Charles Mugler Les dimensions de l'univers platonicien d'après Timée 32 B In: R

Charles Mugler Les dimensions de l'univers platonicien d'après Timée 32 B In: Revue des Études Grecques, tome 66, fascicule 309-310, Janvier-juin 1953. pp. 56-88. Citer ce document / Cite this document : Mugler Charles. Les dimensions de l'univers platonicien d'après Timée 32 B. In: Revue des Études Grecques, tome 66, fascicule 309-310, Janvier-juin 1953. pp. 56-88. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1953_num_66_309_3305 LES DIMENSIONS DE L'UNIVERS PLATONICIEN D'APRÈS .TIMES S2 Β L'univers sphérique de Platon admet une structure fondament ale stable, malgré les mouvements multiples dont il est animé dans toutes ses parties. 11 revêt la forme d'une sphère divisée en quatre couches concentriques dont chacune est le lieu naturel (i) d'un des quatre éléments ou états physiques delà matière distin gués par Platon. Platon emprunte ces derniers traits de l'organi sation de son univers matériel à la cosmologie d'Empédocle, avec cette différence cependant, que la partie centrale de l'univers, la terre, affectant la forme d'un cylindre plat chez le Sicilien, est sphérique (2) chez Platon, et que la stratification par couches superposées représente chez Efl&péetacle un aspect transitoire de l'univers, que le monde revêt à la limite entre le règne de la Haine et celui de l'Ajnour et au voisinage de cette limite, alors qu'elle constitue chez Platon, comme nous le verrons plus loin en étudiant le fonctionnement dynamique de l'univers platoni cien, la configuration permanente d'équilibre vers laquelle l'uni vers est constamment ramené grâce à l'information mathéma- (1) Cp. pp. 52 E, 53 A, 57 C, et surtout 62 D sq, où Platon démontre la sphéri cité des différentes couches en montrant que le seul facteur spatial qui compte pour la localisation des particules des différents éléments, c'est leur distance au centre de la terre et où il joint à sa démonstration une polémique contre une théorie des lieux naturels fondée sur une conception absolue des notions de haut et de bas. (2) Platon admet implicitement la sphéricité de la terre, cp. A. Rivaud, Notice au Timée, p. 63, par exemple aux pages 58 A sq, où le ciel, sphérique, exerce par sa révolution une pression sur les couches successives des éléments à son intérieur, qui sont par conséquent forcément sphériques. LES DIMENSIONS BE L'UNIVERS PLATONICIEN 57 tique qu'il a reçue «du taoiide îàtettigible. Oetie information mathématique est en effet le ciment, )e iuvSfevjxoç, qui assure à l'univers sa 'stabilité et la continuité (1). Elle assigne d'abord à chacun des quatre constituants du inonde, des éléments, sa Juste proportion avec les antres, <en insé- rant enlre les éléments extrêmes, le feu et la terre, que Platon •pose en «premier lieu comme conditions \(2) de la consistance et de la visibilité de l'univers sensible, deux autres éléments, l'air et l'eau, liés aux deux premiers par la 'proportion continue, c'est à dire de manière que le feu soit à l'air comme l'air à l'eau et comme l'eau à la terre. La fin expresse de cette mser- tiondedeux médiéfcés entre les éléments fondamentaux du feu et de la terre est de consolider le corps de tn onde, de le ren dre indissoluble. En précisant que seul Je Démiurge, qui a lié ainsi les parties constituantes du monde, pourrait les délier (3) et anéantir ainsi l'univers, Platon complète en quelque sorte, dans son langage mythique, la proposition directe sur l'effica cité physique de là forme mathématique par la proposition réciproque : la suppression de cette i&rmé signifierait la fin du monde dans le chaos. Mais quel est le sens exact de cette proportion continue entre les quatre éléments ? Des données physiques ne peuvent 'être liées par des rapports mathématiques que si elles ont été sou mises à la détermination quantitative, si elles sont mesurables. Or, en cet endroit du Timée, à part cette fc>î des médiétés elle- même, Platon se borne à des appréciations qualitatives dès éléments extrêmes, feu et terre, réservant le développement de ses théories quantitatives des éléments à une page ultérieure de (1) Le Timée abonde en expressions oit Platon affirme sa confiasce dans le pou voir stabilisateur de la forme mathématique : άνα τον αυτόν λύγον άπεργασάμενος . . . συνέδησεν και συνίστήσατο όύρ*νβν κτλ. 32 Β; ανά λίγον μεριβΒεΓσα xxl συνδεθεΐσα 37 A etc. Nous reviendrons Sur ces expressions et stir la croyance de PJaton à une efficacité physique de la forme mathématique quand nous ana lyserons les antécédents physiques et «oseiologiquee ήη Timée dans tes dialogues métaphysiques. (2) 31 B. (3) »2 C. 58 CH. MUGLER cet exposé. Aussi la plupart des exégètes modernes du Timée (i) ont-ils essayé d'interpréter la proportion continue des éléments, affirmée ici par Platon, en fonction des indications quanti- tatives qu'il donne sur les polyèdres représentatifs aux pages 53 C sq. J'ai moi-même rapporté dans une étude antérieure sur Platon (2) la théorie des médiétés relative aux éléments, 32 B, aux relations métriques des polyèdres, 53 C, en parti culier aux surfaces de ces corps en raison de leur importance dans la transformation des états physiques où elles font fonc tion, comme nous le verrons, d'invariants. Le lien établi ainsi entre ces deux passages du Timée m'était même apparu alors comme le seul moyen pour déterminer, au moins d'une manière approchée, les dimensions, pour une substance matérielle don née, de celui des quatre polyèdres représentatifs qui ne pouvait pas se transformer, dans la théorie de Platon, dans les autres* du cube. Malgré quelques restes d'inexactitude que laisse sub sister dans les théories de Platon cette application de la pro portion continue aux données métriques des polyèdres, cette interprétation doit être maintenue. Platon a lui-même prévu une certaine marge de tolérance autour de l'exactitude absolue de ses lois, en disant que le Démiurge a instauré cette propor tion continue dans lès éléments καθ' δσον ήν δυνατόν (3), en montrant ainsi que le Démiurge lui-même, comparable au Dieu de Leibniz, est soumis, et par conséquent « postérieur », aux vérités mathématiques ancrées dans l'intelligible et ne saurait rendre compatible ce qui ne l'est pas. D'autre part, les (1) Cp. entre autres A. Boeckh et T. H. Martin dans leur commentaire aux pas sages indiqués du Timée', A. Rivaud, Timée, Paris 1925, Notice pp. 77 sq. (2) Platon et la recherche mathématique de son époque, Strasbourg 1948, pp. 99 sq. ' (3) 32 B. L'information mathématique de l'univers se heurte, dans le Tintée^ à deux genres d'incompatibilité bien différents que Platon n'a pas nettement dis tingués, à l'incompatibilité classique, au sein des mathématiques, que les PythaJ- goriciens ont fait éclater par la découverte de l'irrationnel, entre la géométrie et l'arithmétique du nombre entier, et à une incompatibilité nouvelle, entré l'ordre mathématique et l'ordre physique. Ici, 32 B, nous sommes en présence de la première, ailleurs, 56 G par exemple, de la seconde de ces incompatibilités. LES DIMENSIONS DE L'UNIVERS PLATONICIEN 59 pages 55 D à 56 Β du Timée montrent que Platon conçoit effe ctivement le rapport mutuel entre les données géométriques relatives aux différents polyèdres représentatifs suivant des rapports dont le résumé est notre loi des médiétés de la page 32 B. Les propriétés physiques des états de la matière, telles que leur mobilité et leur tranchant, y sont en effet présentées comme des fonctions décroissantes de la surface totale, régies par les mêmes rapports mutuels de proportionnalité qui lient ces surfaces elles-mêmes (i). Mais la portée de cette loi des proportions continues ne s'épuise pas dans son application à l'échelle microcosmique (2). Au moment où Platon l'énonce pour la première fois dans le Timée, il n'est pas encore question dans ses" développements de la structure du monde à l'échelle invisible, mais de son orga nisation à une perspective macroscopique. Il faut donc exami ner quel sens mathématique précis il convient de donner à la formule des médiétés terre eau air eau air feu si on l'appliqué non seulement à la structure invisible des él éments, mais à leur totalité enfermée dans les limites de l'uni vers. Il eût été bien étonnant, en effet, que Platon, qui, dans les pages suivant immédiatement cette première introduction des éléments, nous trace la structure du ciel et fixe les distances des planètes, eût omis de résoudre le problème non moins im portant de la distribution des quatre éléments dans l'univers ordonné et de leur assigner des contours rigoureusement déter- (1) Le terme μέσον employé par Platon pour situer l'air entre le feu et l'eau, l'octaèdre entre le tétraèdre et l'icosaèdre, doit être entendu dans le sens tech nique de μεσίτης en 32 B, celui de moyenne proportionnelle. Cela résulte de là conclusion par laquelle Platon termine ce développement, à savoir que le Dé miurge a ainsi organisé les éléments suivant des rapports de proportion, συνηρ- μόσθαι ταυτχ àvà λόγον 56 C. (2) Les polyèdres représentatifs restent à jamais invisibles à l'homme, δια σμι κρότητα ουδέν δρώμενον ύ©' ημών 56 Β, et n'agissent sur nos sens que par [leur grand nombre. 60 CH. MUGLER minés suivant des relations mathématiques préétablies dans le modèle intelligible. S'il en est ainsi, la formule des médiétés s'applique, en plus delà structure microscopique des éléments, aux uploads/Litterature/ dimensioni-dell-x27-universo-platonico-nel-timeo-nnn.pdf

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