plateforme CAISSES d’après Christophe Tarkos (éditions P.O.L) Mise en scène : T

plateforme CAISSES d’après Christophe Tarkos (éditions P.O.L) Mise en scène : Thierry Bordereau Spectacle créé en 2008 en tournée la saison prochaine Coproduction Théâtre Dijon-Bourgogne, centre dramatique national Festival Why Notes, Dijon Plateforme Locus Solus, Lyon 2 CAISSES, qu’est-ce ? CAISSES, c'est une rêverie sur l'Homme. Les yeux se ferment, les corps se détendent, les oreilles écoutent, les yeux se rouvrent et tout un monde remonte à la surface : des caisses, des photos, des petites histoires, des gens, des caisses, un projecteur diapo, une grosse caisse en bois, un scanner, des histoires drôles, des projections sur une nappe, des histoires amères, un cercueil, des numéros étranges, des cuites, des caisses encore, un peu d'humour noir, une vache qui rumine comme il faut ruminer sa langue pour continuer de la faire travailler, un hypothétique voyage en caisse, une invitation comme un rendez- vous manqué, deux chaises sorties d’une caisse, des outils, des petites architectures existentielles, un marteau, des fragments d'humanité, des fragments d'existence – parce que les existences ne sont rien d’autre que ces assemblages précaires, ces mobiles suspendus au dessus du vide… Thierry Bordereau 3 « Je fume, la fumée s’échappe, la fumée sort, la fumée me sort de la tête, ma tête laisse échapper de la fumée, je laisse échapper de la fumée au- dessus de ma tête, ma chaleur part en fumée, une fumée monte du dessus de ma tête dans le ciel, je fume, je fume en l’air, ma tête est trouée, de la fumée monte dans le ciel me sort de la tête, je ne veux pas la retenir, je la laisse, je la laisse s’échapper, qu’elle s’échappe, monte dans le ciel, je me laisse faire, c’est toutes mes forces, c’est ma chaleur, c’est ma vitalité, elle part dans le ciel, je n’arrête pas de fumer, je fume comme une cheminée, la fumée s’élève dans le ciel, adieu ma fumée, fais un beau voyage, je fume, la fumée me sort de la tête, va vers le ciel, elle ne s’arrête jamais, il y a un trou dans ma tête, la fumée me sort de la tête et s’envole dans le ciel perdue à jamais, ma chaleur m’échappe, que la fumée parte et s’élève dans le ciel, que je m’échappe, que la chaleur sorte par le dessus de ma tête, qu’elle parte en fumée, je pars en l’air, je fume dans le ciel, ma chaleur part, je te laisse partir, je me vois partir en fumée dans le ciel, au revoir moi. » 4 quand les objets fabriquent l’histoire À jardin, un mur de caisses. Une centaine de petites caisses en plastique gris, pleines de… De quoi ? Des bouts, des traces, des choses utiles ou futiles qui se révèleront peu à peu. À cour, une longue caisse en sapin brut : cercueil ? Phare ? Cabine ? Scanner ? Trésor ? Un peu tout à la fois. Et dans cette caisse : d’autres caisses en bois, une table, des chaises… Comme des poupées russes, ces objets se dévident, se démultiplient, changent d’aspect et de sens – et finissent par raconter l’histoire… Car elle est là, l’histoire : dans cet espace qui prend corps, dans ces objets qui prennent vie et agissent sur ce personnage qui croit les manipuler. Comme si c’était eux qui décidaient, eux qui donnaient la vie ou la mort. Une histoire alors un peu aléatoire et poétique : des rencontres ? Un enterrement ? La famille ? La maladie ? La nostalgie ? Une vie étrange qui se tisse au fil des objets : l’histoire de l’être humain, en somme. parler à l’autre L’histoire est là, aussi : chaque texte est un fragment, un indice qui permet petit à petit de reconstituer une vie. À mesure qu’ils sont dits, une histoire se dessine. Mais cette parole finit elle aussi par s’échapper... Comme si l’homme qui parle n’en était pas conscient : c’est presque malgré lui que sa parole, cocasse, naïve, obsédante, sort de sa bouche et tresse son histoire délirante. Lui, il ne fait qu’observer, interroger le monde. Et s’adresser au public. Sans cesse. Comme si c’était vital. Sans le public, il tombe, il meurt. Comme une marionnette, comme un clown. Alors, sans quitter leur siège, les spectateurs deviennent les partenaires principaux du jeu. Investis d’un rôle : l’ami, le confident, le meurtrier, l’amant… ils deviennent acteurs d’une relation qui les touche, responsables d’une vie qui se déploie sous leurs yeux. 5 La matière-lumière : Ici les objets concrets sont l’argile d’une vie qui se crée, ou se remémore. Caisses en plastique, papier, bois brut, métal – matières pauvres : on est dans un univers que l’on pourrait qualifier de « ready-mentaire » (contraction de rudimentaire et des ready-made de Marcel Duchamp). La poésie du spectacle naît de cette esthétique du jeu et de la bricole, comme un enfant avec son mécano, comme Tarkos avec les mots de notre langue. Mais au-delà de la matière il y a la lumière : intrigante, inattendue, elle jongle avec le halo et le trait, avec l’estompe et la rayure. Une lumière qui parle, qui dit. Montrant un objet, effleurant une matière, donnant son avis. Comme un jugement supérieur. Une intelligence qui dépasse ce bas monde de la matière. Et comme une métastase de la lumière : l’image projetée. D’une part les diapositives – gens, paysages, choses anodines et pathétiques que le personnage essaie de rendre intéressantes. En vain. Et d’autre part, au loin, au fond de l’espace noir : le film. Une vache gigantesque, omniprésente. Une vache qui rumine, qui regarde, qui surveille, au ralenti. Comme une puissance suprême et menaçante. Un dieu effrayant. La musique : sur le fleuve La musique est jouée sur scène : le musicien « fabrique » avec sa basse des textures musicales qui sont samplées, travaillées et remixées en direct. Sons concrets répétés à l’infini, déformés, fondus en nappes, vibrations spatiales… et soudain une petite mélodie reprise en boucle : on passe du sombre au vif, de l’inquiétant au joyeux. C’est plus qu’un paysage sonore : c’est un fleuve mystérieux qui nous enveloppe, un Achéron dont les flots nous portent vers un destin étrange. On n’est pas loin du voyage de « Dead Man » de Jarmusch. Tantôt discrète et tantôt tonitruante, la musique est toujours là. Le musicien aussi : présence intrigante, en écoute, en regard, penché sur ses machines bizarres. Et qui de temps en temps vient s’infiltrer dans la vie de l’autre : voisin ? ami ? docteur ? assassin ? Puis repart, mystérieux, diriger sa barque, la musique de notre destin. Tel un Charon qui nous emporte… 6 Sur le texte Un homme parle. Ou plutôt un homme bafouille. Il part d’un mot, d’une phrase, se répète, hésite, reprend, cherche, recommence. Il tire le fil, et c’est à chaque fois tout un écheveau emmêlé qui lui saute au visage. Alors le fil des mots devient obsession : il creuse dans le langage, il plonge, il fouille, comme pour tenter d’en trouver le sens : le nœud, le bout du fil, le mot qui manquait. Le mot qui surgit. Et qui rompt le fil, comme un couperet. Le texte comprend 69 poèmes, nous en avons choisi une trentaine. Chaque morceau possède son lexique, sa structure, son humeur, sa musique. Et surtout son obsession : le nuage, la théière, la mort, la voiture, la gueule, la fumée, le trou, la douceur des mains, la cervelle… Autant de divagations faussement naïves et pleines d’un humour pince- sans-rire. Cet assemblage totalement hétéroclite finit par prendre un sens : peu à peu il compose le paysage mental d’un homme. Portrait d’un cerveau malade, doublement malade. Dont les cellules prolifèrent et dégénèrent (comme la tumeur qui tua Tarkos), et dont les neurones eux aussi se dérèglent, se répètent, s’enrayent. L’air de rien, ce texte raconte la folie, la vie qui bruit encore et la mort qui approche. 7 « Sur un coussin sur un sofa. Un coussin sur les coussins du sofa. Un petit coussin, on peut dire un coussinet. Un coussin à peu près marron sur le sofa. Un bon coussin en fin de compte. Avec tout ce qu’il faut à un coussin pour faire un bon cous- sinet rectangle. Un coussin rebondi… » « La vraie vie est d’avoir une voiture amie vivre est vivre avec une voiture amie il est vrai que la vraie vie est d’avoir avec soi une voiture une voiture amie que c’est vivre en vie avec une voiture amie de vivre avec… » « Je vis parce qu’il est agréable de vivre. Je sais pourquoi je vis. Je vis parce que cela me fait plaisir. J’ai bien vu que c’est agréable d’être vivant, qu’il y a des plaisirs. Si je suis en vie, c’est que je trouve qu’il est agréable de vivre, ainsi j’ai décidé de vivre… » 8 Notes sur l’auteur « Tarkos est de ceux qui sont le plus visiblement en train d’accoucher sous nos yeux une part du nouveau de l’époque uploads/Litterature/ chirstophe-tarkos.pdf

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