Charles Delvoye Charleroi, le 18 avril 1917; Watermael-Boitsfort, le 9 décemhre
Charles Delvoye Charleroi, le 18 avril 1917; Watermael-Boitsfort, le 9 décemhre 1991. Correspondant de la Classe des Lettres en 1977 ; membre en 1988. Archéologue. Professeur à l'Université libre de Bruxelles. par Jean BINGEN Charles Delvoye s'est éteint inopinément le 9 décembre 1991 dans la sérénité du sommeil, alors que, vice-directeur de la Classe des Lettres de l'Académie Royale de Belgique, il se préparait à mission, il l'aurait remplie avec son dynamisme habituel et une santé retrouvée après quelques mois difficiles, et il l'entrevoyait avec une joie réelle. Car, paradoxalement, cet esprit indépendant, souvent sceptique, quelquefois révolté, avait aussi le goût et le respect des institutions. Ce double abord des honneurs, l'accueil critique et le respect de ce qui s'organise dans la loyauté, expli- que peut-être que Charles Delvoye a si bien répondu toute sa vie à comme maître, et de même à l'École française d'Athènes, dans sa Fondation archéologique ou à l'Académie Royale de Belgique. Charles Delvoye est né à Charleroi le 18 avril 1917. La car- riére de son père, originaire de Frasnes-les-Buissenal, fonction- naire des Postes, a fait voyager son enfance et son adolescence de Charleroi à Couvin, d'Antoing à Tournai, et Charles Delvoye aimait dire qu'il était avant tout Hennuyer, d'un Hainaut dont l'autre versant, celui des luttes ouvrières difficiles dans la région de Charleroi, lui avait été conté par sa mere et les proches de celle-ci. Après six ans d'Humanités à l'Athénée royal de Tournai, Charles Delvoye fut, à l'Université libre de Bruxelles, un étudiant brillant. Il est licencié en philologie classique en 1939, puis en archéologie et histoire de l'art en 1941. Sans heurts, une carrière universitaire féconde va le mener d'un mandat précoce d'éléve- assistant à l'ordinariat et à la présidence de sa Faculté. En effet, on ne peut parler de solution de continuité lorsque, de 1942 à 55 Notices Charles Delvoye www.academieroyale.be www.academieroyale.be 1952, le Fonds National de la Recherche scientifique, où il accé- dera au titre d'associé, lui donne les moyens de poursuivre la recherche, car il a rempli ce mandat à l'Université de Bruxelles, des que celle-ci reprend ses enseignements à la Libération. Les années de guerre furent aussi pour lui des années de résistance active, particulièrement dans la presse clandestine et dans le ren- seignement. Après la fermeture de l'Université, sous le couvert de la recherche scientifique, il assure des cours clandestins. Encore étudiant, il a été remarqué par deux de ses maîtres. Hubert Philippart lui confie comme sujet de mémoire de licence la publication d'une coupe en or préhellénique des Musées Royaux d'Art et d'Histoire, et lui fait décerner avant la fin de ses études la bourse Charles Grégoire pour lui permettre de passer immédiatement un an en Gréce. Au même moment, Germain Bazin consacre à l'art byzantin son cours d'Histoire de l'art du moyen âge. L'enthousiasme est réciproque. L'étudiant est boule- versé par le cheminement nouveau du devenir grec qu'il découvre dans des leçons où la rigueur scientifique s'allie à la richesse de l'information ; le maître, si avare de points, le notera 20/20. Parti en Grèce (il sera hôte boursier de l'École française d'Athènes), le jeune Charles Delvoye subit le choc du contact direct avec les sites antiques et le peuple grec. Cependant, il complète son expé- rience du monde préhellénique et hellénique par un séjour d'étude à Istanboul. Constantinople fera plus tard pencher le poids majeur de ses intérêts et de ses travaux vers Byzance. Pourtant c'est encore dans son premier domaine de recherches qu'il obtiendra le doctorat en 1946. Sa dissertation est consacrée aux civilisations néolithiques du continent grec et des îles. Il s'y affirme d'emblée comme un maître des études égéennes préhisto- riques. C'est dans ce domaine que se situe l'essentiel de sa pre- miére bibliographie jusqu'en 1953 et on y note un travail impor- tant qu'il intitule modestement Remarques sur la seconde civili- sation néolithique du continent grec et des îles avoisinantes. De 1947 à 1949, il réalise le rêve né lors de son premier voyage en Gréce, être membre étranger à part entière de l'École d'Athénes. Jusqu'á sa mort, il a gardé comme un éblouissement pour la qualité intellectuelle du milieu français où il est plongé, pour la qualité aussi des amitiés qu'il va nouer avec des compa- gnons de ciel grec qui seront plus tard parmi les titulaires les plus brillants de l'archéologie et de l'histoire grecque en France. Ceux-ci, de leur côté, ne cesseront de parler avec émotion de la 57 Notices Charles Delvoye www.academieroyale.be valeur scientifique et de la richesse humaine de leur camarade belge, combien joyeux et combien savant. Ils lui marqueront leur estime en lui faisant décerner le doctorat honoris causa successi- vement à Montpellier (1959), Nantes (1965) et Bordeaux (1967) et en occupant régulièrement des chaires de conférencier à la Fondation archéologique de l'Université libre de Bruxelles. En 1952, Charles Delvoye quitte le FNRS pour être nommé chargé de cours à l'Université de Bruxelles. A 39 ans, en 1956, il est promu professeur ordinaire, et, de 1964 à 1967, assume la charge de doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres (on disait alors à Bruxelles Président de la Faculté). En 1954, il est nommé directeur de la Fondation archéologique de l'Université libre de Bruxelles, qui, sous son égide dynamique, soutiendra bien des vocations de jeunes chercheurs. Il fut un des fondateurs de l'Insti- tut du Christianisme dont il resta longtemps co-directeur. Il s'y vit confier en 1965 le nouveau cours d'« archéologie chré- tienne». Ceci élargissait heureusement l'enseignement d'« ar- chéologie byzantine », dont Charles Delvoye avait été le premier titulaire en 1950 à l'Institut d'Histoire et de Philologie orientales et slaves. Mais surtout il a fait vivre sa section d'Histoire de l'Art et d'Archéologie, veillant à son expansion et à son renouvelle- ment, particulièrement dans le domaine de l'art contemporain. Jusqu'á sa retraite en 1987, il en restera le mentor de même qu'il resta jusqu'au bout l'une des voix écoutées par la Faculté. Il fut aussi un animateur de revues scientifiques. Il dirigea quelques années la Revue de l'Université de Bruxelles, et fut longtemps membre du quatuor de gestion de l'Antiquité classique, où il con- féra à la section bibliographique de la revue une richesse et un sérieux qui la transformérent en une sorte de moniteur des études classiques. Il fut le vice-président et le trésorier de la revue Byzantion, à laquelle il réservera régulièrement depuis 1957 une Chronique archéologique d'une densité exceptionnelle. La der- niére a p a r u à titre posthume dans le volume de 1992 qui lui est dédié. Sa production scientifique comme son enseignement universi- taire ont été marqués par une philosophie globalisante de sa disci- pline : percevoir l'artefact ou la création artistique dans le con- texte social et politique où ils ont été élaborés, mais aussi les situer dans l'expression culturelle polyvalente de leur époque, et, en plus, dans la continuité mouvante du groupe qui les a suscités. Sa double formation et surtout la chance et le mérite qu'il a eus 58 Notices Charles Delvoye www.academieroyale.be de s'initier au meilleur niveau dans des perspectives tres différen- tes de l'histoire de l'art, depuis la préhistoire jusqu'á la chute de Constantinople, pour ne pas parler de la sculpture contemporaine, expliquent comment l'historien de l'art a pu réaliser tout naturel- lement cette fusion ambitieuse et difficile de la diachronie et de la synchronie dans son enseignement comme dans sa recherche. Le réaliser d'ailleurs dans la simplicité du ton et la richesse d'une érudition qui ne faisait peur chez lui ni à l'historien d'art, ni au byzantinologue. Il avait vécu comme une aventure intellectuelle la conception, puis la direction avec son ami Georges Roux, d'une œuvre collec- tive, La Civilisation grecque de l'Antiquité à nos jours, publiée à hende le mieux l'ampleur de sa pensée, parce qu'elle y est multi- ple et rigoureuse, mais aussi volontairement à la portée de tout lecteur cultivé. Ses propres contributions, quelques titres qui ont le poids de trois grands livres, révèlent probablement le mieux la convergence des vecteurs si différents de ses curiosités, de sa sen- sibilité et de son information. Le Bassin de l'Égée avant l'arrivée des Doriens nous rappelle son premier champ d'investigation scientifique. À l'autre bout de son temps de Grèce, plusieurs cha- pitres sont consacrés à l'histoire du monde grec à l'époque byzan- tine, à la vie intellectuelle et aux arts plastiques des Byzantins et à Ils sont dans la droite ligne de son grand livre sur L'art byzantin (1967) et, pour remonter plus haut encore, comme un écho dense et réfléchi de cette révélation qu'il a eue très tôt, sous l'influence d'Henri Grégoire et de Germain Bazin, que l'étape byzantine de la culture grecque est complexe et riche de substrats souvent con- tradictoires. Car, chez lui, l'étude multiple de Byzance fait que l'historien de l'art devient en même l'historien d'une culture polymorphe, porteuse de traditions classiques, chrétiennes et orientales. La magistrale contribution qu'il a donnée à ce même recueil sur Les arts plastiques traduit, des le sous-titre même, Du uploads/Litterature/ delvoye-charles.pdf
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- Publié le Jul 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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