Langue et littératures pour l’enseignement du français en Suisse romande : prob

Langue et littératures pour l’enseignement du français en Suisse romande : problèmes et perspectives recueil édité par Marcel BURGER Cahiers de l'ILSL, n° 27, 2010 Les Cahiers de l'ILSL peuvent s'obtenir auprès du CLSL Le Centre de Linguistique et des Sciences du Langage Faculté des Lettres Bâtiment Anthropole Université de Lausanne CH-1015 Lausanne, Suisse au prix de CHF 20.- le numéro ISBN 978-2-9700468-4-4 EAN 9782970046844 Langue et littératures pour l’enseignement du français : problèmes et perspectives Cahiers de l'ILSL No 27, 2010 Ont déjà paru dans cette série : Cahiers de l'ILSL L'Ecole de Prague : l'apport épistémologique (1994, n° 5) Fondements de la recherche linguistique : perspectives épistémologiques (1996, n° 6) Formes linguistiques et dynamiques interactionnelles (1995, n° 7) Langues et nations en Europe centrale et orientale (1996, n° 8) Jakobson entre l'Est et l'Ouest, 1915-1939 (1997, n° 9) Le travail du chercheur sur le terrain (1998, n° 10) Mélanges en hommage à M.Mahmoudian (1999, n° 11) Le paradoxe du sujet : les propositions impersonnelles dans les langues slaves et romanes (2000, n° 12) Descriptions grammaticales et enseignement de la grammaire en français langue étrangère (2002, n° 13) Le discours sur la langue en URSS à l'époque stalinienne (2003, n° 14) Pratiques et représentations linguistiques au Niger (2004, n° 15) Langue de l’hôpital, pratiques communicatives et pratiques de soins (2004, n°16) Le discours sur la langue sous les pouvoirs autoritaires (2004, n° 17) Le slipping dans les langues médiévales (2005, n° 18) Travaux de linguistique. Claude Sandoz (2005, n° 19) Un paradigme perdu : la linguistique marriste (2005, n° 20) La belle et la bête : jugements esthétiques en Suisse romande et alémanique sur les langues (2006, n° 21) Etudes linguistiques kabyles (2007, n° 22) Langues en contexte et en contact (2007, n° 23) Langage et pensée : Union Soviétique, années 1920-30 (2008, n° 24) Structure de la proposition (histoire d'un métalangage) (2008, n° 25) Discours sur les langues et rêves identitaires (2009, n° 26) Les cahiers de l’ILSL peuvent être commandés à l'adresse suivante CLSL, Faculté des Lettres, Anthropole CH-1015 LAUSANNE renseignements : http://www.unil.ch/clsl Langue et littératures pour l’enseignement du français en Suisse romande : problèmes et perspectives numéro édité par Marcel BURGER Cahiers de l'ILSL, n° 27, 2010 Les Cahiers de l'ILSL (ISSN 1019-9446) sont une publication du Centre de Linguistique et des Sciences du Langage de l'Université de Lausanne (Suisse) Centre de Linguistique et des Sciences du Langage Quartier UNIL-Dorigny, Bâtiment Anthropole CH-1015 Lausanne Cahiers de l’ILSL, N° 27, 2010, pp. 1-12 Crise du français ? Marcel BURGER Université de Lausanne, Unité de linguistique française, Section de français1 « On n’a jamais arrêté l’évolution d’une langue, sauf en cessant de la parler. » Marina Yaguello, Catalogue des idées reçues sur la langue. UN SPECTRE HANTE À NOUVEAU les écoles de Suisse romande, paraît-il. Il sape l’enseignement du français : le spectre du constructivisme en péda- gogie. Mais, plus redoutable encore car absolument indélogeable de son repaire, un autre spectre hante le ‘français’: c’est la Langue française elle- même, pardi ! Elle se transmue par l’effet des changements affectant la société, se jouant ainsi d’elle-même, ou plutôt étant lâchement ‘jouée’ par ceux-là mêmes qui en garantissaient encore il y a peu les contreforts et donc les fondements : essentiellement les tâcherons émérites — grammai- riens et linguistes — et les nobles gens — les littérateurs et les exégètes avertis. Ainsi donc la Langue dégénère à l’image d’une société pervertie, dit-on. Voilà par conséquent de véritables acolytes du désordre social. Ils œuvrent main dans la main, entend-on, car les assauts répétés de l’un entraînent immanquablement d’autres dégâts par l’autre. Et le monde est alors en passe de s’écrouler. Ainsi, les pédagogues consciencieux, tout comme les médias qui les relaient, puis à leur suite les politiques —bref ! — les déci- deurs de tous bords se sont unis comme un seul, décidés à traquer brave- ment ces monstres pour leur régler leur compte. De cette situation, il résulte un double enseignement. 1Marcel Burger est directeur du Centre de linguistique et des sciences du langage (CLSL) de l’Université de Lausanne (Suisse). Il s’est spécialisé dans le domaine de l'analyse des dis- cours de communication publique (médias et politique) ainsi que dans celui de la linguistique pour l’enseignement du français. Actuellement, il collabore aux relations entre la HEP Vaud (Haute Ecole Pédagogique) et les universités de Lausanne et de Genève. 2 Cahiers de l’ILSL, N° 27, 2010 Déjà que, nonobstant l’évidence manifeste mais aussi quelques siècles d’observations expertes, le ‘français’ continue d’être pensé principalement comme un et homogène. Un roc extraordinaire en somme, c’est-à-dire inentamé par la gravité, les courants, et l’effet du ressac social qui lui don- nent naturellement du mouvement. Ainsi conçu le ‘français’ est une langue fantôme, parce que désincarnée. Comme si ‘langue’ il pouvait y avoir sans sujets — acteurs sociaux — qui se l’approprient à chaque fois qu’ils pen- sent et s’expriment pour interagir en société. Et ceux-là le font même avec plus ou moins de bonheur dans des situations des plus variées en se faisant fort bien comprendre. Méconnaissance de la réalité de la langue, aveugle- ment ou dénégation, donc. Ensuite, la même remarque lapidaire s’applique à l’enseignement du fran- çais dans les écoles de Suisse romande. Tous s’accordent sur son rôle es- sentiel de contribuer à la formation de la conscience citoyenne des élèves. On s’applique ainsi, à l’école, par le biais de la langue, à nourrir de jeunes esprits jusqu’à les rendre capables de s’orienter de manière réfléchie et critique dans un espace public forgé sur l’idée de respect mutuel. S’ouvrir au monde social par le moyen du français à l’école, c’est là un enjeu que les plans d’études cantonaux soulignent unanimement. Et les pédagogies si décriées dans les médias par certains cercles n’affichent quant à elles pas non plus d’autres ambitions. Cependant … Cependant — utopie citoyenne contre principe de réalité — la noble mis- sion de l’école est aujourd’hui, dit-on, en décalage d’avec le matérialisme individualiste ambiant. Cela signifie pour l’Ecole de s’adapter au monde de ‘maintenant’. Autrement dit, il faut contrecarrer, et vite, car il est un fait que les écoles de Suisse romande représentent un lieu où diversité et plura- lité se manifestent très largement par la médiation de la langue. Une telle mixité peut être dangereuse, entend-on. Dans les préaux, puis dans les classes s’y rencontrent, s’y mêlent et s’y entrelacent ‘des’ langues ; et par le biais de celles-ci ‘des’ valeurs et ‘des’ cultures. Où donc est l’Un de la Langue ? Attention à ne pas l’asphyxier sous le lourd tapis natté du métis- sage linguistique. Mais il y a plus dangereux encore. Là, à l’école, des héritages culturels variés, donc des masses successorales inégalement co- tées sur le marché social, se transmettent et se négocient. Par conséquent, il faut mettre de l’ordre et surveiller, proclame-t-on, car l’arnaque se profile, menaçant à terme jusqu’à la cohésion sociale. Si donc la lutte contre le mal est de mise, et si une énième bataille est mê- me déjà recommencée, c’est que l’Ecole, et plus spécifiquement l’enseignement du français (parce que nous sommes en Suisse romande), sont l’objet d’importants enjeux de croyances : la lutte contre la pédagogie est toujours une lutte pour une idéologie. M. Burger : Crise du français ? 3 Peut-être est-il grand temps — ou du moins raisonnablement légitime — que linguistes, littéraires et didacticiens du français exposent une nouvelle fois, non pas à la face du monde mais plus modestement sur la place du village suisse romand, les quelques remarques qui suivent, publiées en français, à Lausanne. 1. LA CRISE DU FRANÇAIS ? QUELLE CRISE ? Qu’on me passe le clin d’œil manifestaire qui ouvre ce recueil. Par l’ironie du propos, il n’a pour but que de dédramatiser la teneur des contributions qui vont suivre, ancrées dans ce que d’aucuns se plaisent à qualifier de contexte de crise de l’enseignement du français en Suisse romande. Le fait est que, en Suisse romande, les conditions d’un enseignement approprié de la langue et de la littérature françaises dans les établissements primaires et secondaires font l’objet de discussions animées, de manière récurrente, depuis des décennies. Celles-ci donnent régulièrement lieu à des polémi- ques virulentes tant dans les cercles pédagogiques que plus généralement dans l’espace public2. À ce titre, il n’est pas rare que les argumentaires des uns et des autres reposent sur des appels à l’émotion (‘la langue se perd’, ‘les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus écrire’) ou des pétitions de princi- pe (‘il faut plus de grammaire’, ‘il ne sert à rien de placer l’élève au centre de la pédagogie’) qui rendent bien souvent difficile une réflexion de fond3. 2 On relira bien sûr avec profit le texte des conférences prononcées à Genève en 1930 par le linguiste Charles Bally ; texte recueilli dans le volume justement intitulé : « La crise du fran- çais. Notre langue maternelle à l’école. » (Genève, Droz, 2004) À l’instigation du Départe- ment de l’Instruction publique de Genève, Charles Bally avait uploads/Litterature/ cilsl27.pdf

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