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Dissertation Sujet : Pensez-vous que la poésie ait pour vocation d’exprimer des

Dissertation Sujet : Pensez-vous que la poésie ait pour vocation d’exprimer des sentiments ? Étymologiquement, la poésie vient du mot grec « poiêsis » qui signifie tout type de création. Le poète est donc celui qui crée, qui fabrique un objet (le poème) à partir d’un matériau (le langage). Pourtant, lorsque André Chénier déclare : « L’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète », il affirme que la poésie serait l’expression des sentiments et que celle-ci serait plus importante même que la maîtrise du langage. Nous pouvons nous demander si la poésie a pour seule vocation d’exprimer des sentiments ou si elle a d’autres intentions. Nous verrons dans une première partie qu’une des principales vocations de la poésie est d’exprimer des sentiments. Puis dans une seconde partie nous montrerons que la poésie ne se limite pas à l’expression des sentiments. Dans un premier temps, nous pouvons observer que la poésie a pour vocation, le plus souvent, d’exprimer des sentiments et pour cela il est intéressant de remonter aux origines de la poésie. Dans la mythologie grecque, les poètes, à l’image d’Orphée, s’accompagnaient de la lyre. C’est pourquoi la musicalité a un lien avec la poésie. A l’origine, le lyrisme et la poésie étaient donc liés. La poésie lyrique servait à exprimer un sentiment avec force et intensité. Au fil du temps, les poésies n’ont pas gardé cet accompagnement musical mais beaucoup de poètes continuent à exploiter le lyrisme. Dans leurs poèmes, un « je » exprime un sentiment. Dans le sonnet de Louise Labbé « Je vis, je meurs », le « je » est omniprésent. On le retrouve dans tous les vers soit sous la forme du pronom personnel sujet « je » soit sous la forme du pronom personnel complément ou d’un adjectif possessif. Ce « je » exprime un sentiment, l’amour : « Ainsi Amour inconstamment me mène ». Nous pouvons remarquer que, comme dans tout poème lyrique, l’expression des sentiments est liée à la musique du vers avec l’allitération en « m ». Les sentiments positifs sont au centre de certains poèmes. L’amour, par exemple, semble être un sujet qui a inspiré de nombreux poètes. Paul Eluard, dans « La courbe de tes yeux », célèbre l’amour au travers de la femme aimée. Le premier vers, « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur », relie les « yeux » de la femme aimée à la césure et le « cœur » du poète en fin de vers. Cet amour est harmonieux. De même dans « Je t’aime », Eluard célèbre l’amour comme le montre la répétition du verbe « aimer », soit par la reprise du titre en début de vers, soit par la répétition dans un même vers « Je t’aime pour aimer ». La joie et le bonheur sont aussi des thèmes abordés par les poètes. Les haikus, petits poèmes japonais, évoquent souvent un paysage ou un état d’âme et suggère un sentiment comme le bonheur dans : « Se réveiller, vivant, en ce monde / Quel bonheur ! / Pluie d’hiver ». Cependant, lorsqu’ils expriment des émotions les poètes ne se contentent pas des sentiments positifs. Les poètes romantiques notamment expriment le Mal du Siècle, ce malaise exprimé par la jeune génération. La mélancolie est ainsi un sentiment bien présent dans leurs poèmes. « Soleils couchants » de Victor Hugo exprime la souffrance psychologique du poète seul et petit par rapport à la grandeur de la nature. La mélancolie y est liée à l’angoisse de la mort comme l’expriment les deux derniers vers : « Je m’en irai bientôt, au milieu de la fête, / Sans que rien manque au monde, immense et radieux ! ». Dans un autre de ses poèmes, « Demain dès l’aube », écrit après la mort de sa fille Léopoldine, Hugo exprime la solitude et la tristesse liée à la douleur du deuil. La poésie permet donc au poète d’exprimer une émotion, un sentiment et de le partager avec le lecteur. Toutefois, on ne peut pas réduire la poésie à cela. Elle a bien d’autres fonctions. La poésie permet tout d’abord de redécouvrir le monde et de voir la réalité différemment. Comme l’ont exprimé Cocteau ou Bergson, la poésie permet de dévoiler le réel, la beauté des choses 1 quotidiennes cachée sous la banalité. Les poèmes en prose de Francis Ponge rassemblés dans Le parti pris des choses illustrent parfaitement cette fonction de la poésie. Dans ses « proèmes » comme il les appelle, il montre la beauté d’un objet banal. Que ce soit dans « L’huitre » ou dans « L’orange », Ponge permet au lecteur de découvrir la beauté cachée derrière l’objet le plus quotidien. Les métaphores et les images sont des figures de style qui permettent de montrer la réalité de façon différente. Les surréalistes ont utilisé ces figures pour créer des images insolites et libérer l’imaginaire du poète et du lecteur. Lorsque Eluard écrit « La terre est bleue comme une orange », la comparaison est surprenante car une orange n’est pas bleue mais nous fait réfléchir sur notre vision de la terre, celle d’une orange et comment, dans notre tête, on peut relier les deux. Le poète peut ensuite utiliser ses vers pour dénoncer une situation, défendre une cause ou s’engager pour ses idées. C’est le cas de la poésie engagée. Victor Hugo a ainsi dénoncé dans « Mélancholia » le travail des enfants. Il y décrit avec réalisme la situation de ces enfants et leur souffrance afin de toucher l’émotion du lecteur. Il utilise aussi des phrases percutantes pour défendre sa cause comme le premier vers « Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? » avec l’opposition entre « tous » et « un seul ». Au XXe siècle, les deux guerres mondiales et les traumatismes qu’elles ont entraîné ont poussé de nombreux poètes à s’engager dans leurs poèmes et parfois aussi, politiquement, dans la société. Louis Aragon, avec « Strophes pour se souvenir », a écrit un hommage à la résistance pour que les résistants du groupe Manouchian et, plus généralement, tous les résistants soient reconnus. Il ne faut pas oublier le combat de ces hommes qui se sont battus pour la France et qui n’ont pas hésité à donner leur vie. Dans un vers comme « Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir », Aragon souligne le sacrifice des résistants par le choix de l’oxymore « vivre à en mourir ». La poésie peut également transmettre un message moral et nous faire réfléchir. La Fontaine illustre avec ses fables cette autre fonction de la poésie. La fable fait réfléchir en proposant au lecteur une morale. Dans « Le renard et le bouc », la morale « En toute chose il faut considérer la fin » nous invite à penser aux conséquences d’une action avant d’agir afin de ne pas se retrouver comme le bouc piégé au fond du puits. La poésie peut enfin n’être qu’un jeu avec le langage, avec les mots et les images. Tous les poètes jouent sur les sons, les mots, la musicalité, les contraintes de la forme ou du vers. Mais certains ont organisé leur poème essentiellement autour de ces contraintes. Les poètes de l’Oulipo illustrent parfaitement cela. Ils utilisent les contraintes formelles pour écrire leurs textes. Un chicago en est un très bon exemple. Il s’agit d’un poème constitué de quatre vers qui forment une devinette et dont la solution est une homophonie. New York, ou plutôt « nouille orque » est la solution de « Pâtes au saumon / coquillettes au thon / spaghettis anguille / tagliatelle espadon ». Le S+7 consiste à remplacer un mot par le septième mot de même classe grammaticale trouvé après lui dans le dictionnaire. De cette façon la fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi » devient « La cimaise et la fraction ». Pour conclure nous pouvons dire que la poésie a bien pour vocation d’exprimer des sentiments mais pas seulement. Elle permet de redécouvrir le monde, dénoncer une situation, transmettre un message. Elle peut aussi n’être qu’un jeu avec le langage. Il ne faut cependant pas imaginer que les différentes fonctions de la poésie que nous avons évoquées sont clairement séparées. En effet, dans certains poèmes ces fonctions peuvent se mélanger. De plus, l’expression des sentiments n’est pas réservée qu’à la poésie. On la retrouve aussi dans la peinture comme par exemple dans Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar Friedrich qui représente un homme mélancolique face à un paysage immense ou dans Le cri de Munch qui nous donne une image de la douleur. 2 uploads/Litterature/ dissertation-poe-sie-sentiments 1 .pdf