De l’âme Aristote Publication: Source : Livres & Ebooks Histoire de la Réformat

De l’âme Aristote Publication: Source : Livres & Ebooks Histoire de la Réformation du seizième siècle , par J.-H. Merle d’Aubigné ; Paris, quatrième édition, 1853. I Parmi les choses qu’on a voulu mettre à la mode dans ces dernières années, il faut compter le dé- dain du protestantisme. On a dit et répété avec la plus grande assurance que ce n’était pas une reli- gion. Si, dans leur ferveur, des catholiques ortho- doxes avaient seuls tenu ce langage, il n’en serait pas plus juste, mais il serait excusable : une foi ardente se fait pardonner l’intolérance spéculative ; seule, elle peut, sans trop de contradiction, se permettre les condamnations absolues. Mais des politiques épris du principe d’autorité, des conservateurs indifférens, des sceptiques que la discussion lasse, et qui aiment que la force les décide, ne sachant pas se décider par la raison, ont imaginé un jour qu’une croyance forti- fiée dans les épreuves de la guerre et de la persécu- tion, et qui, propagée et soutenue par tant de sages et fermes esprits, échauffe et maîtrise de grandes na- tions, était, comme on dit, une simple critique, une controverse sans terme, une pure négation. Il serait étrange cependant qu’une vide combinaison d’ana- lyse et de polémique eût suffisi longtemps au gou- vernement moral des sociétés où le frein religieux de- meure le plus puissant, et que trouble le moins l’es- prit destructeur de l’incrédulité moderne. Malheu- reusement il y a des gens qui ne voient plus que désordre là où règne une certaine liberté ; l’unité ob- tenue à tout prix, l’unité silencieuse, peut seule ras- surer l’égoïsme pusillanime et la frivolité sceptique, faiblesses dominantes de nuire époque. Ceux qui ne voudraient en ce monde que dormir leur sommeil ont depuis un temps conçu une aversion générale pour les choses qui agitent la conscience humaine. La réformation a partagé le sort de tout ce qui, dans le passé, a troublé la quiétude sociale, et la rancune d’une réaction irréfléchie a remonté jusqu’au XVIe siècle. Comme ce rigorisme futile est ordinairement ac- compagné d’une grande paresse d’esprit et fait pro- fession d’être sans curiosité, on a généralement né- gligé et même ignoré, en dehors des communions protestantes, les travaux intellectuels qui s’opéraient dans leur sein. On ne connaît guère toute une littéra- ture réformée qui se publie à côté de nous. Sermons, apologies, controverses, romans religieux, monogra- phies, biographies, livres d’histoire enfin, il s’est com- posé entre Genève et Paris, depuis quinze ou vingt ans, bon nombre d’ouvrages de toutes sortes, nul- lement indignes de l’attention publique. Dans ces écrits, le bon et surtout l’excellent est rare comme partout, mais il y a très peu de mauvais. On y peut critiquer une certaine monotonie d’idées et de ma- nières, de la raideur, de la froideur, moins d’imagina- tion que de sens, enfin, pour le fond, plus d’élévation que d’étendue dans la pensée ; mais le ton de la sin- cérité et de la conviction, la gravité, un profond sen- timent moral, une instruction solide, une constance intellectuelle qui se défend des engouemens et des dérèglemens de la fantaisie contemporaine, une ho- norable fidélité aux vrais intérêts de l’humanité, à ces intérêts dont le premier est la dignité de l’homme, voilà ce qui recommande ces productions, et même les plus médiocres. Quelques-unes doivent être par- ticulièrement distinguées. Par exemple, l’ Histoire des Protestans de France , par M. de Felice, est un ou- vrage bien pensé, bien écrit, dont le seul défaut est le manque de nouveauté d’une grande partie du sujet. Nous ne louerons pas après M. Villemain la remar- quable Histoire de la Littérature française à l’étran- ger , par M. Sayous. Sur un sujet analogue, M. Weiss vient de publier deux volumes très intéressans (1). Avec des talens divers, un esprit de véritable sagesse brille dans tous ces ouvrages. On trouvera plus de dé- fauts peut-être, mais bien plus d’originalité et d’éclat, dans l’ Histoire de la Réformation , par M. Merle d’Au- bigné. Cette histoire, un des livres distingués de notre temps, a obtenu un grand succès en Angleterre et en Amérique. Souvent réimprimée et traduite, elle pour- rait bien être plus connue dans le reste du monde que dans le pays où se parle la langue de l’auteur. La sym- pathie religieuse a sans doute contribué a faire re- chercher une histoire qui manquait sous cette forme à ceux qu’elle intéresse le plus. Tous les protestans ont loué un ouvrage qui les instruit et les édifie. Il a pu avoir un succès de secte, mais il en mérite un plus étendu. D’ailleurs, quand les sectes sont des nations entières, des nations éclairées et sages, leur suffrage est une recommandation puissante à laquelle nul lec- teur apparemment ne se repentira d’avoir déféré. M. Merle d’Aubigné, pasteur, je crois, aux Eaux- Vives, près Genève, n’est pas un écrivain ordi- naire. Il réunit, avec les connaissances nécessaires pour l’œuvre qu’il a entreprise, quelques-unes des meilleures qualités de l’historien, l’ordre, la clarté d’esprit, le talent de raconter, une imagination forte qui se représente vivement les choses, une sévérité éclairée qui juge, une résolution d’esprit qui conclut. Son style est coloré, animé, parfois éloquent ; il sait peindre. La couleur peut paraître forcée par places, les tours sont quelquefois plus oratoires qu’on ne voudrait, les traits ne sont pas constamment heureux, et l’auteur ne se préserve pas assez de la déclamation. La diction, en général grave et correcte, manque de souplesse et de facile élégance. Elle ne descend pas toujours avec grâce à la familiarité. On peut critiquer du néologisme, des locutions qui sentent le terroir, des traits enfin d’un goût hasardé. Les réflexions, né- cessaires chez un véritable historien, surtout chez un historien religieux, sont trop prodiguées, ou laissent désirer plus de brièveté. A part ces taches légères, qui même pourraient disparaître, il reste un beau livre, écrit avec talent et avec passion. La passion est un mérite littéraire, souvent même une condition du talent. Elle ne manque point au nouvel historien de la réformation, parce qu’elle anime l’homme lui-même. En retraçant les scènes du XVIe siècle, il s’émeut, il s’indigne, il s’attendrit comme ses héros. Avec leur foi, il partage leurs af- fections, leurs espérances, leurs douleurs et souvent leurs colères. Ce serait le méconnaître pourtant que de lui refuser toute impartialité. S’il n’a pas celle de l’indifférence, s’il manque de cette flexibilité d’es- prit qui s’intéresse à toutes les causes et s’identifie avec tous les caractères pour rendre ses tableaux plus vivans, il a les sentimens d’un honnête homme, le ferme propos de ne pas calomnier ses adversaires, de ne pas flatter son parti. Plus d’une fois il juge les siens avec une sévérité consciencieuse ; mais cette impartialité péniblement cherchée ne réussit point à inspirer une équité parfaitement intelligente pour des croyances que l’on combat par devoir. Elle est un fruit de la volonté, et M. Merle d’Aubigné sait mieux que personne combien la volonté humaine est im- puissante. Elle ne peut se donner celle justice qui ne va pas sans la bienveillance, - grâce de cette sorte de justice. Il raconte une guerre dans laquelle il eût voulu combattre, que dis-je ? dans laquelle il combat encore. C’est le bon combat , croit-il ; Dieu est avec lui ; les ennemis de sa foi sont donc les ennemis de Dieu. C’est beaucoup que de ne les pas outrager, mais comment ne pas les méconnaître ? Comment rendre pleine justice à leurs doctrines, à leurs motifs, à leurs sentimens ? On ne peut lire M. Merle d’Aubigné sans un vif intérêt, sans une sérieuse estime, ni pourtant avec une aveugle confiance. Il faut mettre à l’épreuve ce noble esprit avant de l’en croire. Probate spiritus . La réformation du XVIe siècle est un événement européen ; elle a éclaté presque au même instant dans les principaux pays de l’Europe. En moins de dix ans, elle avait envahi l’Allemagne, la Suisse, la France et l’Angleterre. Son apparition presque simul- tanée et son prompt développement sur des points divers prouvent qu’elle venait d’une cause générale, et partout elle s’est montrée avec des caractères com- muns qui attestent une certaine unité. C’est donc à quelques égards une seule et même révolution qu’on peut embrasser dans son ensemble, et qui compor- tait une histoire générale ; mais, née en même temps sur des terres diverses, elle n’est pas née d’un germe unique. Ce n’est pas un mouvement qui, partant d’une seule origine, se soit propagé de proche en proche. A une certaine époque de l’esprit humain, à un certain âge de la société moderne, tout était mûr en plusieurs contrées pour qu’elle vînt au monde, et de là, à proprement parler, plusieurs reformations, qui par leurs ressemblances ont constitué la réfor- mation générale. Cependant la diversité des circons- tances, des symboles, des institutions, des individus, des conduites, a suivi la différence des nationalités. L’esprit de système pourrait seul ramener les évé- nemens, considérés soit en eux-mêmes, soit dans leurs principes, soit uploads/Litterature/ de-l-x27-ame-aristote.pdf

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