Adrien Subiela Master 2 (et inversement) De l’IMAGE dans la LITTÉRATURE : Expér
Adrien Subiela Master 2 (et inversement) De l’IMAGE dans la LITTÉRATURE : Expérimentation et héritage dans les fanzines français contemporains Cours image et discours – J.P. Montier 2008/2009 RENNES 2 Villejean 1 « (…) de même qu’il ne saurait y avoir de photographie de la littérature, il ne saurait y avoir de "littérature" de la photographie, car la "littérature" de la photographie, c’est la photographie elle-même. » Denis Roche, La Disparition des lucioles Introduction : une littérature sans écriture Lors d’un précédent travail j’avais défendu l’idée que la bande-dessinée avait droit à être considérée comme faisant partie de la littérature. On pourrait en résumer l’argumentaire ainsi : la bande-dessinée plutôt que d’être ce genre « bâtard » quelque part entre la littérature et les arts plastiques, serait une forme d’écriture avec des images. Pour peu que cette écriture soit maniée avec intelligence, elle peut devenir œuvre littéraire au même titre que toute écriture1. Je présentais alors plusieurs œuvres de bande dessinée afin d’illustrer ce propos. Faisons comme si le lecteur avait lu ce travail et y avait apporté son crédit. Rappelons aussi l’existence de bandes dessinées muettes, sans aucun texte, accordons-nous sur le fait qu’il s’agisse toujours là d’écriture, de littérature. Existerait-il alors des œuvres de littérature sans qu’il y ait écriture – alphabétique s’entend –, des œuvres littéraires faites de seules images ? J’ai quelque part dans ma bibliothèque un petit ouvrage de photographie : Des animaux morts Une vie ailleurs2. Il s’agit à première vue d’un simple recueil, d’une collection de photos. Or, je rencontrais un jour son auteur, Sylvain Bouillard ; celui-ci, lâcha, au court de la discussion, à propos de ce livre : « Le plus dur, c’est de trouver l’histoire. » Je ne prenais pas garde à cette déclaration ; cependant elle resta quelque part dans ma mémoire et revint me titiller l’esprit à plusieurs reprises lors de ma réflexion sur la bande dessinée. Reprenons : en parcourant de nouveau l’ouvrage de Sylvain Bouillard, sa déclaration en tête, il devint évident que celui-ci n’était pas une simple juxtaposition de photos variées. Même, la plupart d’entre elles, prises séparément, n’auraient eu que très peu d’intérêt ; ensemble, elles se répondaient, se faisaient écho. Sans pouvoir précisément parler d’une histoire – début, 1 Voir aussi le livre de Harry Morgan, chez L'An 2, Principes des littératures déssinées, défendant la même idée de façon plus complète et détaillée. 2 BOUILLARD Sylvain, Des animaux morts Une vie ailleurs, aux éditions Terre Noire. 2 milieu, fin – quelque chose était raconté, comme s’il s’agissait là d’un poème ; il y avait bien écriture. Mais alors, mon livre de photos était-il un ouvrage littéraire ? L’affirmer serait hasardeux, l’auteur lui-même ne l’ayant peut-être pas envisagé. Cependant la question se pose, et au-delà, elle en entraine d’autres sur l’objet littéraire d’une façon générale. Des questions qui trouvent leur écho dans les préoccupations actuelles de la recherche littéraire, et les récentes publications des PUR, telles que À l'œil, Littérature et photographie, Soleil noir…, le démontrent bien : l’image dans la littérature questionne de plus en plus. C’est un fait, les écrivains et les artistes ne nous ont pas attendus pour mettre des images dans leurs livres, et on peut aujourd’hui affirmer avec assurance que s’il y eut un jour quelqu’un pour dire « la littérature, c’est le texte et rien que le texte », celui-ci était dans l’erreur. Nous voulons ici nous pencher sur un lieu mal connu et où pourtant texte et image dialoguent et fusionnent plus que jamais : le fanzinat et la micro-édition. « Do it yourself ! » ou l’école du bricolage François Moll, éditorial du premier numéro de la revue En attendant Il faut immédiatement préciser ce que nous entendons par ces termes. Tout d’abord, lorsqu’il s’agit de micro-édition, nous désignons des ouvrages publiés à très peu d’exemplaires (jusqu’à une trois-centaine, au-delà on parlera alors de « petite édition »), absents la plupart du temps des réseaux officiels de distribution et des grandes librairies. Les maisons d’édition dites « micro » se réduisent souvent à une, deux, voire trois personnes, parfois un groupuscule incertain et variable d’une dizaine de personnes, dans le cas de collectifs. Mais toujours, il s’agit d’une certaine façon, autant de bricolage que d’artisanat. C'est-à-dire que bien souvent chacun fait tout, à la différence de l’édition générale où les tâches sont dispatchées entre plusieurs spécialistes. Dans la micro-édition ont est à la fois auteur, éditeur, maquettiste, manutentionnaire, distributeur, diffuseur et vendeur. La forme la plus répandue de micro-édition est certainement celle des fanzines. Apparus aux États-Unis aux alentours des années 303, il s’agit de petits magazines d’abord ronéotypés4, 3 Voir l’article de Jean-François Plaque, publié dans les trois premiers numéros de la revue Bifrost en 1996 et reproduit dans la base de donnés du site internet Noosfere.org. 4 La « Ronéo » est cette bonne vieille machine utilisée dans nos écoles primaires par nos maîtresses et qui donnait ces copies à l'encre bleue sentant bon l'alcool. 3 puis photocopiés. Dans un premiers temps, ils sont surtout l’oeuvre des lecteurs de science-fiction et de fantasy. D’ailleurs le terme « fanzine » s’avère une contraction de « fanatic magazine », qui sous-entend l’idée de lecteurs. Il ne s’agit donc au début pas de création, mais plutôt de comptes rendus sur les festivals et les sorties de livres. Mais très vite, on a vu apparaître des nouvelles au sein des pages de ces magazines. Au niveau de la SF et des genres afférents, on a même pu remarquer que bon nombre d’auteurs aujourd’hui célèbres sont passés par cette forme éditoriale (selon certains, il s’agirait même d’un passage rituel obligatoire, et ceux qui ne s’y plieraient pas risqueraient les foudres du fandoms5). Dans les années 70, plusieurs faits sont à noter : la démocratisation de la photocopieuse, qui a permis un essor certain à la forme ; une révolte des auteurs de bande dessinée face à la censure ; l’apparition du punk et du credo « do it yourself »6. Ces trois faits sont essentiels, constitutifs de tout ce que représente aujourd’hui l’idée de fanzine : Premièrement, les fanzines sont faits avec les moyens du bord, et reproduits à faible coût, avec les techniques accessibles à tout un chacun : la photocopie est par sa facilité d’accès le moyen privilégié, qui est devenu à force presque une revendication. Puis, les fanzines se veulent aussi souvent comme une sorte de contre pouvoir, de lieu d’indépendance ; car, si la censure n’est plus réellement existante, les lois du marché paralysent parfois les entreprises audacieuses qui trouvent refuge dans l’auto-édition et donc dans les fanzines. Enfin, héritiers à la fois de l’undergound de la bande dessinée américaine, ainsi que de l’imagerie et de l’idéologie du punk, ils possèdent souvent une esthétique tapageuse, faite avec trois fois rien ; collages, dessins crades, textes provocants. Bien sûr, avec le temps les auteurs se sont plus ou moins détachés de cette tradition, soignant parfois la présentation, choisissant une impression plus luxueuse que la simple photocopie (les moyens techniques contemporains étant de plus en plus accessibles). Mais quoi qu’il en soit, persiste cette idée que chacun peut faire quelque chose, chacun peut s’exprimer, réaliser une oeuvre et la transmettre. Inutile d’être ni un grand artiste, ni d’avoir un grand potentiel commercial. Le principe inhérent étant celui du bricolage7 et du « do it yourself » qui reste toujours la donnée essentielle. 5 « Fandoms », ou l’assemblée des fans. Lire l’article du même nom dans La Science-fiction, par Lorris Murrail dans la collection « Guide Totem » de Larousse. 6 Il est à noter que la musique punk s’est beaucoup diffusée à l’aide de nombreux fanzines dédiés à ce genre qui, à ses débuts, n’avait pas trouvé sa place dans la presse musicale. 7 Nous renvoyons aussi à la définition du « bricolage » de Levy-Strauss dans La Pensée sauvage, pages 30 à 31 de l'édition de poche chez Pocket. 4 Un bon exemple de ce principe pourrait être illustré par cette bande de Daniel Cressan, extraite de ce qui fut présenté comme « l'album le plus mal dessiné, mal photocopié, et agrafé avec une négligence qui force le respect ! » dans les chroniques du magazine Ferraille8 : Ne résumons pas la micro-édition et les fanzines à cela. On n'y trouve aussi des livres bien dessinés, ou d'autres aussi mal dessinés mais avec beaucoup moins de finesse d'esprit. Cependant, il s'agit d'un lieu où les règles et les enjeux diffèrent quelque peu de ce qui se passe dans l'édition traditionnelle9. C'est le lieu par excellence où chacun a – pour peu qu'on décide de se lancer – sa chance. Evidemment, les résultats sont souvent innégaux, et peu sont ceux qui arrivent à maîtriser parfaitement toutes les étapes de la chaîne du livre. Or, quand celles-ci sont à peu près contrôlées, où du moins dès lors qu'elles se révèlent à la conscience des auteurs/éditeurs (souvent après de nombreuses mésaventures éditoriales10), cela peut donner des livres ayant uploads/Litterature/ de-l-x27-image-dans-la-litterature-l-x27-exemple-des-fanzines.pdf
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- Publié le Fev 01, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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