Sujet : Étudier les correspondances entre Les Eaux mortes du Mékong de Kim Lefè

Sujet : Étudier les correspondances entre Les Eaux mortes du Mékong de Kim Lefèvre et Le Silence de la mer de Vercors. Les Eaux mortes du Mékong de Kim Lefèvre, l’histoire de l’amour impossible d’une jeune fille vietnamienne avec un soldat français qui, par les circonstances, devait être son ennemi, nous rappelle certainement de la nouvelle qui est déjà devenu classique dans la littérature française : Le Silence de la mer de Vercors. Les correspondances entre ces deux œuvres se trouvent non seulement au niveau de l’intrigue en général mais aussi dans de multiples détails qui se tournent autour les thèmes principaux : l’humanité en condition de guerre et le drame qu’inflige la guerre. En premier lieu, les deux œuvres se croisent dans leur intrigue. Toutes les deux histoires se déroulent dans un contexte de guerre (la Seconde guerre mondiale dans Le Silence de la mer et la guerre d’Indochine dans Les Eaux mortes du Mékong), mais dans les arrières. Ainsi, les personnages : monsieur Trân et sa fille Mây dans Les Eaux mortes du Mékong et l’oncle et sa nièce dans Le Silence de la mer ne doivent pas faire face directement à la guerre. L’idée de la guerre se manifeste, pour eux, à travers la présence d’un soldat du camp opposé dans leur domicile. Et c’est ainsi que commence l’histoire d’amour muet et impossible entre la jeune fille- hôtesse et le jeune soldat-occupant poli et « convenable ». Quoique cet amour soit déclaré (Les Eaux mortes du Mékong) ou tienne le silence jusqu’au bout (Le silence de la mer), après de longs déchirements et bouleversements chez les personnages, une fin dramatique est inévitable puisque les conditions de guerre et les traditions ne permettent pas un tel amour. Mais les points communs ne se trouvent pas simplement dans l’intrigue. On les retrouve également et surtout dans la manière dont les auteurs construisent le caractère des personnages : très humain. Dans le statut de l’occupant, l’officier allemand von Ebrennac et le lieutenant français Demaison auraient dû se comporter de manière brutale, arrogante, insolente. Pourtant, 1 contrairement à cette image typique des envahisseurs cruels et inhumains, ces soldats apparaissent comme des êtres très polis qui savent bien tenir une attitude convenable envers ses hôtes. On trouve que von Ebrennac commence toujours ses conversations par « s’il vous plaît », « pardonnez-moi », « je suis désolé » et les termine toujours par « Je vous souhaite une bonne nuit ». On trouve également ces termes de politesse dans les paroles du lieutenant français adressant à ses hôtes et la phrase exacte « Je vous souhaite une bonne nuit » dans Les Eaux mortes du Mékong (p. 153). Étant bien conscient que leur présence chez leurs hôtes est irraisonnable, le lieutenant français exprime son regret en guise d’excuse « je suis navré de vous imposer ma présence » (EMM, p. 64), tandis que von Ebrennac cherche à minimiser la visibilité de sa présence dans la maison en évitant de porter l’uniforme. À côté de la politesse envers les hôtes, ces soldats expriment, tous les deux, un grand intérêt pour la culture en général, et pour la culture du pays occupé en particulier. L’image des jeunes militaires qui restent longtemps contempler devant la bibliothèque de ses hôtes est une image impressionnante : « Il fit le tour de la pièce, s’arrêta devant la bibliothèque qu’il parcourut du regard. Il y avait, à côté d’ouvrages en chinois et en vietnamien, un recueil des fables de La Fontaine, les contes de Voltaire, Les Fleurs du mal… » (EMM, p. 65) et « Il était devant les rayons de la bibliothèque. Ses doigts suivaient les reliures d’une caresse légère. » (SM, p. 38). Von Ebrennac exprime toujours une grande admiration pour la culture (française et allemande) en citant longuement le nom des auteurs et en maintenant sa « rite » de venir parler de la littérature, de la musique chaque soir avec ses hôtes quoique ce soit toujours son monologue. Le jeune lieutenant français dans Les Eaux mortes du Mékong, lui aussi, montre son admiration pour la culture vietnamienne « J’ai commencé à lire certains de vos auteurs traduits en français et je trouve très belle votre littérature » (EMM, p. 153). Avec toutes ces politesses et ces admirations, l’image de ces soldats est apparue dans ces œuvres non comme un envahisseur ou un colon mais comme un être humain bien éduqué et sensible à la richesse culturelle de l’Autre. Le caractère très humain de ces personnages se manifeste également par leurs sentiments, leurs émotions qu’ils laissent transparaître à travers leurs souvenirs racontés : l’affection pour la nourrice vietnamienne du lieutenant français, le dégoût de l’officier allemand devant la scène où son amante arrachait les pattes d’un moustique l’une après l’autre et surtout la naissance de l’amour entre les jeunes soldats et les jeunes filles. L’amour peut être réprimé par la fille malgré toutes les allusions que fait von Ebrennac pour l’émouvoir : « Mais pour cela il faut 2 l’amour », « Un amour partagé » (SM, p. 49), « La sincérité toujours surmonte les obstacles. » (SM, p. 44). L’amour peut aussi être déclaré grâce au courage des personnages à dépasser toutes les contraintes que posent la situation et la tradition comme dans Les Eaux mortes du Mékong. Et à ce moment-là, le sentiment très humain qu’est l’amour triomphe sur tout : « Il n’y avait plus ni guerre, ni haine, ni colons, ni colonisés. » (EMM, p. 84) Le statut de militaire oblige les deux soldats à faire la guerre. Pourtant, ces derniers ne sont pas prêts à prendre l’autre comme ennemi. C’est pourquoi Demaison qui prépare seulement à dialoguer avec ses hôtes se trouve très étonné devant le conseil de son supérieur : « Avec ces Viêts, il faut s’attendre à tout, coupa le commandant. Vous être trop naïf, Lieutenant, mais vous apprendrez avec le temps. » (EMM, p. 82). Il ne pense même pas à arrêter et interroger celui qui a eu l’intention de le mettre en danger. Pour lui, quand « le mal a été évité », il vaut mieux « pass[er] l’éponge » (EMM, p. 158). De même pour l’officier allemand, sa bonté (toujours vue comme naïveté par ses supérieurs) le mène à croire en une fin heureuse et idéale de la guerre : l’union des peuples allemand et français dans l’harmonie de ses valeurs culturelles. C’est ce qui le pousse dans une déception totale et dans les sentiments amers quand le vrai but de la guerre lui est révélé : « Nous ne sommes pas des fous, ni des niais : nous avons l’occasion de détruire la France, elle le sera. Pas seulement sa puissance : son âme aussi. Son âme surtout. Son âme est le plus grand danger. » (SM, p. 62). Militaires, ces jeunes sont destinés à faire la guerre, c’est-à-dire à détruire. Or, tous les deux nourrissent un rêve de construire quelque chose : l’amour, l’harmonie entre les peuples… d’où leur drame. Le drame a été prévenu dès les deux titres. Le « silence » reflète l’attitude de la fille envers l’officier allemand et annonce aussi une fin qui n’est pas heureuse puisque l’amour du jeune allemand tombe dans le silence, sans aucune réponse. Les « Eaux mortes » annoncent aussi une fin tragique avec la mort du lieutenant Demaison. Sous le nom « Les Eaux mortes du Mékong » se cache également une légende d’une femme malheureuse tuée injustement par son mari. L’histoire racontée dans le roman est aussi l’histoire de la femme rendue malheureuse par les contraintes de la situation (la guerre) et par la tradition. 3 D’une manière générale, les deux œuvres sont tous l’histoire des êtres humains qui n’ont pas droit à leur propre bonheur puisqu’ils sont déchirés entre d’une côté, leur envie personnelle, et d’autre côté, leur devoir envers la patrie (aller se battre pour le pays, renoncer à l’amour de celui qui appartient au camp opposé). Les scènes de déchirement psychologique trouvent leur place dans tous les deux œuvres : « Le visage de ma nièce me fit peine. Il était d’une pâleur lunaire. Les lèvres, pareilles aux bords d’un vase d’opaline, étaient disjointes, elles esquissaient la moue des masques grecs. Et je vis, à la limite du front et de la chevelure, non as naître, mais jaillir, - oui, jaillir, - des perles de sueur. » (SM, p. 68) ; « Le Français regardait avec désespoir s’éloigner celle qu’il aimait. [..] C’était la guerre. Que pouvait-elle faire d’autre sinon le haïr en voyant son père menottes aux mains ? Et lui, pouvait-il laisser le père en liberté sans trahir sa patrie ? » (EMM, p. 169) Un roman et une nouvelle, différents en forme mais ayant de nombreuses correspondances dans l’intrigue, dans le titre, dans la manière de construire des personnages, Les Eaux mortes du Mékong et Le Silence de la mer sont de vrai chant tragique sur le destin humain dans l’absurdité de la guerre. Les abréviations uploads/Litterature/ correspondances-entre-les-eaux-mortes-du-mekong-de-kim-lefevre-et-le-silence-de-la-mer-de-vercors 1 .pdf

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