_ 7 _ présentation DOSSIER interventions entretien livres PRÉSENTATION On obser

_ 7 _ présentation DOSSIER interventions entretien livres PRÉSENTATION On observe aujourd’hui un regain d’intérêt pour l’idée, le projet, voire les politiques communistes. Les raisons de ce renouveau, son contenu et sa légitimité sont mis en débat dans ce dossier « Communisme ? » Les auteurs qui y participent ont répondu à une adresse formulée en ces termes : « On assiste aujourd’hui à une réhabilitation du ‘communisme’ – cela du moins dans un cercle politico-philosophique ouest-européen assez défini. Il n’est guère de philosophe radical qui ne reprenne ce terme à son compte. Il ne s’agit de rien de moins que ‘changer les mots de la tribu’, ce qui répond sans doute à quelque chose dans la société à grande distance du cercle philosophique. Cette entreprise philosophique de nomination tend à établir que c’est bien quelque chose du ‘communisme’ qui se manifeste sous la forme d’utopies pratiques sur le terrain du militantisme politique et social, de l’autogestion, de l’écologie, de la communication Internet, de même que dans la subversion culturelle, dans les projects d’allocation uni- verselle, dans le ‘tous ensemble’, dans la démocratie directe des rebellions sociales, dans la radicalité des options et des dévouements personnels et collectifs, dans le militantisme aléatoire et fragmenté d’aujourd’hui. La question se pose, naturellement, de savoir pourquoi revient ce nom de communisme. De quoi est-il effectivement porteur ? De quelles prati- ques nouvelles ? De quelles aspirations ? De quels rejets ? De quels défis ? Pourquoi devrait-on précisément choisir ce nom ? En quoi serait-il plus puissant qu’un autre ? Pourquoi serait-il le nouveau signe de reconnais- sance par lequel on pourrait enfin prendre conscience de ce que l’on fait ou cherche ? D’où parle le communisme ? De quelle force sociale, réelle ou supposée ? De quel monde ? Que peut-on attendre d’un retour réflexif sur le divorce qui s’est opéré entre ‘socialisme’ et ‘communisme’ ? Le ‘commu- nisme’ est-il possible ‘après Staline’ ? Même s’il s’agit d’un mot politique, de ces vocables qui donnent lieu à des affrontements et retournements sans fin, y a-t-il quelque sens à l’utiliser en dehors d’une conceptualité analytique et stratégique définie et communicable ? » Les questions sont diverses et les réponses recueillies ici le sont tout autant. En rappelant la manière dont le projet communiste fut élaboré à partir de Marx, Franck Fischbach s’interroge sur la réticence de celui-ci à décrire positivement une société communiste. Le communisme n’est pour lui ni un idéal, ni une utopie, et paradoxalement, il n’est pas non plus un simple mouvement immanent au capitalisme. Certes, ce dernier nourrit les germes d’une société communiste, mais il génère également les conditions qui font Actuel Marx / no 48 / 2010 : Communisme ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - duke_university - - 152.3.102.242 - 19/01/2012 06h03. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - duke_university - - 152.3.102.242 - 19/01/2012 06h03. © P.U.F. _ 8 _ présentation communisme ? obstacle à ce développement. Si le communisme est déjà là, il ne peut l’être que dans la pratique de ceux qui luttent pour l’éclosion d’une forme de vie plus haute. Michael Löwy propose, lui aussi, un cadrage du débat à partir de la tradition marxiste en s’attachant à quelques grands thèmes de Rosa Luxemburg : internationalisme radical, histoire « ouverte », primat de la démocratie dans le processus révolutionnaire, grandeur des traditions com- munistes pré-modernes. Ainsi s’énonce une alternative aux interprétations qui font du marxisme une version avancée de la philosophie du progrès, ainsi que des pistes peut-être sous-estimées dans le débat actuel. En intervenant plus directement dans ce débat, étienne Balibar pose le primat du « qui sont les communistes ? » sur le « qu’est-ce que le com- munisme ? » Il appelle également à reconnaître la pluralité des généalogies de l’idée communiste moderne, relativisant ainsi l’héritage marxien. Et il invite à discuter les apories du communisme de Marx, celles-ci étant pré- cisément ce à partir de quoi il serait possible de l’incorporer à de nouveaux projets d’émancipation. Toni Negri tente, en un sens, de répondre à la question posée par étienne Balibar, celle du « qui ? » tout en se demandant si l’on peut être communiste sans être marxiste. Ce qui est en vue, c’est un tout autre marxisme que celui des régimes communistes où le « public » falsifiait le « commun ». Polémiquant avec les orientations proposées par Alain Badiou et Jacques Rancière, tout en s’appuyant sur Gilles Deleuze et Félix Guattari, il avance que le communisme implique une ontologie historique et qu’il a besoin de Marx pour s’enraciner dans la pratique du commun. C’est ce même thème du « commun » que reprend Jean-Luc Nancy. Le mot ne désigne pas par hasard, dit-il, aussi bien ce qui est par- tagé par plusieurs que ce qui est banal, voire trivial. Rien n’est plus partagé que ce qui est le plus ordinaire. Pourtant, l’idée communiste ne doit rien avoir de « commun ». Au contraire, elle doit ouvrir à ce qui dénonce la vulgarité de l’individualisme. Slavoj Žižek revient sur la critique marxienne de l’économie politique – qui nous ramène au Réel de la logique du capital –, notamment sur son héritage hégélien. Il en appelle à un Hegel matérialiste pour qui l’esprit n’est rien d’autre que ce procès négatif de se-libérer-de. De même que l’es- prit est une substance qui ne subsiste que par l’activité des sujets engagés en lui, de même, le communisme n’émerge qu’à partir de l’aliénation à travers ses échecs à s’actualiser pleinement lui-même. Chantal Mouffe, au contraire, récuse l’idée même de « communisme », qui convoque, à ses yeux, une vision anti-politique et anachronique de la société, où toute aliénation et tout antagonisme auraient été supprimés, et où la loi, l’État et les autres institutions régulatrices de la modernité auraient perdu toute pertinence. Un authentique projet d’émancipation ne devrait pas viser une Document téléchargé depuis www.cairn.info - duke_university - - 152.3.102.242 - 19/01/2012 06h03. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - duke_university - - 152.3.102.242 - 19/01/2012 06h03. © P.U.F. _ 9 _ présentation DOSSIER interventions entretien livres société réconciliée avec elle-même, mais plutôt une radicalisation de la lutte démocratique. Jacques Bidet propose, quant à lui, de reconsidérer les approches d’Alain Badiou, de Jacques Rancière et de Toni Negri à la lumière des structures sociales et politiques de notre temps. Il soutient que le communisme est un projet moderne qui s’oppose à la fois au libéralisme, discours de la propriété capitaliste, et au socialisme, schème idéal des « diri- geants-et-compétents ». Quant au marxisme, il véhicule la visée ambiguë d’un communisme en termes de socialisme. Il existe en ce sens un lien du dis- cours marxien aussi bien avec les « socialismes réels » qu’avec les socialismes à l’occidentale. Il n’est pas étonnant que le discrédit dont ces derniers sont aujourd’hui frappés conduise à convoquer le drapeau du communisme ou du « commun » comme alternative à l’alternative socialiste. La partie « Interventions » de ce numéro d’Actuel Marx prolonge certaines des questions soulevées par ce débat tout autant qu’elle poursuit des discussions engagées dans des dossiers précédents. Kolja Lindner s’in- terroge ainsi sur l’appréciation marxienne des sociétés précapitalistes et du colonialisme. Gérard Duménil, Michael Löwy et Emmanuel Renault présentent les grandes orientations qui ont présidé à leurs ouvrages récem- ment parus : Lire Marx et Les 100 mots du marxisme (PUF, 2009). Dans le prolongement du sous-dossier « Marx en 1968 » (Actuel Marx n° 45, 2009), Stefano Petrucciani montre que la Théorie critique francfortoise fut le seul dispositif philosophique en phase avec le type de critique sociale propre au moment 1968. En complément du dossier « Crises, révoltes, résignations » (n° 47, 2010), Loukia Kotronaki et Seraphim Seferiades explorent les dynamiques et les spécificités de la révolte grecque de décem- bre 2008. Enfin, en écho aux débats actuels sur le communisme, Jean- Marie Harribey s’interroge sur les conditions d’un anticapitalisme alliant exigence d’égalité sociale et impératif écologique. On lira également un grand entretien de Gérard Duménil avec Immanuel Wallerstein, qui fournit l’occasion de poursuivre l’analyse, engagée depuis plusieurs numéros, de la nature et des effets de l’actuelle crise du néolibéralisme. Document téléchargé depuis www.cairn.info - duke_university - - 152.3.102.242 - 19/01/2012 06h03. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - duke_university - - 152.3.102.242 - 19/01/2012 06h03. © P.U.F. _ 12 _ communisme ? F. Fischbach, Marx et le communisme Marx et le communisme Par Franck Fischbach « Oui, Messieurs, la Commune […] voulait faire de la propriété individuelle une réalité, en transformant les moyens de production, la terre et le capital, aujourd’hui essentielle- ment moyens d’asservissement et d’exploitation du travail, en simples instruments d’un travail libre et associé. Mais c’est du communisme, c’est ‘l’impossible’ communisme ! » Karl Marx, La guerre civile en France La question de savoir si Marx a été communiste peut apparaître, à première vue, soit comme une question inutile, tant la réponse va de soi, soit comme une pure et simple provocation. Et pourtant, c’est la seule question qui uploads/Litterature/ comunismme 1 .pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager