Texte 1 (manuel de l’élève p. 22) La mise en question du héros courtois Miguel

Texte 1 (manuel de l’élève p. 22) La mise en question du héros courtois Miguel de Cervantès, Don Quichotte de la Manche (1605-1615) Le passage dans l’économie générale de l’œuvre L’extrait proposé constitue l’incipitdu roman de Cer-vantès. Contexte historique, esthétique et culturel La crise de la puissance et de la conscience espagno-les vers le crépuscule de l’Espagne La vie de Cervantès lui permit d’être au carrefour de l’histoire : il fut à cheval entre le XVI et le XVII siècles et connut donc la gloire mais aussi les premiers signes du déclin de l’empire espagnol. L’Espagne est à la fin du XVIsiècle une des grandes puissances européennes. Cervantès naît sous le règne de Charles Quint (1517-1556), qui marque l’apogée de la puissance espagnole. L’Espagne est la première nation européenne (politique de conquêtes donc empire, richesse économique et extension géographique), un empire sur lequel le soleil ne se couchait pas. Le déclin et la décadence commencent avec le règne du fils de Charles Quint, Philippe II (1556-1596) qu’on appelle pourtant le siècle d’or espagnol son règne sera fait de défaites et de victoires. Philippe est contraint d’aban- donner une partie de l’Autriche, fait triompher l’Espagne à Lépante (1571) mais l’invincible Armada est vaincue en 1588 par l’Angleterre. Le déclin se fait plus franc avec Phi- lippe III (1598-1621)au tournant des XVI et XVII siècles, l’Espagne entre dans une période de crise. La crise des valeurs héroïques L’éthique féodale, héritée de l’Espagne, et qui a été un modèle incontesté en Europe jusqu’au début du XVII siècle, entre en crise au moment de la parution de Don Qui- chotte. Les fondements de cette éthique féodale sont - Exaltation de la force, de la vaillance militaire, phy- sique combattre comme activité héroïque par excellence. Héritage d’une littérature belliqueuse et épique qui exalte les vertus guerrières (Amadis de Gaule) et les mœurs du Moyen Âge. - Magnanimité : la magnanimité guerrière renvoie au courage dans les combats et à la défense de l’honneur. Mais au tournant des deux siècles, l’éthique féodale est en crise car : 1. le pouvoir de la noblesse cède face à un roi qui s’af-firme absolu. Les Nobles sont obligés de servir l’État. 2. On assiste au triomphe de l’argent, du négoce, de l’investissement. La noblesse ne sait pas s’emparer de ce nouvel outil qu’est l’argent. En littérature, la caricature de l’hidalgo famélique renvoie à l’image d’un hobereau de village, confiné sur ses terres mais à qui son statut social interdit de cultiver lui-même ses terres et laboureur enrichi qui fait fortune. Les valeurs féodales sont sur le déclin au profit des valeurs mercantiles. Contexte esthétique et littéraire Alors que la société espagnole refuse la modernité, la littérature se fait novatrice. Le début du XVIIe siècle est marqué par le triomphe d’une nouvelle culture, différente de la culture de la Renaissance. Le triomphe d’une littérature baroque De nouvelles formes littéraires apparaissent. Le XVIIe siècle espagnol est marqué par 3 grands moments - invention du roman moderne, Guzmàn de Alfarache, de Mateo Aleman (1599-1604), roman picaresque et Don Quichotte(1605-1615). que ». La production romanesque à l’époque de Cervantès Les romans de chevalerie Le livre de chevalerie connaît un essor prodigieux à partir de 1510 (Amadis de Gaule , 1508). Ce type de roman présente une configuration assez simple : 1/ il se présente comme la traduction d’un ouvrage dans une langue exotique, écrit en des temps reculés par un auteur mythique, garant de l’authenticité des faits. 2/ l’action se déroule dans un passé lointain et dans un cadre géographique et historique assez vague. 3/ les personnages s’expriment dans une langue suran- née, archaïsante. 4/ récurrence des combats singuliers, tournois, affronte- ments avec des êtres fabuleux. 5/ les actes héroïques sont accomplis dans le but de séduire une dame qui s’abandonne secrètement au héros. Le roman sentimental et pastoral Le roman pastoral se caractérise par l’évocation d’amours champêtres (amour platonique) présentés dans le décor d’une nature idéalisée. Son modèle est le chant de Polyphème dans les Métamorphoses d’Ovide. Des bergers y font l’éloge de la vie retirée et simple et s’ébattent dans une nature artificielle. Le premier roman pastoral espa- gnol est La Diane de Montemayor (1559) ; Cervantès sera auteur d’un roman pastoral, La Galatée(1585). Le roman picaresque À l’opposé de ces romans idéalistes, on trouve le roman picaresque, qui est un genre nouveau. Ce roman propose l’autobiographie d’un être vil, présentée de manière réa- liste. Les personnages sont de rang inférieur ou sont des marginaux aux aventures peu honnêtes et peu glorieuses. Le récit se présente comme véridique. Le texte qui consa- crera le genre est Guzman de Alfarache (1599 et 1604) de Mateo Aleman. Ce genre narratif affirme sa singularité par rapport aux trois figures emblématiques de la littérature romanesque le chevalier, le berger et le picaro et va mêler les codes de cette littérature idéaliste et réaliste. Caractérisation du passage Le passage se caractérise par un traitement burlesque en effet, Don Quichotte incarne sous l’angle parodique la figure dégradée d’un héros de romans de chevalerie. Le personnage apparaît dès le seuil du texte comme ridicule. L’incipitest aussi une parodie d’incipit de roman réaliste et par conséquent induit une réflexion sur la fiction et ses pouvoirs. Proposition de lecture analytique I)Parodie du roman de chevalerie A. Un catalogue des codes du roman de chevalerie a. Un fervent admirateur de romans de chevalerie. La lecture apparaît comme «ravissement» et extase cette lecture exclusive se fait au détriment du quotidien. Passion vécue sous le signe de l’excès.: récurrence de l’hyperbole:«s’acheta autant de romans qu’il en put trouver»). b. Tous les topoï du roman de chevalerie sont présents. Costume («lance, bouclier»), bestiaire (levrette et rosse»), aventures («querelles, défis, batailles, blessures»), idéal chevaleresque («service de sa patrie»; «réparant [...] toutes sortes d’injustices»), ethoschevaleresque (« s’exposant aux hasards et aux dangers»). c. Une passion «extravagante». Lecture obsessionnelle qui corrompt son jugement. Folie du héros («son cerveau se dessécha»), signe d’une distance prise par l’auteur à l’égard de modèles littéraires antérieurs. B. Un héros sans envergure a. Dimension parodique du portrait du héros. b. Physique atypique. Maigre et âgé. c. Un costume misérable. Costume de « drap fin» et «pantoufles». Le héros s’oppose aux flamboyants cheva- liers, vêtus d’une armure rutilante. d. L’absence de nom. Incertitude sur le nom « on ne sait pas très bien « Quichada ou Quesada»). Le héros est à l’opposé du héros traditionnel qui appartient à une grande famille. C. Un héros oisif a. L’oisiveté du héros. Peu de verbes de mouvements et de description d’actions (sauf dans le dernier paragraphe). b. La passion des livres. Les lettres plutôt que les armes (champ lexical de la lecture). Ironie du narrateur qui se moque d’un héros plongé dans la lecture à ses « heures d’oisiveté, c’est-à-dire le plus clair de son temps». II. de l'horrible danger de la lecture L'incipit condamne la fascination dangereuse que peuvent exercer les œuvres d’imagination. Effets néfastes de la lecture: 3 étapes dans le processus de perversion de l’imagination. A. Usage immodéré de la lecture Rhétorique de l’hyperbole: «ses nuits et ses jours», «le plus clair de son temps», «du soir jusqu’au matin et du matin jusqu’au soir», «tête pleine». Le héros a lu sa vie. Appétit insatiable pour tout ce qui est écrit. B. Imprégnation mentale et obsession Endoctrinement romanesque. Confusion entre la réalité et la fiction («crut si fort à ce tissu d’inventions...»). Folie du héros. Lectures de DQ ont «desséch[é]» sa cervelle donc chaque objet qui s’offre à sa vue porte la trace de ses lectures. C. Imitation a. Lecture conduit le personnage à vouloir imiter les romans de chevalerie. Séduction des romans sur imagina- tion débile de DQ: «pensée que jamais fou ait pu concevoir». b. imitation de la geste chevaleresque. Combats, cos- tume, quête de la gloire. III. Un incipit à valeur Programmatique: éloge de la liberté créatrice A. Congédier les modèles Une illusion de réalisme. Quelques traits réalistes: de corps« maigre de visage»... et indices sur repas du héros (structure énumérative). Miner le réalisme : indétermination spatiale «un village de la Manche»: indétermination temporelle « il n’y a pas longtemps». Détails dérisoires et totalement superflu sur les menus du héros. B. Refuser le déterminisme d’un incipit a. L’absence d’indices. Pas de lieu, pas de nom, pas de famille. b. Autonomie de la fiction «dans un village de la Man-che, dont je ne veux pas me rappeler le nom». La première phrase peut vouloir dire «je ne peux pas me rappeler» Cela ôte toute importance au nom de l’endroit 2/ le lieu doit demeurer secret: il n’a pas d’importance et donc le message au lecteur est que le roman doit demeurer libre du référent. Le roman n’est pas une copie du réel. C. La désinvolture du narrateur a. Le narrateur refuse d’assumer sa fonction (notamment informative) de narrateur «je ne veux pas me rappeler le nom » b. Ironie et intrusion de l’auteur. Axiologie négative du vocabulaire «tissu d’inventions», «extravagante», «il crut bon et nécessaire». Prise de distance par rapport au héros, uploads/Litterature/ don-quichotte.pdf

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