représentations spatiales et les mathé- matiques, mais un développement du lang

représentations spatiales et les mathé- matiques, mais un développement du langage quasiment normal (c’est le cas par exemple des enfants atteints du syn- drome de Williams). Les linguistes se sont intéressés à l’étude formelle de la structure des langues. Pour le linguiste Noam Chomsky, la structure syntaxique des langues hu- maines est trop complexe pour pouvoir être apprise par les enfants sur la base des exemples de phrases qu’ils enten- dent [3] ; sa théorie est que les enfants naissent équipés d’une «grammaire uni- verselle », qui est un ensemble de contraintes sur ce que peuvent être les langues humaines. Preuve en est la créa- tion des créoles. Quand des adultes de langues maternelles différentes cohabi- tent, ils créent pour communiquer entre eux un «pidgin», une langue appauvrie qui ressemble à du langage télégra- phique, juxtapose des mots des diffé- rentes langues et est composée de noms, verbes et adjectifs, sans conjugaisons, ni articles, ni auxiliaires. Les enfants qui apprennent cette pseudo-langue comme langue maternelle l’enrichissent en lui ajoutant conjugaisons, articles, auxi- liaires, etc., créant un créole, nouvelle langue qui possède des règles syn- taxiques complexes obéissant aux mêmes principes que celles des autres langues humaines. D’où vient cette structure syntaxique ? Pas de l’environ- nement, puisque la langue proposée aux enfants ne la contient pas. C’est donc qu’elle provient des enfants eux-mêmes. Ce phénomène de créolisation a été ob- servé également avec les langues des signes utilisées par les sourds. Là aussi, on a pu observer la création de struc- tures syntaxiques par des communautés de jeunes sourds qui ne partageaient au départ qu’un ensemble limité de signes. L’exemple le plus récent est la création, dans les années 80, de la langue des signes nicaraguayenne. Tous ces éléments incitent la commu- nauté scientifique à penser qu’il existe chez l’être humain une prédisposition à acquérir un langage, mais quelle est la nature de cette prédisposition ? Selon certains auteurs, il s’agirait d’un méca- nisme spécifique permettant l’acquisi- tion du langage. De tels mécanismes spécialisés d’acquisition sont courants dans le monde animal. Par exemple, les oies sauvages, lors de leurs migrations, naviguent en se basant sur la position des constellations dans le ciel nocturne. Des études expérimentales ont montré que les bébés oies apprenaient la posi- tion de ces constellations en fixant le ciel nocturne depuis leur nid : grâce à cette observation prolongée, ils identi- fient le point fixe autour duquel les constellations tournent, ce qui leur per- met par la suite de s’orienter. Un bébé oie privé de l’observation du ciel ne pourra pas s’orienter une fois devenu adulte. Cet exemple montre bien qu’un dispositif spécialisé d’apprentissage re- pose sur deux éléments essentiels : d’une part le dispositif lui-même, d’autre part l’apport d’une information extérieure. Ainsi, en l’absence d’infor- mation extérieure (observation du ciel), le bébé oie n’apprend pas ; mais en l’ab- sence du dispositif spécialisé, l’informa- tion extérieure ne sert à rien ! Si un bé- bé humain passait des heures à observer le ciel étoilé, ce n’est pas pour autant qu’il pourrait spontanément s’orienter lors d’un voyage de plusieurs milliers de kilomètres une fois devenu adulte… Les êtres humains sont eux aussi capables d’exploiter la position des étoiles pour s’orienter, mais il s’agit là d’un savoir transmis culturellement, pas d’une par- tie de notre bagage génétique. Selon d’autres auteurs, notre capacité à apprendre une langue ne résulterait pas d’un dispositif spécialisé qui aurait évo- lué spécifiquement pour le langage, mais découlerait d’autres caractéris- tiques de notre espèce, comme la capa- cité à coopérer [4], ou encore la capacité à effectuer des calculs récursifs [5]. Dans tous les cas, quelle que soit la nature de cette prédisposition qui permet au bébé d’apprendre n’importe quelle langue humaine, ce dernier doit également ap- prendre les propriétés phonologiques et Médecine & enfance avril 2006 page 230 QUELQUES ÉTAPES DE L’ACQUISITION DU LANGAGE Les âges indiqués correspondent à des moyennes sur un certain nombre d’enfants ayant parti- cipé aux expériences citées ; comme dans la plupart des autres domaines, la variabilité indivi- duelle est importante. A la naissance : les bébés reconnaissent leur langue maternelle et la distinguent d’une langue étrangère suffisamment distincte (sur la base de la mélodie) ; ils distinguent des contrastes de consonnes (ex. : /pa/ /ba/), même ceux qui ne sont pas présents dans leur langue maternelle. A 4 mois : les bébés reconnaissent leur propre prénom (et le distinguent d’un autre prénom qui contient le même nombre de syllabes). A 6 mois : les bébés ont formé des prototypes des voyelles de leur langue maternelle ; ils dé- coupent la parole en unités d’intonation. A 8 mois : les bébés reconnaissent un mot déjà entendu lorsqu’il est présenté dans une phrase. A 9 mois : les bébés connaissent les contraintes sur les suites de consonnes et de voyelles dans leur langue (ex. : «murt» est une syllabe plausible en français, «rtum» ne l’est pas). A 12 mois : les bébés reconnaissent les mots grammaticaux de leur langue (articles, auxi- liaires, etc.) ; certains bébés prononcent leurs premiers mots. A 15 mois : les bébés exploitent l’ordre des mots pour comprendre les phrases (ex. : s’ils en- tendent «Nounours chatouille Nicolas», ils regardent plus longtemps une vidéo où Nounours chatouille Nicolas qu’une vidéo où Nicolas chatouille Nounours). Entre 18 mois et 24 mois : on observe l’explosion lexicale, le vocabulaire de l’enfant aug- mente brusquement ; certains enfants commencent à produire des phrases courtes (d’autres parlent très peu, mais leur compréhension devient bonne). Vers 3 ans : si on teste leur compréhension des phrases, les enfants montrent une bonne maî- trise de toutes les structures syntaxiques de base de leur langue maternelle. La grande majori- té des enfants s’exprime en faisant des phrases (il peut rester des défauts de prononciation). syntaxiques propres à sa langue et, bien sûr, les mots de sa langue maternelle. APPRENDRE LES MOTS, COMMENT FONT-ILS ? Construire un lexique, ou dictionnaire mental, c’est associer une forme sonore (par exemple « chien ») à un sens (par exemple l’animal chien). Pour ce faire, les enfants doivent déjà être capables d’identifier les formes sonores des mots dans les phrases et de reconnaître un même mot lorsqu’il a été prononcé dans différentes situations (éventuellement par des locuteurs différents). Or, il se trouve que, dans la parole, les mots ne sont pas précédés et suivis par des si- lences qui joueraient un rôle équivalent aux espaces dans un texte écrit. De ce fait, il est difficile de découvrir où com- mencent et où finissent les mots. Dans le cas des adultes, on a pu démontrer qu’ils activent à tout moment tous les mots correspondant aux séquences so- nores se trouvant dans la phrase, puis les mots qui se « recouvrent » s’inhibent mutuellement. Par exemple, en enten- dant « son chat grincheux », les adultes activeraient simultanément « chat » et « chagrin ». Puis en entendant la syllabe « cheux », qui isolée ne peut pas être un mot, le lexique d’un adulte calcule la seule solution possible en français, à sa- voir « son chat grincheux ». Evidem- ment, les enfants en train d’apprendre leur langue maternelle ne connaissent pas encore les mots et doivent donc ex- ploiter d’autres stratégies. Au cours des dix dernières années, de nombreuses recherches expérimentales ont cherché à connaître (et ont décou- vert) les stratégies que les nourrissons pourraient utiliser, et ce dès six mois, pour découvrir les mots dans les phrases sans en comprendre encore bien souvent le sens. Par exemple, les langues ont des restrictions sur les suites de voyelles et de consonnes qui peuvent se produire à l’intérieur des mots. Si en français on entend une suite de consonnes comme /rtf/ on sait qu’il doit y avoir une frontière de mot entre /t/ et /f/, comme dans « une porte fer- mée ». Des enfants de neuf mois connaissent déjà ces régularités dans leur langue et les exploitent pour infé- rer la position des frontières de mots [6]. Une autre stratégie possible consiste à exploiter les probabilités de transition entre syllabes adjacentes : en effet, une suite de syllabes qui se rencontre fré- quemment et dans de nombreux contextes est probablement un mot dans la langue. Plusieurs études de si- mulations à partir de corpus de paroles adressées aux enfants ont montré que ce genre de calcul permet effectivement de trouver un certain nombre de mots [7]. De plus, des études expérimentales ont montré que des enfants de huit mois environ étaient capables d’effectuer ce genre de calcul [8]. Si on leur fait écou- ter une suite ininterrompue de syllabes, fabriquée à partir de quatre « mots » tri- syllabiques répétés en permanence, on voit qu’ils reconnaissent ensuite les « mots » de cette langue artificielle. Une variante de cette stratégie consiste à ex- ploiter des mots déjà connus pour en trouver de nouveaux : par exemple, si l’enfant a déjà réussi à apprendre le mot « maman » (parce qu’il est très fréquent et qu’il l’a uploads/Litterature/ comment-les-enfants-apprennent-ils-a-parler-pdf 2 .pdf

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