DISCOURS DU RECIT Introduction Premier sens du mot récit : l’énoncé narratif, l
DISCOURS DU RECIT Introduction Premier sens du mot récit : l’énoncé narratif, le discours oral qui rapporte une série d’événements. C’est le discours narratif ou texte narratif. Deuxième sens du mot récit : la succession d’événements elle-même, réels ou fictifs, et leurs relations d’enchaînement ou de répétition. C’est l’histoire. Troisième sens du mot récit : l’acte de narrer pris en lui-même, considéré comme une action au même titre que massacrer les prétendants de sa femme (Ulysse). Le récit au sens premier, en tant qu’énoncé, est le produit de cet acte d’énonciation. C’est la narration. Le récit (premier sens) comme narratif, vit de son rapport à l’histoire qu’il raconte. Comme discours, il vit de son rapport à la narration qui le profère. Temps et mode jouent tous les deux au niveau des rapports entre histoire et récit. La voix désigne à la fois les rapports entre narration et récit et entre narration et histoire. 1. Ordre Il y a le temps de la chose racontée et le temps du récit. Il existe donc une dualité temporelle. Le récit littéraire ne peut être consommé (temps qu’il faut pour le parcourir ou le traverser à la manière d’un champ) ou actualisé que dans un temps qui ne peut être que celui de la lecture. C’est un faux temps qui vaut pour un vrai, un pseudo-temps. Etudier les rapports entre temps de l’histoire et temps du récit revient à étudier les rapports entre l’ordre temporel de succession des événements dans la diégèse et l’ordre pseudo-temporel de leur disposition dans le récit. Les rapports entre la durée variable de ces événements, ou segments diégétiques, et la pseudo-durée de leur relation dans le récit sont des rapports de vitesse. Les relations entre les capacités de répétition de l’histoire et celles du récit sont des rapports de fréquence. Anachronies Confrontation de l’ordre de disposition des segments temporels dans le récit à l’ordre de ces mêmes segments dans l’histoire. Si je dis : " Trois mois plus tôt ", il faut tenir compte que cette scène vient après dans le récit, mais avant dans la diégèse. Ce rapport de contraste ou de discordance est ce qu’on appelle une anachronie narrative. La mesure et le repérage de ces anachronies postulent pour une sorte de degré zéro où il y aurait une parfaite coïncidence temporelle entre récit et histoire. L’anachronie est une des ressources traditionnelles de la narration littéraire. Soit A B C D E F G H I, l’ordre d’apparition dans le récit des événements et 1 (autrefois) et 2 (maintenant) leur position chronologique, et soit ce texte tiré de la recherche : Quelquefois en passant devant l’hôtel il se rappelait (A) (2) les jours de pluie où il emmenait jusque-là sa bonne en pèlerinage (B )(1). Mais il se les rappelait sans (C) (2) la mélancolie qu’il pensait alors (D) (1) devoir goûter un jour dans le sentiment de ne plus l’aimer (E) (2). Car cette mélancolie, ce qui la projetait ainsi d’avance (F) (1) sur son indifférence à venir (G) (2), c’était son amour (H )(1). Et cet amour n’était plus (I) (2) La formule des positions temporelles est donc ici : A2 B1 C2 D1 E2 F1 G2 H1 I2, soit un parfait zigzag. Quand A est autonome, B se définit comme rétrospectif par rapport à A et lui est donc subordonné. C procède d’un simple retour à la position initiale sans subordination. D fait de nouveau rétrospection, mais assumée par le narrateur du récit. E nous ramène au présent, mais du point de vue de ce passé, comme une anticipation du présent dans le passé ; E est donc subordonné à D. F nous ramène à la position passée par-dessus l’anticipation. G est de nouveau une anticipation, mais objective. H est un retour au passé. I est un retour à la position de départ. Les termes d’anticipation ou de rétrospection sont à éliminer au profit des mots prolepse, toute manœuvre consistant à raconter ou évoquer d’avance un événement ultérieur, et analepse, toute évocation après coup d’un événement antérieur au point de l’histoire où l’on se trouve, auxquels on attribue le terme général d’anachronie. Voici le schéma qui rend compte de ces procédés. A ŔŔŔŔŔŔAŔŔŔŔŔŔŔ A2 [B1] C2 [D1 (E2) F1 (G2) H1] I2 P P Portée, amplitude Une anachronie peut se porter dans un point du passé ou de l’avenir plus ou moins éloigné du moment de l’histoire ou le récit s’est interrompu : cette distance temporelle s’appelle portée. Celle-ci peut couvrir une durée d’histoire plus ou moins longue : c’est ce qu’on appelle l’amplitude. Soit le schéma : ŔŔŔŔŔŔŔ Portée ŔŔŔŔŔŔ Evénement passé.......................................Présent (interruption diégétique) ŔŔ Amplitude ŔŔ Analepses Toute anachronie constitue un récit temporellement second par rapport au récit dans lequel elle s’insère et que nous appellerons récit premier. Une analepse externe est qualifiée de cette sorte parce que son amplitude reste extérieure à celle du récit premier. Il n’y a donc aucune interférence. Inversement, nous qualifierons d’interne une analepse dont le champs temporel est compris dans celui du récit premier. Il existe également des analepses mixtes, dont le point de portée est antérieur au début du récit premier mais dont l’amplitude interfère avec celle de ce dernier. Au sein des analepses internes, il existe des analepses hétérodiégétiques : la ligne d’histoire, et donc le contenu diégétique, est différente de celle du récit premier. Pas de risque d’interférences. Bien différentes est la situation des analepses internes homodiégétiques lesquelles portent sur la même ligne d’action que le récit premier. Il faut distinguer, dans ce dernier cas, encore deux catégories : Les analepses complétives qui viennent après coup combler une lacune antérieure du récit. Ces lacunes antérieures peuvent être de pures ellipses, c’est à dire des failles dans la continuité spatio-temporelle ; elles peuvent être également des paralipses, c’est à dire l’omission volontaire d’une donnée appartenant à un segment narratif déjà raconté. Les paralipses se prête très bien, comme l’ellipse, au comblement rétrospectif. Enfin, une analepse itérative peut rendre compte, dans un récit second rédigé à l’imparfait de répétition, d’un événement type s’étant déroulé plusieurs fois et dont l’auteur a " oublié " de faire la mention. La seconde catégorie d’analepses homodiégétiques peuvent être nommées répétitives ou de " rappels ". Ce sont là des rappels à l’état pur où s’esquisse une comparaison du présent au passé qui vient modifier par conséquent la nature du souvenir par cette association : " Je reconnus que ce qui me paraissait si agréable était la même rangée d’arbres que j’avais trouvée ennuyeuse à observer et à décrire. " Les analepses mixtes sont en fait des analepses externes qui se prolongent jusqu’à rejoindre et dépasser le point de départ du récit premier. Dans le cas des analepses externes, l’amplitude est très inférieure à la portée. Le retour en arrière est donc suivi d’un bond en avant, c’est à dire d’une ellipse qui laisse dans l’ombre la fraction d’histoire séparant le dernier événement de l’analepse et le point de départ du récit premier. C’est ce qu’on appelle une analepse partielle. Dans un autre cas d’analepse mixte ou externe, le récit second rejoint le récit premier et relie ainsi, sans ellipse, les deux segments : c’est une analepse complète. L’analepse mixte rejoint le récit premier non pas en son début (externe), mais en un endroit précis du récit. Par définition, les analepses partielles ne posent aucun problème de jointure ou de raccord narratif : le récit analeptique s’interrompt franchement sur une ellipse, et le récit premier reprend là où il s’était arrêté. Prolepses Le récit à la première personne se prête mieux qu’aucun autre à l’anticipation, ou prolepse temporelle, du fait même de son caractère rétrospectif déclaré, qui autorise le narrateur à des allusions à l’avenir. On distingue également les prolepses internes et externes. En fait, on retrouve les mêmes caractéristiques pour les prolepses que pour les analepses. Il existe des prolepses itératives qui, comme les analepses du même genre, nous renvoient à la question de la fréquence narrative. Les prolepses généralisantes explicitent en quelque sorte cette fonction paradigmatique en amorçant une perspective sur la série ultérieure : " fenêtre à laquelle je devais ensuite me mettre chaque matin ". Les prolepses répétitives jouent un rôle d’annonce. La formule canonique en est généralement " nous verrons ", " on verra plus tard ". On ne confondra pas ces annonces avec ce que l’on doit plutôt appeler des amorces, simples pierres d’attente sans anticipation (par exemple, faire apparaître dès le début un personnage qui n’interviendra vraiment que beaucoup plus tard, comme le marquis de la Môle au troisième chapitre du Rouge et le Noir. ). Il existe une distinction possible entre prolepses partielles et complètes, si l’on veut bien accorder cette dernière qualité à celles qui se prolongent dans le temps de l’histoire jusqu’au " dénouement " (pour les prolepses internes) ou jusqu’au moment narratif lui-même (pour les prolepses externes ou mixtes). 2. Durée Anisochronies Confronter la durée d’un récit à celle de l’histoire uploads/Litterature/ discours-du-recit.pdf
Documents similaires










-
47
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.4237MB