Actes de la recherche en sciences sociales Les usages sociaux de la lecture Mon
Actes de la recherche en sciences sociales Les usages sociaux de la lecture Monsieur Gérard Mauger, Madame Claude Poliak Citer ce document / Cite this document : Mauger Gérard, Poliak Claude. Les usages sociaux de la lecture. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 123, juin 1998. Genèse de la croyance littéraire. pp. 3-24; doi : https://doi.org/10.3406/arss.1998.3252 https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1998_num_123_1_3252 Fichier pdf généré le 22/03/2019 Abstract The social uses of reading. Far from revealing a gamut of reading practices that could be ranked with respect to the ideal reading performed by an accomplished reader, the study shows a series of practices that can be broken down into three categories : pleasure reading (« reading for the sake of escape »), didactic reading (« reading for the sake of learning ») and salutary reading (« reading for the sake of self-perfection »), none of which is the same as esthetic reading (« reading for the sake of reading »). By looking at the informants' intentions, motives, stated reasons, but also at their actual practices, the author attempts to bring out the interests which, apart from esthetic pleasure, incite all readers who - in the absence of the requisite conditions - remain inaccessible to «pure pleasure », the uses to which they put their readings, the effects they hope for. These « interests in reading » stem from the informants' background and their position in the social space, from their cultural and educational resources, from their professional occupation, from their socially constituted sexual identity. The uncovering of the social uses of reading and their underlying interests contributes to a fuller explanation of the social distribution of reading practices. Résumé Les usages sociaux de la lecture. Loin de révéler un nuancier de pratiques de lecture qu'il serait possible d'ordonner par rapport à la lecture idéale du lecteur accompli, l'enquête met en évidence un répertoire de pratiques qu'il est possible de classer en trois catégories : lectures de divertissement (lire « pour s'évader »), lectures didactiques (« lire pour apprendre ») et lectures de salut (« lire pour se parfaire »), toutes irréductibles à la lecture esthète (« lire pour lire»). À travers l'étude des intentions, des motifs, des raisons déclarés, mais aussi des pratiques des enquêtes, il s'agissait de mettre au jour les intérêts qui, en dehors du plaisir esthétique, portent à lire tous ceux qui - faute des conditions requises - restent inaccessibles au « plaisir pur », les usages qu'ils font de leurs lectures, les effets qu'ils en attendent. Ces « intérêts à la lecture » trouvent leur principe dans leur histoire et leur position dans l'espace social, dans les ressources culturelles et scolaires détenues, dans les positions professionnelles occupées, dans les identités sexuelles socialement constituées. La mise au jour des usages sociaux de la lecture et des intérêts qui les sous-tendent permet alors de mieux rendre compte de la distribution sociale des pratiques de lecture. Resumen Los usos sociales de la lectura. En esta investigación no se prétende desplegar un muestrario de prácticas de lectura, ordenándolas para compararlas luego con la lectura ideal de un lector consumado. Si se presenta un repertorio de prácticas que pueden clasificarse en tres categorías : lecturas de entretenimiento (« leer para distraerse »), lecturas didácticas (« leer para aprender ») y lecturas de salvación (« leer para superarse »), todas elles irreductibles a la lectura del esteta (« leer por la lectura en si »). A través del estudio de las intenciones, las razones y los motivos expuestos por las personas interrogadas, como también de sus prácticas, se trata de descubrir cuáles son los intereses que, independientemente del placer estético, conducen a leer a quienes -por falta de condiciones necesarias- permanecen sin tener acceso al « placer puro », que uso hacen de sus lecturas y que resultados esperan. La historia personal de los lectores, su posición en el espacio social, los recursos culturales y de escolarización, así como la posición profesional que ocupan y la identidad sexual socialmente constituida, explican tales « intereses por la lectura ». Poner de manifiesto los usos sociales de la lectura y los intereses que les sirven de sustento permite entonces reflejar mejor la distribución social de las prácticas de lectura. Zusammenfassung Soziale Lesegebräuche. Nicht etwa eine durchgehende, in bezug auf ein ideales Leseverhalten des perfekten Lesers abstufbare Skala von Lesepraktiken bringt die Untersuchung ans Licht, sondern eine in drei Kategorien gleichrangig zu klassifizierende Palette dieser Praktiken : Lektüren zur Entspannung (lesen « um zu träumen ») didaktische Lektüren (lesen « uni zu lernen ») und Heilslektüren (lesen, « um sich zu vervollkommnen »), keine unter ihnen auf eine rein ästhetische Lektüre (« lesen um des Lesens willen ») reduzierbar. Bei Betrachtung der Absichten, Motive, erklärten Gründe, sowie des tatsächlichen Verhaltens der befragten Personen sollten die Interessen ausgemacht werden, die über das ästhetische Vergnügen hinaus, Veranlassung zum Lesen all denen geben, die nicht - wie befundlich festgestellt - ausschließlich dem « reinen Vergnügen » zugerechnet werden können, sowie die praktischen Folgen dieses Lesens und die von ihm erhofften Wirkungen. Solche « Leseinteressen » sind prinzipiell in ihrer Geschichte, ihrer Position im sozialen Raum, in den kulturellen und bewahr-ten schulischen Hilfsquellen, in den erlangten beruflichen Positionen und in den sozial etablierten sexuellen Identitäten begründet. Die Offenlegung des sozialen Gebrauchs der Lektüre und der sie bewegenden Interessen erlaubt so bessere Einsichten in die soziale Verteilung des Leseverhaltens. Gérard Mauger et Claude F. Poliak LES USAGES SOCIAUX DE LA LECTURE oute enquête sur les pratiques de lecture a pour vertu première de dissiper la double illusion constitutive de l'ethnocentrisme lettré : celle qui, universalisant inconsciemment la lecture de lector, tend, sinon à créditer tous les lecteurs de cette pratique savante, du moins à ordonner toute lecture par rapport à celle des herméneutes professionnels et l'illusion corrélative qui universalise tout aussi inconsciemment les conditions sociales de possibilité de cette lecture lettrée. En effet, loin de révéler un nuancier de pratiques de lecture qu'il serait possible d'ordonner par rapport à la lecture idéale du lecteur accompli, l'enquête1, outre qu'elle montre la rareté de cette « lecture pure » y compris chez des lecteurs professionnels, conduit à mettre en évidence un répertoire des pratiques de lecture qu'il est possible de classer en trois catégories : lecture de divertissement (lire « pour s'évader »), lecture didactique (« lire pour apprendre ») et lecture de salut (« lire pour se parfaire »), toutes irréductibles à la lecture esthète (« lire pour lire »). Usages ordinaires de la culture écrite engendrés par sa diffusion élargie, qui trouvent leur principe dans les ressources culturelles et scolaires des lecteurs « ordinaires » , dans les positions professionnelles qu'ils occupent, dans leurs identités sexuelles socialement constituées et les intérêts qui en sont solidaires2. Usages disqualifiés par les détenteurs de la légitimité culturelle qui les apprécient à l'aune de la lecture esthète. L'idée même que la lecture puisse être fonctionnelle, servir à quelque chose, qu'il s'agisse d'évasion, d'apprentissage ou même de salut culturel, suffit en effet à discréditer ces lectures au premier degré. À la lecture « pure » de l'esthète s'opposent par leur absence de distance, leur caractère intéressé, tant la lecture de divertissement, « plaisir sans pensée du naïf » , « plaisir sensible réduit à un plaisir des sens » 3 que la lecture didactique vouée à l'acquisition méthodique et sérieuse de connaissances destinées à en faire 1 — Réalisée avec B. Pudal, dans le cadre d'une convention de recherche avec l'observatoire France Loisirs de la lecture, l'enquête se proposait de reconstituer des « histoires de lecteurs » et d'en rendre raison sociologiquement. Après avoir exposé l'objet de l'enquête et son scénario, les enquêteurs demandaient aux enquêtes de leur présenter « leur bibliothèque » {i.e. l'ensemble des écrits présents dans l'espace domestique), puis de répondre à un questionnaire qui comprenait trois parties : la première portait sur la trajectoire biographique de l'enquêté et sur son itinéraire de lecteur, la deuxième sur les logiques d'acquisition, d'accumulation, de prescription et de circulation du livre, la troisième sur les usages de l'écrit et les manières de lire. Suivaient un relevé topographique et un inventaire de la bibliothèque. Une première analyse de l'ensemble des matériaux recueillis préparait les entretiens qui clôturaient l'enquête. Compte tenu de l'ampleur et des multiples facettes des investigations entreprises, l'échantillon, aussi contrasté que possible, tant du point de vue des pratiques de lecture que des caractéristiques socioprofessionnelles (niveau de diplôme, position professionnelle, domaine d'activités), était constitué de dix-huit familles appartenant à une même génération (40-50 ans). 2 - Les « intérêts à la lecture » et les usages sociaux de la lecture qu'ils induisent apparaissent, disparaissent, changent au fil des trajectoires, les goûts évoluent, les pratiques se transforment au fil des expériences, des rencontres, des succès, des échecs, des réflexions qu'ils suscitent : les scénarios sont variables, les variations sont quantitatives et qualitatives. La reconstitution socio-logique d'itinéraires de lecteurs passe par l'analyse des cumuls et des conversions d'intérêts et de pratiques (liées au passage de l'école à la uploads/Litterature/les-usages-sociaux-de-la-lecture-mauger-gerard-poliak-claude.pdf
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- Publié le Jan 29, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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