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http://www.utqueant.org Editions Carâcara - 1 - TRACTATUS DERADES G. VINCENT PROLOGUE1 L'excitation joyeuse qui prélude à quelque voyage commencé sous d'heureux auspices l'emportera toujours dans nos consciences sur l'angoisse de partir, sur la crainte des soucis futurs et l'impuissance où nous sommes de réunir toutes les conditions favorables. Malgré les désavantages probables, notre voyageur attend peut-être moins l'acomplissement exact d'un itinéraire qu'une rencontre imprévue. Et de plus, il s'est embarqué, confiant sa vie aux caprices des flots. Nous aussi, nous nous engageons de prime abord dans un domaine agréable, propice à la rêverie : le souvenir des débuts heureux, sert à atténuer les inquiétudes qui surgissent d'un horizon tourmenté. Une étude comparative des navigations imaginaires est longtemps restée inutile, vu la fascination commode qui entoure chacune d'elles. Vouloir les saisir ensemble, et comprendre leur essence, revient à ruiner cette brume artistique. Si aucune réflexion n'existe à ce propos, aucune assurance n'apparaît non plus de leur communauté. En somme, les conditions ne sont pas réunies pour un trajet aisé et protégé. Les autorités manquent, les bornes et les signaux sont absents et les tracés qui s'ouvrent vont modifier les opinions premières et le cortège des hypothèses légères. Tout cela s'accompagne d'hésitations, de remords, d'abattements, d'abandons ... Mais chacun de ces arrêts doit précéder un autre départ et son excitation joyeuse renouvelée. En effet, un "vide" existe, et sans avoir la présomption de le réduire, nous espérons au moins en signaler la présence. Que tous ces récits de navigations imaginaires n'aient pas été rassemblés et comparés, mérite l'attention en raison du poids culturel qu'ils ont dans chacun des pays où ils vinrent au jour. Mais est-ce là la question ? Nous ne saurions nous contenter de voir la littérature condamnée à être le "reflet" des sociétés, de leurs mentalités, l'expression de désirs et fantasmes retenus, mais nous n'avons pas non plus d'attirance à la regarder comme un jeu tourné sur soi, une citation infinie de fragments et miroitements littéraires, une célébration orgueilleuse de la Forme pour la Forme. Il faut parfois repartir des textes , débarrassés des gloses accumulées par les siècles pour redéfinir une origine oubliée. De même, ces récits pourraient donner naissance à une étude séparant le véridique de l'imaginaire mais l'intérêt en serait bien mince à considérer ce qu'ils nous proposent et qui nous paraît capital : une représentation de l'espace, une construction même. Or, notre histoire européenne, tant de la pensée que politique, s'instaure dans l'invention d'"espaces" qu'ils soient ceux de "l'au-delà", ceux des terres exotiques ou des nations, ceux de "l'agora" ou du "forum", soit autant de lieux à partager entre les hommes, et qui fondent une communauté. 1 Cet ouvrage reprend, en l’allégeant de l’”échafaudage” argumentatif, un travail universitaire (Thèse d’Etat). Seules la première et la deuxième partie sont ici proposées.Qu’elles rendent hommage à la mémoire de M. P. RAFROIDI. http://www.utqueant.org Editions Carâcara - 2 - Les principales règles que nous avons suivies renvoient à l'établissement de faits concordants, à l'usage de points de vue différents, à une constante redéfinition des termes ("imaginaire, au-delà"...) jusqu'à ce qu'ils se subdivisent et perdent de leur force englobante. L'on hérite souvent d'une problématique mal engagée par suite de termes et de concepts imprécis. Le "voyage imaginaire" en est un bel exemple avec son art de regrouper sans distinction aucune. Le plan adopté a donc ce mouvement : a) unifier un ensemble de récits de navigation, - exclure les autres récits ; b) au moyen de leurs représentations spatiales, classer ces récits, - diviser les concepts d'imaginaire et de rationnel; c) rapprocher ces analyses d’une théorie géométrique (la théorie des catastrophes) portant sur l'origine des formes - s'interroger sur la façon purement littéraire d'exprimer ces mêmes processus de morphogénèse ; d) établir enfin que ces textes littéraires permettent de conceptualiser des phénomènes intellectuels, historiques et culturels. En effet, ces récits de navigation exercent une telle fascination au cours des siècles que nous espérons en avoir trouvé quelques raisons. Une célébrité momentanée a des vertus qui s'estompent souvent peu à peu, tandis que nos navigations, même si l'on vient à affadir leur sens, demeurent un "obstacle" que tout créateur sérieux doit franchir : il doit se heurter à leur force d'investigation, contourner leurs inventions formelles, les "ingérer" et les faire siennes pour que son oeuvre se façonne. A cela s'ajoute le bénéfice irremplaçable de l'aide secrète et spirituelle que portent en elles ces navigations pour qui veut se plier à leur mouvement de découvertes. Per diversa loca Oceani ... http://www.utqueant.org Editions Carâcara - 3 - UNE ENQUETE COMPARATIVE http://www.utqueant.org Editions Carâcara - 4 - CHAPITRE I DES NAVIGATIONS, NI REELLES, NI IMAGINAIRES “Plumes errantes sur l’eau noire…” Amers Saint-John Perse. Parmi les récits de navigations, aussi nombreux soient-ils, il est d’abord nécessaire d’écarter toute une série d'oeuvres : journaux de bord, documentaires, oeuvres romanesques. Il s'agit de se priver de toute assise réelle, et vraisemblable, et donc de perdre une part du charme et de la force qui émanent de récits tournés vers ce monde-ci. Il suffit de voir combien instinctivement le critique et le lecteur cherchent dans un récit de voyage imaginaire à redonner une réalité géographique à certains périples, pour comprendre que cette exclusion n'est pas sans conséquence. Pourtant, nous éliminerons ces récits parce qu'ils peignent plus ou moins un monde réel, possible. L'autre versant, antithétique, concerne alors les oeuvres imaginaires . L'imaginaire, ainsi défini comme opposé au réel ou au vraisemblable, s'apparente à une liberté d'invention totale dans ce cas précis. C'est l'imagination débridée d'un Lucien ou d'un Rabelais, tous deux auteurs de navigations fantasques : le premier dans son Histoire Véritable nous avoue qu'"il est un point sur lequel je dirai la vérité, c'est que je raconte des mensonges" ; le second dans le Quart Livre use de même de sa liberté. On pourrait ajouter les voyages de Sindbad comme référence ancienne, et quelques récits de science-fiction pour plus de modernité. Le goût pour le fabuleux, le plaisir de l'aventure irréelle, l'amour du merveilleux, s'expriment dans ces oeuvres avec un bonheur plus ou moins grand. On ne demande au lecteur que de juger des prouesses inventives, du renversement des valeurs, du rythme et de la variété. Toutefois, ces oeuvres d'imagination, ces récits étranges de voyages sur des mers peuplées de merveilles, n'épuisent pas tout l'imaginaire. Ils n'en sont qu'une vision réduite où l'imaginaire est définie négativement, comme absence de contraintes, et non comme une activité régulée, structurant le monde. Un troisième groupe de navigations se laisse deviner : à mi-chemin entre une représentation réaliste (vraisemblable tout au moins) et une représentation imaginative (inventée et impossible). L'Odyssée peut servir d'exemple simple à notre propos : elle demeure romanesque et imaginaire, mais n'opte pas pour l'une des deux solutions exclusivement. Le héros connaît la mer, son itinéraire est possible, mais des monstres inquiétants interdisent trop de certitudes cartographiques. On ne sait si une géographie est autorisée ou non, elle est disponible mais non nécessaire. Ce caractère ambigu ne manque pas d'inconvénients : ni romancier, ni utopiste, l'auteur est resté sur sa réserve, n'est pas allé jusqu'au bout des possibilités offertes. Cette situation intermédiaire sera capitale puisque l'on peut se demander à quelle logique ou à quelle réalité correspond cette attitude, ce qui est signifié par là-même, si l'on accepte l'idée que le projet de l'écrivain n'est pas dû au seul souci de jouer sur les deux tableaux pour plaire à tous. Le simple fait que toute étude “centre” son domaine de recherche, peut-il expliquer la place que nous attribuons à ces navigations ? En fait, elle est intermédiaire, non centrale, au sens qu’elle confine deux autres domaines et en tire partie aussi, sans les déprécier ni les organiser. 1) Comme des emblèmes d’une époque … Ces navigations entretiennent avec le pays qui les a vu naître des liens privilégiés alors que leur projet essentiel ou leur récit correspond à un éloignement maximal des cités humaines. Là s'énonce un premier paradoxe : aller vers l'au-delà, rechercher l'ailleurs et l'inventorier, se détourner du quotidien et du possible, http://www.utqueant.org Editions Carâcara - 5 - sont autant de facteurs qui servent à ce qu'un pays s'identifie à une de ces oeuvres dont le but était d'échapper à cette emprise. Pourtant le doute n'est pas permis : si nous nous interrogeons sur l'expression qu'une civilisation (ou un pays, ou une société) laisse comme trace d'elle-même aux hommes, nous demandant quelle oeuvre littéraire la résume et la nourrit, nous serons frappés de constater que viennent à l'esprit, pour la plupart, les titres de navigations imaginaires. Le réflexe de l'opinion publique les désigne en général comme la quintessence des mentalités ou le témoignage le plus fidèle d'une époque, et l'idée sous-jacente à ce choix est contradictoirement d'estimer que l'oeuvre expose non seulement un monde particulier mais aussi une réflexion universelle et éternelle. La réunion de tous ces aspects n'est pas pour nuire à la célébrité de la navigation en cause. Une simple liste d'oeuvres très connues suffit. Si l'on veut grossièrement illustrer la civilisation grecque antique, uploads/Litterature/ carderades-navigations 1 .pdf

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