Correction de l’évaluation écrite, HLP, premières. 1) Contrôle notionnel : voir
Correction de l’évaluation écrite, HLP, premières. 1) Contrôle notionnel : voir cours, séance 1, première partie. Ne pas oublier de mentionner les termes grecs pour les différentes parties du discours (Cicéron et Quintilien). 2) Question d’interprétation : En quoi consiste la « juste distance » préconisée par l’auteur dans ce texte ? Méthode : si l’on connaît l’auteur et son œuvre, mieux vaut présenter brièvement le texte : Saint Augustin est un Père de l’Eglise du début du Moyen Age, né en Afrique du Nord. Il a été professeur de rhétorique à Thagaste, Carthage, Rome et Milan. D’abord manichéen1, il a été influencé ensuite par saint Ambroise et la lecture de la Bible qui l’amenèrent à la conversion en 386. Baptisé, il revint en Afrique, reçut la prêtrise, et fut ordonné évêque d’Hippone (Bône) en 396. Il est surtout connu pour deux œuvres majeures : les Confessions et la Cité de Dieu. Pour le développement, partir de ses premières impressions, comme pour une explication de texte : - Un texte en paragraphes ou courts chapitres : le quatrième est manifestement le plus long (donc, sans doute le plus riche de sens). - Type de texte : argumentatif. Il faudra rendre compte de cet aspect dans votre réponse, en lien avec la rhétorique justement, que l’auteur connaît bien lui-même. - On remarque d’emblée une progression du raisonnement : Et d’abord, certes (mouvement concessif, confirmatio ou pistis qui permet d’instruire et d’émouvoir), puis donc, mais… - On remarque aussi l’utilisation de l’exorde (prooïmion), où l’auteur prend d’utiles précautions oratoires, car la suite du texte nous montre un Augustin en rupture avec son métier et une certaine conception de la rhétorique, trop calquée sur le modèle d’Aristote. Il vénère toutefois Cicéron. Il ne remet pas en cause la rhétorique en soi, mais son utilisation ; il nous paraît fortement critique, et même ironique. En réalité, il s’agit surtout d’amener le lecteur à la foi chrétienne. Et la rhétorique elle-même peut y parvenir ! Ces dernières remarques 1 Manichéisme : fondée par le perse Mani ou Manès (IIIe siècle ap. J.-C.), religion qui défend la vérité rationnelle et représente la vie comme une lutte entre deux principes égaux, celui du Bien et celui du Mal. 1 peuvent entrer à la suite de la présentation de l’auteur si vous pensez avoir bien compris le texte, c’est pourquoi je les mets en gras. Sinon, ménagez un suspens en posant quelques questions de problématique : Y a-t-il une remise en cause de la rhétorique dans ce texte ? Qu’est-ce que la « juste distance » (qui fait penser à « juste milieu ») préconisée par l’auteur ? Comment la définir ?... - Dans la mesure où le texte est argumentatif, penser à bien isoler la thèse de l’auteur qui se trouve dans le cinquième paragraphe sous forme de question : « pourquoi les gens de bien (cf. « quelque homme de bien » dans le « préambule ») ne s’appliqueraient-ils pas à l’acquérir pour la mettre au service de la vérité, si les méchants, etc. »). Elle est déjà préfigurée, amorcée au début du quatrième. L’auteur utilise le conditionnel. - Passer à l’interprétation du texte sans entrer dans une explication linéaire trop paraphrasée. Un plan d’analyse n’est pas forcément nécessaire. Bien sûr, il faut tout de même donner des détails et être explicite. Ce qui peut donner : L’auteur montre une certaine finesse ironique dans sa « captatio benevolentiae » quand il prend à partie « certains lecteurs », défenseurs d’une rhétorique traditionnelle, qu’ils « croient » pouvoir retrouver dans n’importe quel ouvrage touchant de près ou de loin à la question. Augustin ne se veut pas ici théoricien à l’image d’un Aristote. Toutefois, il ne conteste pas l’ « utilité » des règles de la science rhétorique, lui-même les connaît et les a expliquées et appliquées. On le sent un peu désinvolte : « …doit faire l’objet d’une étude séparée », « si quelque homme de bien a du loisir à consacrer à cette étude ». Mais il ne faut pas oublier que le but ultime d’Augustin est d’amener son lecteur à Dieu, par l’idée du bien, qu’une bonne dialectique doit pouvoir servir. Avant d’exprimer clairement son point de vue dans le cinquième paragraphe, l’auteur passe par un raisonnement très subtil dans une sorte de confirmatio dans le quatrième paragraphe, où le jeu très riche de questions laisse penser qu’il cherche à établir un dialogue avec son lecteur, à l’amener à la « vérité » (de Dieu) dans une méthode d’approche qui rappelle davantage Platon2 que les sophistes. Effectivement, Augustin reprend les principes de la 2 Platon avait pressenti que le sage peut s’élever, par la raison, jusqu’à Dieu (ce que pense saint Clément d’Alexandrie) en décrivant l’ascension du sage vers l’Idée suprême. 2 dialectique (éristique) de la première sophistique pour mieux en saper les fondements : le mouvement est concessif (« certes »), la rhétorique peut persuader aussi bien du vrai que du faux. Platon disait qu’elle était l’art du « mensonge ». L’auteur s’appuie à partir de là sur une série d’idées préconçues, de préjugés : un bon orateur peut persuader (et non convaincre) du faux ; son exorde sera charmeur, sa narratio mensongère sera « brève, claire et vraisemblable », sa confirmatio ou pistis pleine d’ « arguments fallacieux », de sophismes propres à tromper un auditoire docile et crédule. En regard, et de façon radicalement opposée, le défenseur du « vrai », de la « vérité », sera ennuyeux dès le début de son discours, ne saura pas séduire, restera abscons, maladroit ou même sans voix, demeurera froid, distant et soporifique. Voilà les clichés véhiculés depuis l’Antiquité par les rhéteurs. Le raisonnement est rendu solide parce qu’il est à renversement argumentatif et qu’il s’établit a fortiori (« qui oserait dire que, face au mensonge, la vérité doit rester désarmée en la personne de ses défenseurs ? »), donc plus propre à rendre lucide le lecteur, à éveiller sa conscience par un jeu de questions et de réponses3, et à le faire changer d’avis, soit : si le lecteur tel que je l’imagine voulant défendre l’idée de bien, lequel le mène à Dieu, lequel l’amène à la religion chrétienne, qui trouve en la Bible de très bons exemples d’un bon usage de la rhétorique, accepte d’ « armer la vérité » en se détourant lui-même des images négatives qui lui sont renvoyées par les sophistes et leurs adeptes ou continuateurs, à plus forte raison, la raison triomphera, la bonne dialectique avec elle, la rhétorique mise au service du bien l’emportera sur celle mise au service du mal... On reconnaît ici au passage les influences manichéennes de l’évêque d’Hippone. Mais surtout, on perçoit très bien que la « juste distance » se situe là, dans cette compréhension du bon et du mauvais usage de la rhétorique, et du bon choix à faire. Grâce à ce raisonnement, la thèse déjà présente au début du quatrième paragraphe (« qui oserait… ? ») ne peut que mieux éclater en tête du cinquième, où l’on retrouve la même opposition entre le bien et le mal, et le même effet de miroir renvoyé à l’ « homme de bien », futur bon chrétien. On est sensible surtout à l’expression « à la disposition de tous », car Augustin veut dire à son lecteur qu’il n’est pas plus difficile d’utiliser la « faculté oratoire » quand elle est mise au service du bien ou du juste (critères des éloquences délibérative et judiciaire) que quand elle est mise au service du mal. 3 La maïeutique de Platon. 3 Dans les trois derniers paragraphes, Augustin continue de minimiser l’ « importance » d’une rhétorique scolastique mal utilisée. Les règles doivent s’apprendre plutôt vite (argument d’autorité : les « maîtres d’éloquence romaine » eux-mêmes l’ont dit) et quand on est jeune, séducteur, et qu’on n’a rien d’autre à faire, car, quand on est adulte, on va surtout s’attacher au « service de l’Eglise », et là, c’est d’une autre rhétorique, autrement persuasive, qu’il s’agit, pas celle des Protagoras, Critias et Gorgias, ensuite théorisée par Aristote, mais celle de Paul dans ses Epîtres du Nouveau Testament4. La « juste distance » réside donc dans cet écart entre deux façons d’aborder la rhétorique incluant une dialectique, et d’opter pour la bonne, inspirée de Platon, menant au bien, au bon et à Dieu. 4 Bossuet a écrit, dans son Panégyrique de saint Paul en 1659, à propos de l’éloquence de Paul, qu’elle « ne frappe pas les oreilles… mais porte ses coups droit au cœur. » 4 uploads/Litterature/ correction-de-l-evalution-1-hlp-1re.pdf
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- Publié le Jan 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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