Author: Meillon, Bénédicte Title: Voulay-vous éc(h)opoétizay aveck moy ? ©Ecozo

Author: Meillon, Bénédicte Title: Voulay-vous éc(h)opoétizay aveck moy ? ©Ecozon@ 2020 ISSN 2171-9594 16 Vol 11, No 2 Voulay-vous éc(h)opoétizay aveck moy ? Bénédicte Meillon Université de Perpignan Via Domitia, France benemeillon@gmail.com DOI: HTTPS://DOI.ORG/10.37536/ECOZONA.2020.11.2.3502 Résumé L’émergence d’un vif intérêt en France pour l’écocritique prête à débat quant à de potentielles spécificités françaises dans ce champ d’études. Nombre d’universitaires francophones se sont emparés du terme « écopoétique ». Certain.es revendiquent une attention plus fine portée à la texture poétique de la littérature, contrairement aux anglophones qui resteraient selon eux plus focalisés sur des aspects idéologiques et thématiques de la littérature environnementale. En m’appuyant sur ma propre expérience liminaire en tant qu’universitaire bilingue et biculturelle, et ayant été formée aux études anglophones à l’Université française mais avec un socle de lectures émanant surtout sur la culture anglophone, je propose ici un essai sous forme de récit, où j’entretisse les divers fils culturels avec lesquels j’ai appris à composer. Je cherche ainsi à démêler les influences multiculturelles enchevêtrées dans mes travaux de recherche en écopoétique et écoféminisme, autre courant écocritique qui fut largement ignoré en France, soudain en vogue aujourd’hui. En outre, cet essai dessine certaines des tendances et initiatives récentes et pionnières en France qui rassemblent les universitaires et divers réseaux autour de l’écocritique francophone, actuellement en plein essor. Pour finir, j’éclaire certains des travaux entrepris au sein de l’atelier d’écopoétique, d’écocritique et d’écoanthropologie de l’Université de Perpignan Via Domitia, à présent baptisé OIKOS, et je synthétise les lignes directrices dont nous pensons qu’elles peuvent déboucher sur une recherche novatrice. Mots clés: Ecopoétique, écocritique, écoféminisme, francophone, anglophone. Abstract The recent French surge of interest in ecocriticism has sparked interesting debates about whether there might be a French specificity in the field. Foregrounding the use of the term “ecopoétique,” some have argued that Francophone academics focus less on the thematic and ideological aspects of environmental literature than Anglophone scholars do, to better scrutinize the poetic fabric of the text. Relying on my own liminal experience as an academic with a bicultural background, trained in English studies mostly in France but with readings predominantly form the English-speaking world, I present a piece of semi-narrative writing, drawing connections between various cultural threads that I have learned to braid. I tease out some of the influences that have come together to determine my cross-cultural practice of research in ecopoetics and ecofeminism—another ecocritical movement that was largely ignored in France until just recently and is now blooming. Furthermore, this essay delineates some of the leading initiatives and trends that have emerged in the past few years, bringing together various Francophone scholars and networks that have greatly contributed to the blossoming of ecocriticism in French academia. Finally, I cast light on some of the work carried out by the University of Perpignan Ecopoetics, Ecocriticism, and Ecoanthropological workshop, now called OIKOS. I draw out the guiding principles and perspectives that we believe can bring about innovative developments in the field. Keywords: Ecopoetics, ecocriticism, ecofeminism, francophone, anglophone. Author: Meillon, Bénédicte Title: Voulay-vous éc(h)opoétizay aveck moy ? ©Ecozon@ 2020 ISSN 2171-9594 17 Vol 11, No 2 Resumen1 El surgimiento de un fuerte interés por la ecocrítica en Francia abre un debate sobre las potenciales especificidades francesas en este campo de estudios. Numerosos investigadores franceses se han apoderado del término « ecopoética ». Algunos reivindican una atención más elaborada a la textura poética de la literatura, a diferencia de los anglófonos quienes seguirían, según ellos, focalizados en aspectos ideológicos y temáticos de la literatura medioambiental. Ayudándome de mi propia experiencia liminal como investigadora bilingüe y bicultural, y habiéndome formado en estudios anglófonos en la universidad francesa, pero con una base de lecturas mayoritariamente de cultura anglófona, propongo aquí un ensayo bajo forma de relato en el que entretejo los diversos hilos culturales con los que he ido elaborando mi investigación. Intento así desenredar las influencias multiculturales entremezcladas en mis trabajos en ecopoética y ecofeminismo, otra corriente ecocrítica que fue ampliamente ignorada en Francia, pero rehabilitada y en boga desde hace poco. Además, este ensayo esboza algunas de las tendencias e iniciativas recientes y pioneras en Francia que reúnen investigadores y diversas redes alrededor de la ecocrítica francófona, hoy en pleno auge. Para acabar, destaco algunos de los trabajos emprendidos en el taller de ecopoética, ecocrítica y ecoantropología de la Universidad de Perpignan Via Domitia, ahora bautizado OIKOS, y sintetizo las directrices que puedan, desde nuestro punto de vista, desembocar en una investigación innovadora. Palabras clave : Ecopoética, ecocrítica, ecofeminismo, francófono, anglófono. Nous autres, grenouilles, sommes réputées à l’étranger pour certaines particularités. L’une d’entre elles, perceptible dans le clin d’œil adressé dans mon titre à un roman de John Dos Passos, aurait trait à un certain sens de « la galanterie à la française », un ensemble de pratiques controversé et aujourd’hui ausculté par les féministes. Une autre particularité hexagonale relèverait d’une « exception française » d’ordre culturel. Partant de mon parcours personnel au carrefour des cultures anglophones et francophones, je souhaite retracer quelques itinéraires transatlantiques dans le champ de l’écocritique et de l’écopoétique. Tout en faisant quelques lacets sur les versants écoféministes de ce paysage, je présenterai quelques mutations, hybridations et échanges que j’ai pu appréhender au fil d’une pratique d’une vingtaine d’années sur les sentiers de l’écopoétique. L’histoire que je propose ici ne sera donc pas portée par les vagues ou les courants que d’autres ont pertinemment sondés (Buell, Adamson, Slovic, Spretnak, Gaard). Néanmoins, en invitant à arpenter dans mon sillon quelques chemins de traverse reliant les milieux intellectuels francophones aux études anglophones, je scruterai la tectonique des plaques et les couches de sédimentation ou d’érosion que j’ai pu détecter dans les sols que nous occupons aujourd’hui de façon transcontinentale. Ma découverte de l’écocritique, c’est à ma passion pour l’œuvre états-unienne de Barbara Kingsolver que je la dois. La porte d’entrée dans ce domaine m’a été poussée par l’écoféminisme, mouvance plurielle et protéiforme vers laquelle l’écriture Kingsolverienne m’entraîna. Sa plume ravivait les couleurs et les mots qui avaient irrigué ma pas-si-tendre enfance dans les paysages mythiques de l’Arizona. Vers la fin des années 90, je découvrais une mine d’or dont l’exploration serait le point de départ de ma carrière en tant qu’enseignante-chercheuse, tout en m’ouvrant des voies jusque-là impénétrables, 1 Grand merci à Marie-Pierre Ramouche pour sa traduction espagnole de mon résumé. Author: Meillon, Bénédicte Title: Voulay-vous éc(h)opoétizay aveck moy ? ©Ecozon@ 2020 ISSN 2171-9594 18 Vol 11, No 2 permettant d’échapper aux toiles discursives patriarcales filées de partout. Vint Kristeva, dont la sémiotique libérait les phrasés d’une langue vive, d’une sève et de rythmes montant de la chôra, du corps de la mère. D’où, pour moi, jaillissaient les chants et les chorégraphies de la Terre. Cela légitimait mes propres grammaires débridées et poétiques que je « gestarticulais » en danse ou en mots. Par Kingsolver et ses sœurs écoféministes, je découvrais en même temps une pensée des viols de la terre et des phénomènes de résilience écosystémique et individuelle. Il existait des mots magiques : « reclaim », « reempowerment », « sacred hoop », des incantations faisant advenir voix et puissances féminines, écho-vocalisant celles de la Terre. De mes lectures glanées dans les territoires états-uniens, français et australiens, entre autres, s’élevaient des voix de femmes contre les assujettissements entremêlés de la « nature » et du « féminin », de toutes les formes du « sauvage », à une volonté de domination et d’exploitation patriarcales. Lorsque je parlai d’écoféminisme à mon directeur de recherche (dans le cadre de mon mémoire de maîtrise), la chose ne trouva guère d’intérêt à ses yeux. Je fis valoir que le structuralisme n’offrait point les meilleurs prismes pour élucider la poétique de Kingsolver, résolument du côté du sensible et de l’intertextualité; que l’écoféminisme déployait des stratégies poststructuralistes, postmodernistes et postcolonialistes, tout en agençant un retour nécessaire du langage au corps et à notre oikos. S’il me semblait incontournable d’analyser chez cette autrice les processus aliénant les femmes et la nature au reste du monde humain (des sujets marginaux dans les courants littéraires alors en vogue), c’est parce que cela offrait des clefs pour réparer nos façons d’habiter le monde, tout en formulant des échos poétiques du vivant. Il s’agissait de réhabiliter le rôle organique d’une littérature terrestre au milieu de tout ce qui nous traverse. Reconnaître la « nature », comme les femmes, en tant que palimpsestes vivants intimait d’en étudier les mutations mythopéiques dès lors que des autrices en redevenaient les scribes. Dans mon corpus et mes recherches, l’art pouvait revêtir une double dimension, poétique et politique à la fois. J’invoquais le fait que le terme « écoféminisme » avait en premier lieu été forgé par une française, Françoise d’Eaubonne, et qu’il méritait en cela toute sa place parmi les approches académiques possibles. À mesure que je faisais mes premiers pas de jeune chercheuse, je fus initiée à l’écocritique grâce à des américanistes chevronné.e.s. Les laboratoires de recherche du CAS à Toulouse, du CLAN (puis le CLIMAS) à Bordeaux, et l’AFEA (Association Française uploads/Litterature/3502-article-text-17230-2-10-20201018-pdf.pdf

  • 9
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager