Autour du théorème de Tauber Norbert Verdier N.Verdier : Professeur Agrégé de M
Autour du théorème de Tauber Norbert Verdier N.Verdier : Professeur Agrégé de Mathématiques à l'Institut Universitaire de Technologie de Cachan (Université Paris- Sud). Auteur de plusieurs ouvrages consacrés soit à l'enseignement (2 tomes Chez ESKA, Faire des maths avec Mathematica chez Ellipses en 2002) soit à la vulgarisation et à l'histoire des sciences : L'infini en mathématiques, (Ed. Flammarion, 1997), A quoi servent les mathématiques ? (Ed. Milan, 1998) , Le Dico des Sciences (1999, Ed. Milan), Qu'est-ce que les mathématiques ?(Ed. Le Pommier, 2000), Le Discret et le continu (Ed. Le Pommier, 2002). Il est membre du comité de rédaction de la revue Tangente, consacrée aux mathématiques. Dernier ouvrage paru : Evariste Galois, le mathématicien maudit, in Les Génies de la Science, Pour la science, Février 2003. Cet article a été publié sous une forme légèrement modifiée dans Sciences & Info prépas, n°12, avril 2001, pp.28-31 Soit une série entière de rayon de convergence fini. Que se passe-t-il au voisinage d'un point du cercle de convergence ? L'article examine cette question et montre des applications d'un certain nombres d'exercices types (lemme de Bernoulli, Cesaro, calculs de séries ...) si souvent posés aux oraux des concours. Première réponse : le théorème d'Abel Soit f la série f(z) = ∑ ∞ =0 n n nz a et R ron rayon de convergence (fini). Si la variable z tend vers un point z0 en restant dans le disque de convergence. Il n'est pas toujours vrai que : f(z) tend vers f(z0) En revanche, c'est le cas si l'on rajoute la condition qu'il conviendra de schématiser : z reste dans le secteur angulaire définie par : z tend vers z0 en restant dans un angle ayant pour bissectrice le rayon Oz0 et de mesure 2a avec a strictement compris entre 0 et p/2. La démonstration est classique et figure par exemple dans [Combes], pp.125-126. Nous insisterons simplement sur le fait que la condition supplémentaire imposée implique que z ne doit pas tendre vers un point du cercle en empruntant la tangente au cercle à ce point. En effet, dans ce cas on peut avoir f(z) qui ne tend pas vers f(z0). Par exemple, Hardy et Littlewood (voir bibliographie) ont étudié la série f(z) = ∑ ∞ = − 1 n n a in b z e n où 0 < a < 1 et b > 0 et ont montré qu'elle converge en 1 (si b > 1-a et si b < 1-a/2). Pourtant si z tend vers 1 tangentement au cercle f(z) ne tend pas vers f(1). Examinons la réciproque du théorème d'Abel en convenant dans tout ce qui suit que R = 1 et que z0 = 1 (ce qui n'est pas une perte de généralité via un changement de variable). Si f(z) a une limite finie quand z tend vers 1, cette limite vaut-elle ∑ ∞ =0 n n a ? NON. Il suffit de prendre une série géométrique (c'est quand même beaucoup plus simple que l'exemple précédent). En effet f(z) = ∑ ∞ = − 0 n n ) z ( a pour rayon 1 et vaut : f(z) = 1/(1+z) si z < 1. Ainsi f(z) tend vers ½ (quand z tend vers 1) pourtant la série est divergente en 1 (puisque son terme général (-1)n ne tend pas vers 0). Toutefois la réciproque du théorème d'Abel est rendue vraie avec des conditions supplémentaires : c'est l'objet du théorème de Tauber. Deuxième réponse : le théorème de Tauber Si l'on rajoute la condition nan tend vers 0 qund n tend vers l'infini l'hypothèse "∑ ∞ =0 n n nx a tend vers une limite finie quand x, réel, tend vers 1 (x < 1)" entraîne la convergence de la série numérique ∑ ∞ =0 n n a . Démonstration Elle s'appuiera sur deux lemmes, sujets d'exercices classiques : Lemmes de Bernoulli et de Cesaro É Lemme de Bernoulli Pour tout x de [-1,1] on a l'inégalité : 1 xn − § n x 1− Ce résultat se prouve de diverses manières (par récurrence, avec le théorème des accroissements finis, directement ou par étude de fonction; voir respectivement [Verdier] pp.39-41, p.101, pp.114-115, pp.168- 169). É Lemme de Cesaro Soit une suite (un) convergente vers u alors la suite (vn) définie par : vn = n u n 1 k k ∑ = (c'est-à-dire que cette suite est la moyenne arithmétique de la première suite). converge aussi vers u . Voir [Combes], pp.11-12. Le cœur de la démonstration Soit x dans ]0,1[ et soit N un entier; si l'on sait faire tendre vers 0 la quantité f(x) - ∑ = N 0 n n a quand N tend vers l'infini, on aura bien établi le résultat de Tauber. La quantité précédente vaut : f(x) - ∑ = N 0 n n a = ∑ ∞ =0 n n nx a - ∑ = N 0 n n a = ∑ = − N 0 n n n ) 1 x ( a + n 1 N n nx a ∑ ∞ + = Soient A et B ces deux dernières sommes. É Etude de A D'après le lemme de Bernouilli on déduit la majoration suivante: ∑ = − N 0 n n n ) 1 x ( a = ∑ = − N 0 n n n ) 1 x ( a § (1-x) ∑ = N 0 n n na Il est temps de faire intervenir le lemme de Cesaro. En multipliant et en divisant la dernière somme par N, il vient : (1-x) ∑ = N 0 n n na = N(1-x) N na N 0 n n ∑ = Choisissons x = 1 – 1/N de sorte que x = 1. Ensuite l'hypothèse ∞ → n lim nan = 0 couplé avec le résultat de Césaro entraîne que la somme a une limite nulle. Bilan : A tend vers zéro! É Etude de B Faisons apparaître nan puisque l'hypothèse porte sur ce terme : B = n 1 N n nx a ∑ ∞ + = = n x na n 1 N n n ∑ ∞ + = Suit un travail de majoration somme toute usuelle : B § N ) na ( Sup N n n > ∑ ∞ + = 1 N n n x § ) x 1 ( N ) na ( Sup N n n − > Comme par choix de x, N(1-x) = 1 et comme ∞ → n lim nan = 0 il vient que B aussi a une limite nulle. Bilan : A et B ayant des limites nulles. Le théorème est démontré! Le théorème de Littlewood Littlewood a démontré que l'hypothèse ∞ → n lim nan = 0 peut être affaiblie en la suite (nan ) est bornée mais la démonstration dépasse les prétentions de cet article. Terminons en examinant quelques conséquences des résultats précédents. En guise d'applications On s'intéresse au cas particulier an = n n ε avec n ε œ {-1,0,1}. Par la suite, on appellera suite epsilon la suite de terme général n ε . Ainsi les théorèmes précédents sont une façon d'étudier les séries numériques du type : ∑ ∞ = ε 1 n n n c'est-à-dire toutes les séries harmoniques "transformées", objets de tant de questions aux concours des grandes écoles. Posons f(x) = ∑ ∞ = ε 1 n n nx . Hervé Lehning a développé cette étude dans un article de la Revue de Mathématique Spécialse et montré qu'en s'appuyant sur les théorèmes précédents, on peut établir que : ∑ ∞ = ε 1 n n n et ∫ 1 0 dx ) x ( f sont de même nature et ont même limite en cas de convergence. Ce théorème est un théorème souvent opératoire dans la mesure où il permet de calculer effectivement plusieurs sommes "classiques" comme la somme de la série harmonique alternée. En effet, dès que la suite epsilon est périodique, on démontre qu'alors f est une fraction. Ainsi l'intégrale devient calculable. Signalons au passage que les harmoniques transformées sont plus que des exercices d'oraux des concours, elles sont avant tout une façon de réécrire tous les nombres réels car pour tout réel x il existe une suite epsilon telle que : x = ∑ ∞ = ε 1 n n n En guise de conclusion Terminons en insistant sur les domaines d'applications des théorèmes présentés dans cet article. Ce sont des théorèmes assez fins permettant finalement d'examiner la continuité en un point du cercle de convergence. Face à un tel problème, la première tentative consiste à étudier la convergence normale. Si elle est acquise, il y a convergence uniforme donc continuité. Par exemple pour étudier des séries comme ∑ ∞ = − 2 n n ) 1 n ( n x au voisinage de 1, n'invoquez surtout pas Tauber pour conclure! Tauber & Littlewood & alii interviennent quand la convergence normale n'est pas trivialement assurée! Encadré sur Tauber : Alfred Tauber (1866-1942) Né à Pressburg, l'actuelle uploads/Litterature/ developpement-analyse-422.pdf
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- Publié le Nov 10, 2022
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