, l’« action pénale et la peine pour un acte punissable d’ordre sexuel ou pornographique sur un enfant impubère sont imprescrip- tibles ». 8 michel porret judiciaire, populisme pénal, « sentiment » d’insécurité réelle ou imaginaire, omni- présence policière : l’actualité du malaise pénal est brûlante. Ses nombreux symp- tômes sont européens. Devant dire le droit et réparer symboliquement le mal du crime par la neutra- lisation légale des condamnés avec l’incarcération pénale, la justice de l’État de droit semble aujourd’hui basculer dans la culture de la peur et les usages sécu- ritaires. L’attentat du 11 septembre 2001 et ses échos terroristes contre la société civile mettent à l’épreuve le droit de punir moderne, compatible avec les droits de l’Homme selon les Lumières et la Révolution française. La compétence répressive est inhérente au temps de juger et à la « violence juste » du droit de punir, qui aspire notamment à « rappeler la loi », « défendre la société » et « éduquer » les justiciables, mais transformer aussi la « souffrance » du crime en « malheur » de la sanction vindicative6. Plus de trente ans après Surveiller et punir de Michel Foucault (1975), qui ins- taure anachroniquement le supplice du régicide Damiens comme modèle punitif universel à l’âge classique, la société du panoptisme de Jeremy Bentham retrouve peut-être une actualité inédite comme modalité de la « gouvernementalité » quo- tidienne des individus pour la sécurité du territoire et contre l’« insécurité » des personnes et des biens. En février 2008, l’ancien garde des sceaux du premier gou- vernement socialiste de François Mitterrand, Robert Badinter, artisan en 1981 de l’abolition tardive de la peine capitale, publique en France jusqu’en 1939, affirme : « Nous sommes dans une période sombre pour notre justice. Nous passons d’une justice de responsabilité à une justice de sûreté. C’est un tournant très grave de notre droit. Les fondements de notre justice sont atteints » (Le Monde, 24 février 2008). Cette crise judiciaire serait critique pour l’État de droit. Autoritaire, popu- liste, émotive et expiatoire, la dérive punitive d’aujourd’hui menace la modernité du droit de punir en démocratie hérité du rationalisme, de l’humaniste et du libé- ralisme des Lumières7. Intellectuel généreux, Voltaire était un homme engagé dans les débats contem- porains de son temps8. Avant Durkheim, qui ordonne l’archaïsme ou la modernité des « lois sociales » en opposant rigueur ou douceur des peines, Voltaire pense le droit de punir dans la durée du processus de civilisation. Celui-ci tend vers l’utili- tarisme correctionnel et ajuste la législation au gré d’un progrès continuel qui mo- dernise les institutions politiques9. En 1791, lorsque après Mirabeau la Révolution place Voltaire au Panthéon, c’est bien le justicier des Lumières qu’elle immortalise 6. Frédéric Gros, « Les quatre foyers du sens de la peine », dans Antoine Garapon, Frédéric Gros et Thierry Pech, Et ce sera justice. Punir en démocratie, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 17-138. 7. Voir le bilan critique dans Un droit pénal postmoderne. Mise en perspective des évolutions et des ruptu- res contemporaines, sous le dir. de Michel Massé, Jean-Paul Jean et André Giudecelli, Paris, PUF, 2009 (Droit et justice), dont Michel Porret, « Les Lumières et la modernité pénale », p. 59-72. Démarche et bilan semblables dans Et ce sera justice, Punir en démocratie, passim. 8. Didier Masseau, L’Invention de l’intellectuel dans l’Europe du XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1994, pas- sim. 9. Émile Durkheim, dans L’ Année sociologique 4, 1899-1900, p. 65-96. david smith & andrew brown La publication à Paris des Œuvres de Voltaire par Michel Lambert en 1751 La première édition collective des œuvres de Voltaire date de 1728, et l’enca- drée de 1775 est la dernière à paraître de son vivant. Entre-temps, une longue série d’éditions voit le jour, mais trois seulement d’entre elles paraissent à Paris: celle de 1741 sous l’adresse d’Amsterdam, publiée sans l’aval de l’auteur, et les deux éditions dues au libraire Michel Lambert, parues en 1751 et 1757. Cet article traite de la pré- paration et de la publication de la première édition Lambert dans le but d’éclaircir les circonstances qui donnèrent lieu à un véritable monstre bibliographique: cer- tains des onze volumes de Lambert furent modifiés et réorganisés après l’impres- sion pour se conformer aux volontés de Voltaire. L’historique de la publication des œuvres complètes de Voltaire est basé princi- palement sur sa correspondance avec ses libraires. Malheureusement, aucune des lettres que Michel Lambert a expédiées à l’auteur entre octobre 1750 et janvier 1751 n’a survécu, le nombre des lettres que l’auteur a envoyées à son libraire est difficile à déterminer, et celles qui nous sont parvenues, fréquemment sans date, ont souvent été mal datées par Besterman1. Heureusement, André Magnan a soigneusement révisé la datation des lettres de cette période, et ce n’est que rarement que nous nous trouvons légèrement en désaccord avec ses conclusions. Pour faciliter la lec- ture de cet article, nous avons donc souvent employé comme rubriques les dates assignées aux événements et aux lettres en question, ainsi que le numéro de ces lettres dans l’édition due à Besterman. Voltaire et Lambert avant la mi-1750 Michel Lambert (1722 ?-1787) avait été reçu libraire en 1749, mais ne sera reçu imprimeur qu’en 1758. uploads/Litterature/ cahiers-voltaire-vol-8-cv8-specimen.pdf

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