Notes de lecture 400 photographie dans son acception première de témoin » (p. 6
Notes de lecture 400 photographie dans son acception première de témoin » (p. 67). de la bataille menée de plus en plus à distance du fait du progrès technique, les photographies des soldats envoyées aux médias illustrent son aspect le plus atroce. il ne s’agit plus de « la simple reproduction d’une étape d’un événement », mais de « sa fabrication » (p. 74). la mort tient un rôle particulier. elle en est offerte au regard de ceux de l’arrière. mais c’est d’abord celle « des autres » (p. 74). pourtant, dès le « début de l’année 1915, […] l’hebdomadaire transgresse le tabou de la représentation concrète du corps des “nôtres” » (p. 76). il est brûlé, sectionné, mutilé, malmené : « quand l’image n’est pas suffisamment claire, le texte pallie ses déficiences avec force détails » (p. 78). seules « la décomposition des chairs » (p.87) et les mutilations restèrent dans l’ombre. « c’est l’une des traces de la pudeur illustrée en temps de guerre » (p. 81). même si Le miroir et L’Illustration « repoussent les limites du “montrable” » (p. 87) et malgré les legs de la seconde guerre mondiale, il reste aujourd’hui encore cette limite… par cette contribution à l’étude de la médiatisation des guerres, Joëlle beurier démonte encore « l’image d’épinal d’une censure toute puissante » (p. 96). de la même façon qu’elle avait montré comment les médias avaient d’eux-mêmes élaboré une narration stéréotypée,elle brosse l’image « d’une censure qui cherche plutôt à bien faire, soucieuse de sa mission » (p. 92). elle décrit des hommes sans véritables ordres, tiraillés entre le souci d’« assurer la permanence de l’information » (p. 93)etlesnécessitésdelaguerre,« interdisant toute reproduction du front qui pourrait fournir des renseignements à l’ennemi » (p.90). elle offre l’image d’une censure impuissante « à faire respecter ses interdictions » (p. 94) sur le terrain, aucunement secondée par l’autorité militaire, ou face aux patrons de presse, qui n’hésitent pas à faire intervenir leurs amis politiques. d’autant que les censeurs de la maison de la presse ne disposèrent pas avant le 30 août 1918 de « consignes propres aux images […] – à l’exception du cinéma, qui obtient […] l’établissement d’une commission de censure rattachée au ministère de l’intérieur, en juin 1916 » (p. 91). cette absence réelle de danger pour la liberté de la presse contribua à « érige[r] en mode de communication systématique pour approcher le réel » le sensationnel,quicaractérisasibienLemiroir,plus que ses confrères illustrés. selon l’auteur, cette contribution à la mise en scène médiatique de la « grande guerre » fut une des raisons de son déclin après-guerre,au point de se transformer, en juillet 1920, au gré d’un changement de propriétaire, en miroir des sports. comme une allusion tragique à clausewitz, qui avait noté qu’« il ne manque plus que le hasard pour faire de la guerre un jeu, et c’est ce qui se produit le plus souvent » (de la guerre, éd. abrégée et présentée par gérard chaliand, paris, perrin, 1999, p. 44)… cette étude sur Le miroir, après celle sur signal (gérald arboit, « sébastien saur, signal et l’union soviétique. Édition française de signal, 1940-1944 », Questions de communication, 2004, 6, pp. 406-408), apporte un nouveau complément majeur à l’important travail de décodage de thérèse blondet-bisch, laurent gerverau, robert franck et andré gunthert (dirs, Voir, ne pas voir la guerre. Histoire des représentations photographiques de la guerre, paris, somogy, 2001). GéraldArboit CÉRIME, université Strasbourg 3 gerald.arboit@tiscali.fr hélène de mAleissye,Le filtre médiatique, paroles de journaliste. paris, éd. indiciel, coll. enquêtes et documents, 2006, 128 p. comment les journalistes sélectionnent-ils l'information ? de quelle manière celle-ci émerge-t-elle dans les médias ? telle sont les questions au fondement de la recherche me- née par hélène de maleisseye, enseignante à sciences po paris et directrice d’un cabinet de conseil en communication et marketing. pour la confection de son ouvrage Le filtre média- tique, paroles de journaliste, 51 professionnels œuvrant au sein des principaux médias de l’hexagone ont été interrogés dans le but d’identifier et de comprendre les critères qui guident leurs choix au sein d’une rédaction. se fondant sur ces témoignages,l’auteure apporte un éclairage sur leur travail et les logiques de sélection,souvent mises en cause par un public critique. face à la critique, les professionnels se doivent de toujours repenser leur activité et se qdc 12.indd 400 7/02/08 10:19:11 questions de communication, 2007, 12 401 lancent dans une quête permanente de scoops séduisants, ce afin de conquérir un auditoire blasé, distant et sceptique. d’ailleurs, ces der- niers avouent que la sélection des sujets relève de raisonnements dont ils n’ont même plus conscience.Aussi,en analysant les influences du comportement médiatique,l’auteure constate- t-elle que la presse s’inspire… d’elle-même. en effet, plus une information est reprise, plus elle parait intéressante. hélène de maleisseye illustre ces mécanismes à l’aide d’anecdotes journalistiques liées aux grands événements qui ont marqué l’actualité de ces deux der- nières années. certains, emblématiques, telles les affaires clearstream ou outreau, possèdent précisément les ingrédients aptes à passion- ner la sphère médiatique (rebondissement, mystère, manipulations). en effet, « la machine médiatico-judiciaire » qu’incrimina dominique devillepin présente bien des points communs avec celle qui est à l’origine de l’inculpation des accusés d’outreau. dans une situation de ce type, la presse cherche à stimuler la curiosité. plus l’encre coule, plus les personnes mises en cause se voient dans « l’impossibilité de se dé- fendre efficacement » (p. 21). Selon l’auteure, il s’agit plus pernicieusement de dénoncer ou de pointer du doigt des agissements politiques, ju- ridiques ou populaires : « en transmettant une histoire qui sera reprise, détaillée, complétée par chacun, ils convergent tous inconsciem- ment vers le lynchage » (p. 21). cette logique – qui se traduit par une course hystérique pour l’exclusivité – conduisit à des bavures journalistiques tragiques telle l’information concernant la fausse agression d’une jeune femme de 23 ans dans le rer d. rarement, les journalistes utilisent le conditionnel, pour relater ce genre de faits divers. cependant, hélène de maleisseye souligne qu’« […] avant de pouvoir parler du pouvoir des médias sur l’opinion, il faudrait parler de l’emprise d’une certaine presse sur les autres médias » (p.15). à l’instar de ce collaborateur d’arte, les journalistes avouent qu’ « il y a toujours une pression pour traiter de ce qui est en une de Libé ou du monde » (p. 17). partant de ce constat, l’auteure propose une réflexion sur ce qu’elle nomme les « filtres médiatiques », sur les informations retenues au vu de ce que les médias reçoivent quotidiennement. différents thèmes sont passés au crible, allant de la politique à la culture, en passant par le people. Mais le filtre le plus prégnant est, de loin, celui en lien avec la dimension économique. hypothèse discrètement avancée par certains journalistes, mais fréquemment invoquée : « pour être connu du public et avoir toute sa sollicitude médiatique, il faut savoir investir dans l’espace publicitaire » (p. 60). quand les sociétés classiques exploitent avec aisance les notions de rentabilité, dynamisme, travail, performance et persévérance, l’agora médiatique tente de valoriser des références plus humaines qui, finalement, dissimulent la quête de l’audimat et du profit. néanmoins, certaines entreprises peuvent émerger au sein de la presse sans qu’elles en- gagent le moindre investissement publicitaire. ainsi en témoigne,en 2005,l’affaire d’« espion- nage » valeo. relayée par de grands médias tels tf1, lci, Les Échos, l’histoire d’une jeune chinoise accusée d’avoir piraté le système de défense informatique projette l’entreprise sur les devants de la scène médiatique. In fine, il s’avère qu’il s’agit d’une étudiante qui cherchait simplement à télécharger des fichiers de sta- ges afin de pouvoir travailler à domicile. Mais, l’ampleur que prend l’affaire est symptoma- tique des angoisses du moment (invasion de produits chinois, difficultés du textile français, délocalisations, contrefaçons, etc.). de fait, sa publicisation passe par le recours aux clichés les plus élémentaires. hélène de maleisseye constate que,pour la profession,on retrouve là tous les composants d’une formule médiatique explosive (p.60-62).autre exemple de surmé- diatisation d’une « désinformation »,une étude suédoise publiée pour la revue britannique occupational and environmental medicine qui établit une corrélation certaine entre tumeurs au cerveau et téléphone portable. si l’informa- tion fut relayée sur france 2, l’auteure soup- çonne l’influence du groupe Bouygues d’avoir pesé sur sa non-diffusion partf1. quant à la consommation et les tendances, on recherche perpétuellement la simplicité. le développement durable est un sujet en vogue, les canons de beauté changent et l’ère est à l’androgynéité. alors que d’autres thèmes comme la phobie du tabac ou le souci de la sécurité routière peinent à trouver une visibilité médiatique, des faits apparemment anodins ou insignifiants peuvent se transformer qdc 12.indd 401 7/02/08 10:19:11 Notes de lecture 402 en véritables événements médiatiques. la répétition et l’innovation, moteurs essentiels sur le plan marketing et médiatique, exercent une influence collective sur la presse. Pour exemple, le mouvement Flash mob est une approche marketing destinée à promouvoir la téléphonie sur l’internet : « mais si cela ne repose sur rien, les médias français relaient complaisamment ce phénomène spectaculaire, novateur et discrètement uploads/Litterature/ le-filtre-mediatique.pdf
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- Publié le Fev 16, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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