LE THÉÂTRE, TEXTE ET REPRÉSENTATION « Grandeur et misère du héros tragique » Qu

LE THÉÂTRE, TEXTE ET REPRÉSENTATION « Grandeur et misère du héros tragique » Questions En quoi les trois personnages ici mis en scène sont-ils des héros tragiques ? Vous dégagerez les éléments communs ainsi que ce qui les différencie. Ecriture Sujet I : Commentaire Vous ferez un commentaire composé de la célèbre tirade d’Auguste. Sujet II : Dissertation Jean Anouilh écrit dans Antigone que la tragédie est « reposante » parce qu’on sait « qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir ; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos ». Vous commenterez cette définition en illustrant vos idées avec des exemples et des références littéraires de votre choix. Sujet III : Invention Deux metteurs en scène discutent de la manière dont Bérénice et Titus doivent se parler et dire leurs textes. L’un les voit s’affronter avec colère, l’autre les voit se désespérer dans une grande souffrance. Composez ce dialogue en veillant à la solidité des arguments de chacun : vous vous appuierez bien sûr sur les nuances du texte de Racine. A SOPHOCLE, Oedipe Roi (Vè s. av. JC) La tragédie met en scène la découverte par Œdipe de son terrible destin. Alors qu'il avait accédé au trône de Thèbes après avoir triomphé de l'énigme du Sphinx, l'enquête qu'il mène afin de découvrir la cause de la peste envoyée par Apollon sur la ville le conduit à découvrir que le responsable de l'épidémie n'est autre que lui- même : il est coupable à la fois de parricide et d'inceste, car il a, sans le savoir, tué son propre père, Laïos, et épousé sa propre mère, Jocaste. Pour honorer sa promesse de châtier le coupable, mais aussi pour se punir de son aveuglement, il se crève les yeux. Jacques Bonnaffé dans le spectacle "Sous l'oeil d'Oedipe" de Joël Jouanneau au Festival d'Avignon, 2009 5 10 15 20 25 30 35 40 Oedipe apparaît, la face sanglante, cherchant. Sa route à tâtons. Mélodrame. LE CORYPHÉE. - ô disgrâce effroyable à voir pour des mortels - oui, la plus effroyable que j'aie jamais croisée sur mon chemin ! Quelle démence, infortuné, s'est donc abattue sur toi ? Quel Immortel a fait sur ta triste fortune un bond plus puissant qu'on n'en fit jamais ? Ah ! Malheureux ! Non, je ne puis te regarder en face. Et cependant, je voudrais tant t'interroger, te questionner, t'examiner... Mais tu m'inspires trop d'effroi ! OEDIPE. - Hélas ! Hélas ! Malheureux que je suis ! Où m'emportent mes pas, misérable ? Où s'envole ma voix, en s'égarant dans l'air ?Ah ! Mon destin, où as- tu été te précipiter ? LE CORYPHÉE. - Dans un désastre, hélas ! Effrayant à voir autant qu'à entendre. Agité. OEDIPE. - Ah ! Nuage de ténèbres. Nuage abominable, qui t'étend sur moi, immense, irrésistible, écrasant. Ah ! Comme je sens pénétrer en moi tout ensemble et l'aiguillon de mes blessures et le souvenir de mes maux ! LE CORYPHÉE. - Nul assurément ne sera surpris qu'au milieu de telles épreuves tu aies double deuil, double douleur à porter. OEDIPE. - Ah ! Mon ami, tu restes donc encore, toi seul, à mes côtés ? Tu consens donc encore à soigner un aveugle ? Ah ! Ce n'est pas un leurre : du fond de mes ténèbres, je reconnais ta voix. LE CORYPHÉE. - Oh ! Qu’as-tu fait ? Comment as-tu donc pu détruire tes prunelles ? Quel dieu poussa ton bras ? OEDIPE. - Apollon, mes amis! Oui, c'est Apollon qui m'inflige à cette heure ces atroces, ces atroces disgrâces qui sont mon lot, mon lot désormais. Mais aucune autre main n'a frappé que la mienne, malheureux. Que pouvais-je encore voir dont la vue pour moi eût quelque douceur ? LE CHOEUR. - Las ! Il n’est que trop vrai ! OEDIPE. - Oui, que pouvais-je voir qui me pût satisfaire ? Est-il un appel encore que je puisse entendre avec joie ? Ah ! Emmenez-moi loin de ces lieux bien vite! emmenez, mes amis, l'exécrable fléau, le maudit entre les maudits, l'homme qui parmi les hommes est le plus abhorré des dieux ! LE CORYPHÉE. - Ton âme te torture autant que ton malheur. Comme j'aurais voulu que tu n'eusses rien su ! OEDIPE. - Ah ! Quel qu'il fût, maudit soit l'homme qui, sur l'herbe d'un pâturage, me prit par ma cruelle entrave, me sauva de la mort, me rendit à la vie ! Il ne fit rien là qui dût me servir. Si j'étais mort à ce moment, ni pour moi ni pour les miens je ne fusse devenu l'affreux chagrin que je suis aujourd'hui. LE CHOEUR. - Moi aussi, c'eût été mon voeu. OEDIPE. - Je n'eusse pas été l'assassin de mon père ni aux yeux de tous les mortels l'époux de celle à qui je dois le jour; tandis qu'à cette heure, je suis un sacrilège, fils de parents impies, qui a lui-même des enfants de la mère dont il est né. S'il existe un malheur au-delà du malheur, c'est là, c'est là le lot d'Oedipe ! 5 10 15 20 B CORNEILLE, Cinna (1640) - acte V, sc.3 Auguste, empereur de Rome, découvre qu’Emilie et Cinna, qu’il avait couverts de bienfaits, préparent sa mort. Devant une telle trahison, Auguste songe à se tuer puis, par un pur élan de générosité, s’élève jusqu'à la clémence. AUGUSTE En est-ce assez, ô Ciel ! et le Sort, pour me nuire, A-t-il quelqu’un des miens qu’il veuille encor séduire1 ? Qu’il joigne à ses efforts le secours des Enfers. Je suis maître de moi comme de l’Univers. Je le suis, je veux l’être. Ô Siècles, ô Mémoire2, Conservez à jamais ma dernière victoire, Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux De qui le souvenir puisse aller jusqu'à vous. Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie : Comme à mon ennemi je t’ai donné la vie, Et malgré la fureur de ton lâche destin3, Je te la donne encor comme à mon assassin. Commençons un combat qui montre par l’issue Qui l’aura mieux de nous, ou donnée, ou reçue. Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler, Je t’en avais comblé, je t’en veux accabler. Avec cette beauté4 que je t’avais donnée, Reçois le Consulat pour la prochaine année. Aime Cinna, ma fille, en cet illustre rang, Préfères-en la pourpre5 à celle de mon sang, Apprends sur mon exemple à vaincre ta colère, Te rendant un époux, je te rends6 plus qu’un père. 1. séduire : détourner du droit chemin. - 2. mémoire : souvenir de la postérité, renommée. - 3. destin : projet, dessein. - 4. cette beauté : Emilie. - 5. pourpre : la toge des consuls était bordée de rouge. - 6. rends : avant d’être empereur, Auguste avait fait tuer le père d’Emilie. Anne-Marie Duff (Bérénice), dans une mise en scène de Alan Hollinghurst à Londres (2012) 5 10 15 20 25 30 C RACINE, Bérénice (1670) - acte IV, sc.5 A la mort de son père, Titus devient empereur, mais il aime Bérénice, une reine orientale, et les lois de Rome interdisent une telle alliance. Pendant trois actes, Titus la fuit, incapable de lui parler. Bérénice, ayant appris la nouvelle par Antiochius, l’oblige à s’expliquer. BÉRÉNICE Hé bien ! régnez, cruel ; contentez votre gloire : Je ne dispute plus. J'attendais, pour vous croire, Que cette même bouche, après mille serments D'un amour qui devait unir tous nos moments, Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle, M'ordonnât elle-même une absence éternelle. Moi-même j'ai voulu vous entendre en ce lieu. Je n'écoute plus rien, et pour jamais, adieu. Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? Que le jour recommence et que le jour finisse Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice, Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ? Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus! L'ingrat, de mon départ consolé par avance, Daignera-t-il compter les jours de mon absence ? Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts. TITUS Je n'aurai pas, Madame, à compter tant de jours. J'espère que bientôt la triste renommée Vous fera confesser que vous étiez aimée. Vous verrez que Titus n'a pu sans expirer... BÉRÉNICE Ah ! Seigneur, s'il est vrai, pourquoi nous séparer ? Je ne vous parle point d'un heureux hyménée : Rome à ne vous plus voir m'a-t-elle condamnée ? Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez ? TITUS Hélas ! vous pouvez tout, Madame. Demeurez : Je n'y résiste point. Mais je sens ma faiblesse. II faudra vous combattre et vous craindre sans cesse, Et sans cesse veiller à retenir mes pas, Que vers vous à toute heure entraînent vos appas. Que dis-je ? En ce moment mon cœur, hors de lui-même, S'oublie, et se souvient uploads/Litterature/ corpus-heros-tragique.pdf

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