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A A GRIPPINE GRIPPINE L L E E JOUR JOUR OÙ OÙ IL IL A A TUÉ TUÉ Néron Néron TYRAN TYRAN OU OU MAL-AIMÉ ? MAL-AIMÉ ? H H N NOVEMBRE-DÉCEMBRE OVEMBRE-DÉCEMBRE 2018 2018 – – B BIMESTRIEL IMESTRIEL – – N NUMÉRO UMÉRO 41 41 BEL : 9,20 € - CAN : 14,50 $C - CH : 14,90 FS - D : 9,30 € - DOM : 9,50 € - GB : 7,50 £ - GRE : 9,20 € - IT : 9,30 € - LUX : 9,20 € - MAR : 90 DH - NL : 9,30 € - PORT CONT : 9,20 € BEL : 9,20 € - CAN : 14,50 $C - CH : 14,90 FS - D : 9,30 € - DOM : 9,50 € - GB : 7,50 £ - GRE : 9,20 € - IT : 9,30 € - LUX : 9,20 € - MAR : 90 DH - NL : 9,30 € - PORT CONT : 9,20 € I l faut se méfier des écrivains : leur talent se nourrit de leur férocité, il triomphedanslanoirceur.Néronnes’estpasrelevéduportraitàl’eau- forte qu’ont fait de lui, post mortem, Tacite et Suétone. Fourbe, vindi- catif et dévoyé, parricide, incendiaire, histrion, il incarne, depuis, l’image mêmedutyran,avectoutcequeledécorluxuriantdelaRomeduIersiècle peut donner de couleurs éclatantes. L’imagination des modernes a fait le reste, pour le bonheur des peintres pompiers : sexe, violence et cruauté, belles captives attachées nues aux cornes d’un taureau, condamnations àmortprononcées aucoursd’unbanquetdonnésousunepluiedepéta- les de roses aux parfums capiteux. Le sénat avait, le premier, montré le chemin. Il ne s’était pas contenté de renverser l’empereur, de le déchoir de ses titres, il l’avait déclaré ennemi public, vouant, dans la foulée, sa mémoire à la damnation. Les inscriptions qui témoignaient de ses ambitions d’urbaniste, de sa munificence, avaient étémartelées,lessallesd’apparatdesonpalaisromainenseveliespourservir defondations auxnouvellesconstructionsde sessuccesseurs flaviens. Composant, quarante ans après les faits, les Annales de son règne, Tacite avait mis son génie de l’ellipse glaçante, ses maximes tranchantes comme un poignard, ses litotes hautaines, intimidantes, au service d’un récit shakespearien, où l’horreur du crime est sans cesse rehaussée par le contraste de la vulgarité mise en scène avec la condescendance du ton de l’historien chargé d’en rapporter,non sansdégoût,les circonstances.Sué- tone avait complété le tableau avec son sens de l’anecdote, son goût du détail d’autant plus significatif qu’il est scabreux, sordide ou effrayant. Ce débauché ivre de lui-même au point de perdre le sens de la dignité de sa fonction en se produisant déguisé en cocher, dans le cirque, ce tyran répandant la mort autour de lui sans considération pour la naissance de ceux sur lesquels s’exerçait son arbitraire, non plus que pour les obliga- tions contractées, les sentiments, les mérites ou les liens du sang, offrait l’occasion de voir un monstre de près, de l’observer avec la curiosité d’un amateur de secrets inavouables, d’un explorateur des tréfonds de l’âme humaine. Néron avait quitté sans crier gare les rives de l’histoire pour accéder à la condition de personnage de roman en même temps que d’archétype de la philosophie politique, voué à la détestation universelle. Victimes de la répression qui avait suivi l’incendie de Rome, les chré- tiens s’étaient engouffrés dans la brèche. Soucieux de réconcilier la foi nouvelle avec la romanité, de démontrer qu’il n’y avait, entre l’une et l’autre, aucune contradiction, Tertullien avait souligné dans son Apolo- gétique qu’il n’était pas indifférent que ce soit le plus monstrueux des Césars, celui-là même dont la mémoire faisait horreur aux plus endurcis des païens, qui eût été à l’origine de la persécution. Le paradoxe est que celle-ci n’avait nullement choqué, à l’époque, les deux historiens, pas plus qu’elle n’avait ému ses contemporains. Tacite émet des doutes sur la culpabilité des chrétiens comme incendiaires. Il déplore la débauche de cruautés inutiles dont Néron avait assorti leur exécution.Ilnelesenconsidèrepasmoinscommedes«ennemisdugenre humain », « une classe d’hommes détestés pour leurs abominations », et définit le christianisme comme « une exécrable superstition ». Censeur impitoyabledesdépravationsdeNéron,Suétoneclassedesoncôtélaper- sécution des chrétiens, « espèce d’hommes adonnés à une superstition nouvelle et nuisible », parmi les actions « dont les unes ne méritent aucun reproche et les autres même sont dignes d’être largement approuvées ». N’importe : Néron avait été, au IVe siècle, l’occasion de la réconciliation des deux mémoires. Prononçant le panégyrique de l’empereur chrétien Honorius, le rhéteur païen Claudien y avait opposé les vertus de la dynas- tiethéodosienneauxcrimesdesCésars,illustrésparlesméfaitsdu«répu- gnant cocher de Caprée », en une caricature qui associait la damnatio memoriae sénatoriale à l’horreur suscitée par celui que la tradition chré- tienne avait identifié comme l’homme de perdition du livre de Daniel, l’Antéchrist dont le retour précéderait la fin des temps. De Machiavel à Montesquieu ou à Renan, les modernes ont longtemps suivicesillonsanssongeràenremettrelesoriginesenquestion.Onsavait que Néron avait été regretté par la plèbe. On ne voulait y voir qu’un signe d’avilissement d’un peuple abruti par les jeux sanglants, les pantomimes, les distributions de vivres : panem et circenses. IlafalluattendrelafinduXXesièclepourqueleregardcritiqueposésur les sources littéraires (l’histoire avait été écrite, ici, par l’un de ces séna- teurs pleins de ressentiment contre l’élévation sans limite de l’un des leurs, là par un fonctionnaire de la dynastie antonine soucieux de magni- fier,parl’étalagedescrimesdesempereursduIersiècle,l’excellencedeson propre prince) et une plus grande considération accordée à l’histoire sociale conduisent à de légitimes remises en cause. Elles ont permis de dessiner la figure plus nuancée d’un souverain asso- ciant les réussites politiques aux crimes, les vices privés à une conception novatrice du charisme fondant l’autorité d’un empereur romain. Il faut cependant se garder d’un révisionnisme simpliste qui se targue- rait à bon compte d’une extralucidité nourrie du seul plaisir de piétiner les vérités officielles. Résister à la tentation de soutenir que Néron fut en réalité un grand homme, un empereur visionnaire, ou, comme on en est venu à le prétendre, un « saint » ! Ce n’est pas en prenant niaisement le contre-pied de ce qu’une légende peut avoir de réducteur qu’on est assurédetoucheràlavéritédeschoses.Bienplutôtenlapassantautamis des sources concurrentes. Le témoignage des contemporains est peut- être moins porteur de la vengeance des peuples, comme l’a cru Cha- teaubriand(iléchoualui-mêmeàimposersavisiondeNapoléon),quede préjugés dont il faut tenir compte. Pour avoir été déformés, amplifiés par ceux qui nous les ont transmis altérés par leurs propres passions, les évé- nements que rapportent les écrivains antiques ne doivent pas être tenus pour rien. Néron ne fut pas le monstre dont on fabriqua la légende, mais il consolida un pouvoir contesté par une répression qui n’épargna ni sa mère Agrippine, ni son maître Sénèque, ni Lucain, ni Pétrone, nombre de sénateurs, tant d’autres. Il fit brûler les chrétiens crucifiés dans ses jardins pour en faire des torches par un procédé dont la brutalité romaine offre peu d’exemples et qui scandalisa ceux qui en furent témoins. La vérité n’est pas le reflet inversé des mensonges façonnés par l’adulation ou le dénigrement. L’histoire est d’autant plus attirante qu’on peut la peindre encouleursvives:lesensducontrasteestl’undesressortsdel’artd’écrire. L’historien a d’autres exigences. Il progresse à tâtons entre deux zones d’ombre, tant il est vrai qu’il ne peut prétendre restituer l’intégralité du réel:ilyadansleshommesetlesévénementsd’ilyaprèsdedeuxmilleans une part de mystère qu’il est vain d’espérer faire apparaître en pleine lumière. L’histoire, c’est son mérite, ne se réduit pas non plus au noir et blanc qu’affectionnent nos contemporains. Face à la complexité du réel, elle cultive en nous ce don précieux : le sens des nuances. NAISSANCE D’UN MONSTRE É D I T O R I A L Par Michel De Jaeghere © VICTOIRE PASTOP. À retourner sous enveloppe non affranchie à : LE FIGARO HISTOIRE - ABONNEMENTS - LIBRE RÉPONSE 73387 - 60439 NOAILLES CEDEX M. Mme Mlle Nom Prénom Adresse Code postal |__|__|__|__|__| Ville E-mail Téléphone |___|___|___|___|___|___|___|___|___|___| Offre France métropolitaine réservée aux nouveaux abonnés et valable jusqu’au 31/01/2019 dans la limite des stocks disponibles. Expédition du livre sous 2 semaines après réception de votre règlement. Vous pouvez acquérir séparément le livre « Les vérités cachées de la guerre d’Algérie » au prix de 23€ + 10€ de frais de port et chaque numéro du Figaro Histoire au prix de 8.90€. Les informations recueillies sur ce bulletin sont destinées au Figaro, ses partenaires commerciaux et ses sous-traitants, pour la gestion de votre abonnement et à vous adresser des offres commerciales pour des produits et services similaires. Vous pouvez obtenir une copie de vos données et les rectifier en nous adressant un courrier et une copie d’une pièce d’identité à : Le Figaro, Service Relation Client, 14 boulevard Haussmann 75009 Paris. Si vous ne souhaitez pas recevoir nos promotions et sollicitations, cochez cette case . Si vous ne souhaitez pas que vos coordonnées soient transmises à nos partenaires commerciaux pour de la prospection postale, cochez cette case . Nos CGV sont consultables sur www.lefigaro.fr - Société du Figaro, 14 bd Haussmann 75009 Paris. 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