La pédagogie inclusive : conception universelle de l’apprentissage Par Isabelle

La pédagogie inclusive : conception universelle de l’apprentissage Par Isabelle Senécal Recherche : Cathy Brazeau Collaboration : Isabelle Quirion 2 Rendre l’apprentissage accessible à tous Nous avons la responsabilité en tant qu’école d’aider les élèves à comprendre comment ils apprennent. Ainsi, nous leur donnons le pouvoir de prendre en main leur apprentissage, de devenir autonomes et persévérants, et nous leur permettons de défendre leurs intérêts tout au long de leur parcours scolaire, mais aussi de leur vie. Certains élèves vivent des difficultés passagères, alors que d’autres doivent composer avec leurs défis de façon permanente : anxiété, stress, manque de confiance en soi, déclin de motivation, évènement éprouvant, situation familiale particulière, trouble de l’attention, dyslexie, trouble du spectre de l’autisme, etc. Ces obstacles peuvent nuire à l’apprentissage et doivent être pris en considération afin que les jeunes qui y sont confrontés soient en mesure de poursuivre leurs apprentissages au même titre que les autres, et ce, peu importe leurs particularités d’apprentissage. Apprendre à apprendre demande l’encadrement de professionnels qui possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour guider les jeunes à travers ce processus exigeant, incluant ceux qui sont aux prises avec des difficultés. Depuis plusieurs années, le milieu de l’éducation tente de répondre aux besoins particuliers des élèves ayant des difficultés. Grâce aux efforts et à la créativité d’éducateurs passionnés, tout un éventail de mesures d’aide peut être mis en place à l’école durant les cours réguliers mais, également, en situation d’évaluation. Nous sommes actuellement témoins d’une forte croissance du nombre d’élèves dont les besoins requièrent une attention particulière, des stratégies pédagogiques flexibles, des mesures adaptatives. Le personnel des écoles consacre temps et énergie afin de rendre l’enseignement et l’apprentissage accessibles à tous, mais combien de temps cela va-t-il « tenir »? Les façons de faire actuelles demeureront-elles viables encore longtemps? Comment pouvons-nous favoriser l’inclusion tout en étant justes et équitables envers l’ensemble des apprenants? La conception universelle de l’apprentissage (CUA), une posture pédagogique qui vise la réussite de tous les élèves, tout en maintenant des attentes élevées, pourrait bien être la réponse à ces questionnements. Qu’est-ce que la CUA? Un ensemble de principes liés au développement du curriculum qui favorise les possibilités d’apprentissage égales pour tous les individus. La pédagogie universelle offre un canevas pour la création de buts, de méthodes, d’évaluations et de matériel éducatif qui fonctionnent pour tous les individus. Il ne s’agit pas d’un modèle unique qui s’applique à tous, mais plutôt d’une approche flexible qui peut être faite sur mesure ou ajustée pour les besoins de l’individu (Rose et Meyer, 2002 ; traduction libre : Bergeron, Rousseau et Leclerc, 2011). 3 D’où vient donc la CUA? « La CUA s’inspire de la conception universelle (universal design) mise au point en architecture, qui propose de s’assurer dès la conception qu’un lieu ou un équipement sera accessible à tous » (Cavenaghi et Senécal, 2017). Par exemple, une rampe d’accès qui répond à diverses situations de mobilité réduite (béquilles, chaises roulantes et poussettes) ou, encore, le sous-titrage qui peut être utile en salle d’entraînement aux gens qui ont des horaires différents, aux personnes malentendantes ou simplement pour l’apprentissage d’une nouvelle langue. L’expression « rampe cognitive », que l’on attribue à Kame’enui et Simmons (1999), traduit bien comment la conception universelle peut s’appliquer en éducation. Quant à eux, Hall, Meyer et Rose (2012) soulignent que la différence en éducation, c’est que l’accent est mis sur l’apprentissage : « The principles central to UDL reflect that focus: They address the dynamic processes of teaching and learning » (ibid., 2012). Une posture bienveillante Les approches inclusives considèrent que nous pouvons modifier des aspects de l’environnement pour éliminer certaines barrières qui seraient très souvent la cause du handicap. L’environnement scolaire peut être révélateur de handicaps (Paul Turcotte, 2015) ou même en être la cause au même titre qu’un étudiant en fauteuil roulant n’ayant pas accès à une porte automatique. Nous pourrions nous demander si ce ne sont pas nos classes qui placent les étudiants en situation de handicap. Prenons, par exemple, la situation d’un étudiant éprouvant des difficultés de lecture (peu importe la raison : dyslexie, problème de vision, manque d’intérêt pour la lecture, fatigue, perte de concentration, etc.) le simple fait d’identifier clairement l’intention de lecture, les grandes lignes du texte pour donner le contexte et d’offrir la possibilité de lire le texte en version électronique répond à une grande variété de besoins tous liés à la situation de lecture. Celui-ci, dans ce contexte, pourrait grossir les caractères pour mieux lire, utiliser une synthèse vocale pour aider à rester concentré et décoder les lettres plus aisément ou tout simplement être motivé davantage à lire en connaissant les raisons qui motivent la lecture. Les autres étudiants bénéficient aussi de ces stratégies créant un environnement scolaire plus inclusif où tous les étudiants y gagnent, même le professeur. 4 Les mythes de la CUA Voici quelques mythes concernant la CUA identifiés par Tremblay, Raymond et Henderson (2014), Turcotte (2017) et Nelson (2014) ainsi que quelques explications qui aident à clarifier ces incompréhensions : Appliquer la CUA, c’est plus de travail Dès la première planification, l’enseignant gagnera du temps, car il y aura moins d’accommodements individuels à faire avec la CUA. À titre d’exemple, le temps supplémentaire, qui n’est plus nécessaire pour les évaluations (Turcotte, 2017). Tremblay, Raymond et Henderson (2014) relèvent qu’il y aurait même, d’après Bergeron, Rousseau et Leclerc (2011), une diminution du stress chez les enseignants. Ceci serait dû au fait que les moyens CUA sont planifiés dès la conception. On risque d’abaisser le niveau Selon Tremblay, Raymond et Henderson (2014), la CUA permet plutôt d’ajuster les méthodes et les défis pédagogiques aux habiletés de chacun. Il s’agit d’une approche qui rend les apprentissages accessibles et qui favorise la participation des tous les apprenants, tout en maintenant des attentes élevées. Les élèves, n’ayant plus honte de la façon dont ils apprennent, se voient dorénavant comme des apprenants (McClaskey et McKay, 2017); ils sont donc plus aptes à apprendre. Ce n’est que de la technologie Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, la technologie est centrale à la CUA, car elle augmente l’accessibilité et réduit les barrières. Omniprésente en éducation, la question n’est plus de nous demander si nous devons l’utiliser ou pas (Bergman in IRN-UDL, 2017), mais plutôt de voir comment s’en servir pour optimiser les apprentissages. Tremblay, Raymond et Henderson (2014) estiment que la technologie n’est qu’un instrument de la CUA, pas le fondement. De plus, « [t]ech can enhance lessons, but UDL helps teachers look at all available resources, including no-tech or low-tech options, and identify new ways to find them » (Nelson, 2014). Ça implique de changer toutes nos méthodes Plusieurs approches pédagogiques en lien avec la CUA se pratiquent déjà, affirment Tremblay, Raymond et Henderson (2014). Le fait de réexaminer ses méthodes et ses outils pédagogiques permet aux enseignants de voir comment ce qu’ils font déjà très bien peut être bonifié de manière à répondre aux principes inclusifs du design universel en éducation. Il n’y a pas de recherche derrière la CUA La CUA s’appuie sur la recherche sur le cerveau et d’autres données empiriques. Pour un aperçu de la recherche qui se trouve derrière les principes de la CUA, les lignes directrices, les points de vérification, explorer les articles du National Center on UDL au http://www.udlcenter.org/research/researchevidence [traduction libre] (Nelson, 2014). Ce site nous présente les résultats d’un processus, dirigé par les éducateurs et les chercheurs de CAST, qui s’est étalé sur une dizaine d’années. 5 La diversité des apprenants : une réalité dans nos classes La recherche nous apprend qu’il n’y a pas d’apprenant unique (ou moyen), et que les enseignants doivent tenir compte de l’hétérogénéité cognitive de leurs élèves afin d’optimiser l’apprentissage pour chacun d’entre eux. Gardons en tête que la diversité est dorénavant la norme. À quoi fait-on référence exactement? En voici quelques manifestations : • Variabilité dans leur développement • Forces, aptitudes, talents, habiletés • Besoins, intérêts, préférences • Perspectives, contextes, expériences • Cultures, religions, situations familiales • Performances scolaires • Difficultés, troubles et handicaps, incluant les invisibles (stress, anxiété, fatigue, épuisement, etc.) Attention aux neuromythes! Nous aimerions attirer votre attention sur trois éléments souvent considérés comme des facteurs clés en éducation lorsqu’il s’agit de l’unicité des apprenants : les styles d’apprentissage, la dominance hémisphérique et les intelligences multiples. Lors d’un webinaire, organisé par les Partenaires pour la réussite éducative en Chaudière-Appalaches (PRÉCA), Steve Masson, professeur et directeur du Laboratoire de recherche en neuroéducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a fait la démonstration que les styles d’apprentissage qui impliquent que « [l]es personnes apprennent mieux quand elles reçoivent l’information dans leur style d’apprentissage préféré (auditif, visuel, kinesthésique, etc.) » sont en fait un neuromythe. Il a également explicité qu’il en est de même pour la théorie voulant que « les différences au niveau de la dominance hémisphérique (cerveau gauche, cerveau droit) (…) [puissent] expliquer les différences entre les apprenants » ainsi que pour l’existence des intelligences multiples (Masson, 2017). Qu’est-ce qu’un neuromythe? « uploads/Litterature/ conception-universelle-apprentissage 1 .pdf

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