UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 École doctorale 120 – Littérature frança
UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS 3 École doctorale 120 – Littérature française et comparée THÈSE DE DOCTORAT Discipline : Langue, littérature et civilisation françaises Choonwoo YEE LA NATURE DANS L’ŒUVRE DE FRANCIS PONGE Thèse dirigée par M. Michel COLLOT Soutenue le 10 novembre 2011 Jury : M. Michel COLLOT (Professeur à l’Université Paris 3) M. Dominique COMBE (Professeur à l’École normale supérieure) M. Gérard FARASSE (Professeur à l’Université du Littoral-Côte d’Opale) M. Patrick NÉE (Professeur à l’Université de Poitiers) 2 3 Résumé : L’objet de ce travail est d’éclairer l’esthétique et l’éthique de la poétique de Francis Ponge à partir de la notion de Nature. La première partie étudie la notion de Nature chez Ponge en tant que monde extérieur et son matérialisme qui, fortement influencé par le matérialisme antique, est caractérisé par l’antimétaphysique. Cette partie met également en relief le rapport étroit entre sa pensée matérialiste et la pensée immanente spinoziste, résumée dans l’expression de « Dieu ou la Nature ». Les aspects immanents des choses dans ses œuvres peuvent être mieux saisis, en effet, à l’aide de la notion d’« immanence » spinoziste. La deuxième partie explore, quant à elle, la relation entre la Nature et la littérature et le développement d’un nouveau lyrisme matérialiste chez Ponge. Pour lui, la littérature se naturalise et la Nature se littérarise. Son approbation de la Nature se traduit par sa contresignature apposée aux choses. Son nouveau lyrisme matérialiste, qui s’oppose au lyrisme traditionnel, se caractérise autour de notions telles que la vibration, l’aspiration, ou la « réson ». La troisième partie, enfin, examine le nouvel humanisme de Ponge ainsi que son éthique. La relation entre la Nature et l’homme s’articulera autour de thèmes éthiques essentiels comme l’altérité, le nouvel humanisme et le salut de l’homme. Son éthique consiste à vivre heureux. Nous l’aborderons à travers différents thèmes tels que la sagesse antique, l’harmonie du « non-soi » et du « soi », l’éthique de la joie, le hasard et la liberté. Mots clés : nature, immanence, matérialisme, lyrisme, altérité, humanisme, sagesse, amor fati, éternel retour, art de vivre, non-soi et soi, approbation 4 5 Abstract : The purpose of this study is to examine the aesthetics and the ethics of Francis Ponge’s poetry through the notion of Nature. The first part examines the concept of Nature in Ponge as the outside world and his materialism which, heavily influenced by ancient materialism, is characterized by the anti-metaphysical. This part also explores the close relationship between his idea and Spinoza’s immanent idea, summarized in the expression of "God, or Nature". The immanent aspects of things in his work can be fully understood with the help of the concept of "immanence" of Spinoza. The second part examines the relationship between Nature and literature and the development of Ponge’s new materialist lyricism. For him, literature becomes naturalized and nature becomes literarized. The approval of nature is reflected in his countersignature for things. His new materialist lyricism, contrasted with the traditional lyricism, is characterized by notions such as vibration, aspiration, "réson". The third part will focus on the new humanism and the ethics of Ponge. The relationship between Nature and man will be treated primarily on certain essential themes of ethics such as otherness, the new humanism and the salvation of man. His ethics is to live a happy life. Various topics, such as ancient wisdom, the harmony of the "non-self" and the "self", the ethics of joy, chance and freedom, will be discussed. Keywords : nature, immanence, materialism, lyricism, otherness, humanism, wisdom, amor fati, eternal recurrence, art of living, non-self and self, approval · EA 4400 : Écritures de la modernité. Littérature et sciences humaines. Équipe de Recherches sur la poésie contemporaine. 6 7 Remerciements Mes remerciements et mon admiration vont en premier lieu à Michel Collot, mon directeur de recherche, qui m’a fait profiter de sa vaste compréhension de la poésie et de Ponge et qui m’a aidé à améliorer ce travail par ses remarques toujours pertinentes et par son attention à la fois rigoureuse et encourageante. Ses écrits philosophiques et littéraires ainsi que ses séminaires sur la poésie moderne m’ont ouvert les yeux sur de nouveaux horizons qui s’ouvrent aux critiques littéraires, ce qui a contribué à m’orienter dans la rédaction de cette thèse. Mes remerciements vont aussi à ma famille en Corée, dont l’aide et l’attention m’ont été précieux, et à ma petite famille à Paris, ma femme, Sunghee, qui m’a soutenu pendant de longues années et mon fils, Sangyoo, qui m’a été, lui aussi, un grand soutien moral. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à la Fondation des bourses d’études Kim Hee-Kyung pour les Humanités Européennes qui me soutient non seulement financièrement, mais aussi moralement depuis 2008. Je remercie également mes amis français, Catherine, Guillaume, Marc et Geneviève qui ont contribué à rendre mon texte plus lisible. 8 9 SOMMAIRE INTRODUCTION ................................................................................................................. 11 PREMIÈRE PARTIE « MÉTA-PHYSIQUE » DE LA NATURE CHAPITRE I : LE MATÉRIALISME DE PONGE .......................................................36 1. La « Nature » pongienne................................................................................ 36 2. L’anti-métaphysique de Ponge et son amour de la matière ........................... 42 CHAPITRE II : L’IMMANENCE DE LA NATURE CHEZ PONGE ...............................87 1. Ponge, « spinoziste »...................................................................................... 87 2. Les choses pongiennes sur le « plan d’immanence » .................................... 94 DEUXIÈME PARTIE ESTHÉTIQUE DE LA NATURE CHAPITRE I : LA NATURE ET LA LITTÉRATURE ................................................143 1. La littérature naturalisée et la nature littérarisée.......................................... 147 2. L’approbation de la Nature .......................................................................... 178 CHAPITRE II : LE NOUVEAU LYRISME MATÉRIALISTE.......................................216 1. Le lyrisme hors de soi.................................................................................. 218 2. La nouvelle conception de la poésie et de l’art............................................ 250 TROISIÈME PARTIE « PO-ÉTHIQUE » DE LA NATURE CHAPITRE I : LA NATURE ET L’HOMME............................................................288 1. Retrouver l’altérité dans la Nature............................................................... 290 2. Un nouvel humanisme et le salut matériel de l’homme............................... 304 CHAPITRE II : L’ART DE VIVRE PONGIEN..........................................................329 1. L’accord entre la Nature et l’homme........................................................... 331 2. L’art de vivre heureux.................................................................................. 363 CONCLUSION.................................................................................................................... 391 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 401 INDEX DES NOMS DE PERSONNES.............................................................................. 429 10 Introduction « La montagne est la montagne et l’eau est l’eau »1. C’est une phrase énoncée par un moine bouddhiste estimé de la dynastie Tang (618-705) de la Chine, Cheongwonyooshin2. Cette phrase tautologique, en apparence banale, est souvent récitée par les moines bouddhistes, car elle est en fait considérée comme un enseignement essentiel condensant la sagesse bouddhique ; en effet, elle souligne qu’il est primordial de regarder tout ce qui existe comme tel, sans aucun préjugé. Or, elle pourrait être interprétée de diverses façons selon les points de vue. Par exemple, pour les grecs platoniciens, la montagne et l’eau existeraient comme la copie imparfaite de l’Idée ; pour les chrétiens du Moyen Âge, comme la créature de Dieu ; pour les modernes cartésiens, comme l’objet de la représentation du sujet. Enfin, pour les contemporains qui croient au développement ininterrompu de la technique, elles existeraient comme matériau de l’exploitation capitaliste. Il est vrai que la philosophie occidentale, surtout la métaphysique, a eu pour objet de trouver l’essence immuable des étants au sein de Dieu, de l’Idée ou de la Subjectivité au lieu de penser l’être lui-même de l’étant en tant que tel. Par exemple, la philosophie cartésienne, qui est fondée sur la dichotomie de la subjectivité et de l’objectivité, a assujetti les étants au sujet. Ainsi, les hommes se sont rendus « comme maîtres et 1 景德॑燈u 卷ࡊ՟ࡊ : « 老ԅΓ՟年॔ ƼଊЈԚ / 見΄ԙ΄ 見ҤԙҤ / 乃ઓຒ త見ઌԴ ߞ ࢤ଼ / 見΄˺ԙ΄ 見Ҥ˺ԙҤ / ࡢ今得箇ັ଼ ࠷॔ / 見΄એԙ΄ 見ҤએԙҤ ». Voici notre traduction : « Il y a trente ans, avant d’entrer dans le zen, pour moi, la montagne était la montagne et l’eau était l’eau. Une fois la connaissance acquise, pour moi, la montagne n’était plus la montagne et l’eau n’était plus l’eau. Mais, maintenant, pour moi, vieux moine bouddhiste, ayant atteint la sérénité, la montagne est la montagne et l’eau est l’eau ». 2 ஃޖߙԺ INTRODUCTION 12 possesseurs de la nature »3. Désormais, le monde existe seulement comme « l’image du monde » (Weltbild) re-présentée par l’homme. Les choses naturelles telles que l’eau, l’animal, la végétation tombent dans la catégorie de « matériau anonyme ». Dans un monde condamné au mutisme, on ne peut plus leur trouver de raison de vivre. Mais en réalité le monde des étants dont l’homme fait partie existe hors de la représentation humaine. Le monde, loin d’exister comme la copie de l’Idée, ou comme la créature de Dieu, ou comme l’objet de la représentation du Sujet, existe par lui-même. Cette idée du monde peut être rapprochée de la conception orientale « ࣀه » (Ja-yeon) de l’aire culturelle de l’Extrême-Orient. Cette conception, équivalant à celle de « Nature » en Occident, signifie littéralement ce qui existe « ainsi » (=ه) « de soi-même » (=ࣀ) sans intervention ni humaine, ni divine. Elle peut être aussi rapprochée de la conception grecque de physis (φύσις), qui signifie, selon Martin Heidegger, ce qui s’épanouit de soi-même, à l’instar de l’épanouissement d’une rose, de l’apparition du soleil, de la croissance des plantes, uploads/Litterature/ choonwoo-yee-la-nature-dans-l-x27-oeuvre-de-francis-ponge.pdf
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- Publié le Mar 15, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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