Baudelaire, « les fenêtres » extrait de petits poèmes en prose Il s’agira de vo

Baudelaire, « les fenêtres » extrait de petits poèmes en prose Il s’agira de voir comment ce poème en prose dépasse la simple description d’un paysage parisien, pour atteindre une dimension symbolique. Ci-joint un exemple de commentaire extrait du site : (https://www.annabac.com/annales-bac/charles- baudelaire-les-fenetres-petits-poemes-en-prose-0) Introduction [Amorce] La poésie s’intéresse aux hommes (poésie lyrique) mais aussi, surtout à partir du xixe siècle, aux paysages et aux choses. [Présentation du texte] Baudelaire consacre un de ses Petits poèmes en prose à un objet inattendu et banal : les fenêtres – objet aussi apprécié des peintres (Vermeer, Rembrandt). Or, Baudelaire était un passionné de peinture, comme le prouve ses salons inspirés de Diderot. Baudelaire est un grand critique d’art. Et dans les Fleurs du mal, une section intitulée tableaux parisiens évoque des vues, des paysages de la ville qui devient à la mode à son époque. De ce nouveau « tableau parisien » qu’il compose, Baudelaire fait une sorte d’apologue paradoxal où il montre que les fenêtres fermées sont plus intéressantes que les fenêtres ouvertes. Mais il va plus loin : il propose une réflexion qui dépasse l’anecdote du tableau insérée au cœur du poème en prose. Cette réflexion, qui encadre ce qu’il voit par la fenêtre, définit la nature et le rôle du poète parmi les hommes : le poète est un créateur de « légendes », qui prend en charge la misère du monde. C’est ce que dit allégoriquement Baudelaire à Dieu dans le très célèbre dernier vers d’une conclusion pour la 2e édition des Fleurs du mal : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » : en effet, il transforme le mal en « fleurs », c'est-à-dire en poèmes. I. Un poème construit comme un tableau Au cœur du poème se trouve la scène, le sujet et, comme pour l’encadrer, au début et à la fin, des réflexions plus générales qui dépassent la simple description et donnent au texte sa portée symbolique. 1. Premier élément « encadrant » le tableau : une considération paradoxale  Dans le premier paragraphe, Baudelaire présente d’abord l’observateur et le sujet de façon générale (« Celui qui »), sur le ton de la certitude, que traduisent la tournure impersonnelle « il n’est pas… », le présent de vérité générale, les termes assertifs (« ne … jamais », « toujours »), la répétition « vit… vie… vie… vie ».  Puis il décrit le sujet du tableau, la fenêtre « éclairée » (la forme de la fenêtre évoque le cadre d’un tableau), à travers cinq adjectifs au comparatif de supériorité valorisant (« plus… ») : deux d’entre eux traduisent des impressions visuelles contrastées (« ténébreux, éblouissant ») ; les trois autres prennent une valeur plus affective que descriptive (« profond », « mystérieux », « fécond »). La vision est donc à la fois esthétique et morale.  La description est marquée par les contrastes (fenêtre fermée / fenêtre ouverte, ombre / lumière) et un paradoxe provocateur : la fenêtre fermée, pourtant qualifiée négativement (« un trou »), serait – alors même qu’elle ouvre sur la misère – plus riche et plus intéressante qu’une fenêtre ouverte. Baudelaire aime choquer et adopter un point de vue original (voir « Une charogne » dans Les Fleurs du mal). 2. L’anecdote (2e paragraphe) : du tableau réaliste à la « légende »  Le poète-peintre passe au « je », il s’implique. Avec un présent ambigu (s’agit-il d’un présent d’énonciation : « j’aperçois » une seule fois ? un jour ? ou d’habitude : « j’aperçois » régulièrement ?), il décrit ce qui ce passe devant ses yeux (par manque d’argent, Baudelaire était souvent réduit à vivre dans des logements sous les toits) : la métaphore évocatrice « vagues des toits » suggère une vision panoramique et infinie sur la mer.  Puis il effectue une sorte de zoom (focalisation) sur le sujet et multiplie les détails précis : un gros plan sur une « femme mûre », « ridée », sur son attitude (« penchée »), sur son « visage », son « vêtement », composant un tableau réaliste représentatif du Paris (la grande ville) de la misère .  Mais l’imagination et la sensibilité compatissante du poète transforment la réalité en « légende » non dite et suggèrent, à travers un irréel du passé (« j’aurais refait »), une deuxième « histoire » à écrire, une poésie en devenir (« Si c’eût été un pauvre vieux homme »).  L’anecdote se ferme sur le retour du poète à la vie quotidienne : « je me couche », le présent étant ici clairement un présent d’habitude. 3. Deuxième élément « encadrant » le tableau : un dialogue imaginaire  Le poème se conclut sur une réflexion, une morale sous la forme d’un dialogue supposé, imaginaire (« Peut-être »), qui implique directement le lecteur (« me direz-vous »).  Le jeu sur le vouvoiement et le tutoiement est étrange : s’agit-il du vouvoiement de politesse à un seul lecteur, ou du « vous » qui s’adresse à plusieurs lecteurs ? On ne le sait pas. En revanche, le tutoiement par lequel le lecteur s’adresse au poète traduit un ton plus familier, peut-être même amical.  La question permet au poète d’affirmer son lien avec la réalité et le rapport entre la création poétique et sa propre existence. II. Un art poétique et une réflexion sur la condition humaine La description est en réalité prétexte à une définition implicite de la poésie et à une méditation sur la condition humaine. 1. Une définition de la poésie  « La poésie est comme une peinture » (Horace, poète latin), qui travaille sur les lumières et les contrastes (« ténébreux » / « éclairée, chandelle » : sorte de clair-obscur). Baudelaire plaide implicitement pour une poésie du quotidien et du réel : pour lui, c’est l’observation qui est source de création. À travers l’énumération de réalités simples, il privilégie le quotidien (« presque rien »), mais esthétisé par la mention de la « chandelle », plus poétique que l’éclairage au gaz de l’époque.  Mais la poésie dépasse la réalité superficielle : elle est expression d’une sensibilité tournée vers les autres, vers les pauvres avec lesquels le poète est en empathie. Il opte pour une poésie de la souffrance, qui est aussi sublimation de cette souffrance (de « l’histoire » à la « légende »).  La poésie est aussi romanesque : à partir du réel, le poète invente, comme un romancier. Baudelaire écrit une « légende », une fiction et par l’écriture peut transformer une « vieille femme », « un pauvre vieux homme » (noter l’archaïsme « vieux » pour « vieil »). Il semble s’enorgueillir de cette faculté à refaire « tout aussi aisément » le monde et la vie des hommes.  La poésie est aussi dialogue et tisse des liens avec le lecteur, que d’ailleurs Baudelaire apostrophe en l’appelant « mon frère ». 2. Un poète symboliste La fenêtre prend une valeur symbolique et donne au poème une portée philosophique. Elle est pour Baudelaire :  un moyen de corriger notre conception habituelle du monde : une fenêtre fermée est plus intéressante qu’une fenêtre ouverte ;  un moyen de passer de l’extérieur de la réalité à une réalité intérieure, celle de la condition humaine, du mystère des êtres ;  un moyen de mieux se connaître, de lutter contre le spleen : cette fenêtre, paradoxalement, ouvre aussi sur le monde intérieur du poète, sur son identité (« sentir que je suis et ce que je suis »). 3. Un plaidoyer pour le poème en prose ? Le texte révèle enfin la force du poème en prose dans la démarche poétique.  Il suit une progression proche de celle d’un sonnet, dont il reproduit la fragmentation en 2 quatrains et 2 tercets ; la dernière interrogation ressemble à la « chute » du sonnet.  Mais le poème en prose se démarque de la poésie traditionnelle. Ce ne sont en effet ni les rimes ni la longueur des vers qui créent l’impression de dépouillement, de fluidité, mais le rythme intérieur de chaque phrase : Baudelaire mêle de fréquentes répétitions, des énumérations, des parallélismes, des oppositions qui scandent le poème.  Cependant, en contraste, les effets de rupture sont nombreux. En effet, le dernier paragraphe rompt avec les deux premiers : le mode d’énonciation change brusquement, la description se fait dialogue et Baudelaire mélange la généralisation (« d’autres ») et l’évocation de sa situation personnelle (« moi- même »). Conclusion « Les fenêtres » donne du poète une image moins pessimiste que les poèmes du spleen, mal de vivre dévastateur. Ici, le poète est attentif à la misère des autres dans laquelle il trouve un aliment pour sa création mais aussi une force pour mieux se connaître et mieux « vivre » : il se dit « fier », il a été « aidé » par cette expérience. De cette expérience du regard, uploads/Litterature/ commentaire-les-fenetres-de-baudelaire.pdf

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