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HAL Id: hal-01115695 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01115695 Submitted on 14 Nov 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Vocabulaire et comprehension de textes : et si nous ne laissions à l’élève que la charge qui lui revient ? Sylvie Cèbe, Roland Goigoux To cite this version: Sylvie Cèbe, Roland Goigoux. Vocabulaire et comprehension de textes : et si nous ne laissions à l’élève que la charge qui lui revient ?. Spirale - Revue de Recherches en Éducation , Association pour la Recherche en Education (ARED), 2015, Supports et pratiques d’enseignement : quels risques d’inégalités ?, pp.119-136. ￿10.3406/spira.2015.1028￿. ￿hal-01115695￿ Cèbe, S., & Goigoux, R. (2015). Vocabulaire et compréhension de textes: si nous ne laissions à la charge de l’élève que celle qui lui revient ?. Spirale-Revue de recherches en éducation, 55(55), 119-136. 1 Vocabulaire et compréhension de textes : si nous ne laissions à l’élève que la charge qui lui revient ? Sylvie Cèbe & Roland Goigoux ÉSPE Clermont-Auvergne Laboraroire ACTé – Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand Concepteurs de supports didactiques, nous tentons de proposer aux enseignants des outils qui répondent à leurs besoins et à ceux de leurs élèves. Dans le domaine de la compréhension de textes, nous savons que les différences d’efficience entre élèves de milieux sociaux contrastés sont très fortes. Apparentes dès l’école maternelle, ces différences précoces se transforment souvent en difficultés scolaires, ces dernières touchant plus souvent les enfants de milieux populaires que leurs congénères favorisés. Ceci tient à la nature de l’activité de lecture qui requiert la coordination d’un ensemble complexe de compétences : des compétences de décodage (automatisation des procédures d’identification des mots écrits), des compétences linguistiques et textuelles (syntaxe et lexique ; énonciation, ponctuation, cohésion, genre textuel, etc.), des compétences référentielles (connaissances « sur le monde », connaissances encyclopédiques sur les univers des textes) et des compétences stratégiques c’est-à-dire la régulation, le contrôle et l’évaluation que l’élève fait de son activité de lecture (Cèbe & Goigoux, 2009 ; Goigoux, 2003). Par conséquent, elles sont toutes potentiellement à la source des difficultés constatées (Giasson, 2012 ; Yuill, & Oakhill, 1991). Mais dans le cadre de cet article, nous ne traiterons que l’une d’entre elles, probablement la plus décisive pour les enjeux de démocratisation : le vocabulaire. Nous montrerons comment la conception d’un outil didactique exige une analyse a priori des causes et des effets de ces difficultés inventoriées par les recherches en psychologie et en didactique. 1. Lexique et compréhension : une interdépendance Quand les enseignants doivent se prononcer sur les causes principales des difficultés de leurs élèves, c’est le vocabulaire qu’ils mentionnent en premier. À juste titre : Hirsch (2003) a montré qu’un élève performant en première année d’école primaire connaît deux fois plus de mots qu’un élève faible et que cet écart s’accroît, jusqu’à doubler, tout au long de la scolarité primaire. En effet, le déficit lexical observé chez de nombreux élèves n’est pas seulement la cause de leurs difficultés de compréhension, il en est aussi la conséquence (Anderson et al., 1977 ; Beck et al., 1982 ; Wagner, 2005). Lorsque les élèves ont du mal à comprendre les textes, ils ne parviennent pas à profiter de leurs lectures pour enrichir leur vocabulaire ; de surcroît, mal à l’aise, ils lisent moins et ont donc moins d’occasions d’acquérir de nouveaux mots (Lane & Allen, 2010 ; Pullen et al., 2010 ; Stahl, 2003 ; Stanovich & Cunningham, 1993 ; Wise et al., 2007). Bref, en lecture aussi, les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent (Stanovich, 1986). Si vocabulaire et compréhension en lecture entretiennent une relation de réciprocité, Cèbe, S., & Goigoux, R. (2015). Vocabulaire et compréhension de textes: si nous ne laissions à la charge de l’élève que celle qui lui revient ?. Spirale-Revue de recherches en éducation, 55(55), 119-136. 2 comment expliquer cependant l’origine des différences lexicales constatées avant le début de l’apprentissage de la lecture ? 2. Des pratiques parentales différentes et différenciatrices La recherche longitudinale menée par Hart et Risley (1995, 2003) démontre l’influence du milieu social sur le développement du vocabulaire dès le plus jeune âge. Les auteurs ont enregistré les échanges langagiers dans quarante-deux familles (13 de milieux favorisés, 23 de milieux populaires et 6 vivant de l’aide sociale) à raison d’une heure par mois, et ce, pendant deux ans et demi (les enfants étant âgés de sept mois à trois ans). À l’âge de trois ans, les différences entre enfants sont importantes (d’où le titre de l’article The early catastrophe). Ceux qui appartiennent à un milieu favorisé emploient, en moyenne, 1100 mots, ceux du second 700 et les derniers, 500. Mais l’expérience langagière des enfants ne diffère pas seulement en termes de nombre de mots entendus : la nature et la qualité des échanges langagiers ainsi que la fréquence et la variété des lectures que les enfants partagent avec leurs parents exercent également un effet différenciateur sur le développement du langage oral à la fois sur le versant du vocabulaire (en réception et en production) et de la syntaxe (Biemiller & Slonim, 2001 ; Sénéchal et al., 2008). Toutefois, la recherche menée par Tamis-LeMonda & Rodriguez (2011) portant sur 1852 familles de milieux populaires et leurs enfants (âgés de 15, 25, 37 puis 63 mois) révèle, au sein de ce groupe, une très forte variabilité, certains enfants disposant d’un lexique très étendu. Il faut donc se garder de toute généralisation abusive. Il ne faut pas non plus négliger le fait que les enfants de milieux populaires bénéficient, chez eux, de transmissions culturelles moins « légitimes », mais qui se révèlent très utiles pour la compréhension en lecture : celles touchant à la « grammaire des histoires » – pour reprendre l’expression de Xu (2002) –, qu’ils apprennent grâce aux dessins animés qu’ils regardent sur écrans, vont s’avérer tout à fait transposables pour extraire la structure narrative des textes. On peut faire l’hypothèse qu’il en va de même pour le vocabulaire. En résumé, si certains auteurs nous alertent sur une trop rapide association entre élèves de milieux populaires et déficit langagier, d’autres nous invitent à garder en tête que tous les enfants n’entrent pas à l’école avec les mêmes dispositions à l’égard du langage ni les mêmes connaissances lexicales. Mais, comme on va le voir à présent, les différences n’ont pas le même poids selon l’âge et le niveau scolaire des élèves. 3. Des difficultés tardives, en apparence 3.1. L’effondrement des performances des élèves de milieux populaires au CM1 ? On a coutume de lire que le nombre d’élèves qui rencontrent des difficultés en lecture croît au cours de l’école primaire. Les évaluations nationales françaises confirment partiellement cette opinion. Celle de CE1 de 2011, par exemple, fait apparaître que 7 % des élèves ont des acquis insuffisants et 14 % des acquis encore fragiles quand, en CM2, ils sont 7 % à se ranger dans la première catégorie, 19 % dans la seconde. Ces données sont congruentes avec celles que Chall, Jacobs et Baldwin (1990) avaient utilisées aux États-Unis, il y a plus de vingt ans, pour alerter l’opinion publique sur ce qu’ils appelaient the fourth-grade slump désignant ainsi l’effondrement des performances en lecture en 4e année qui touchait essentiellement les élèves de milieux populaires. Toutefois plusieurs chercheurs soutiennent que cette chute des performances n’en est pas Cèbe, S., & Goigoux, R. (2015). Vocabulaire et compréhension de textes: si nous ne laissions à la charge de l’élève que celle qui lui revient ?. Spirale-Revue de recherches en éducation, 55(55), 119-136. 3 véritablement une : il s’agirait seulement de la mise au jour de difficultés préexistantes, mais non détectées en raison de la nature des épreuves. C’est aussi la conclusion à laquelle nous arrivons : tant que l’évaluation porte sur le déchiffrage et la compréhension de textes simples, une bonne partie des difficultés des élèves reste silencieuse ; mais dès que les textes se complexifient et que le nombre de connaissances et de compétences requises pour comprendre augmente, elles apparaissent à grand fracas (Adlof et al., 2011). Mais alors, qu’est-ce que la compréhension ? Paraphrasant Binet interrogé sur sa définition de l’intelligence, nous pourrions répondre : c’est ce que mesure l’outil d’évaluation choisi. Dans l’étude de Keenan, Betjeman et Olson (2008), plusieurs épreuves utilisées pour évaluer la compréhension écrite d’élèves entre 8 et 18 ans sont comparées. Certaines sont des tests de closure (textes dans lesquels il faut deviner des mots masqués), d’autres des épreuves de rappel, d’autres enfin des questionnaires incluant des questions inférentielles. L’étude montre que les corrélations entre ces tests sont modestes, ce qui signifie qu’ils n’évaluent pas les mêmes compétences. De plus, l’examen des analyses de uploads/Litterature/ cebe-amp-goigoux-vocabulaire-amp-comprehension-spirale55.pdf

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