ESSAIS ESSAIS Erreur et création Études réunies par Myriam Metayer et François
ESSAIS ESSAIS Erreur et création Études réunies par Myriam Metayer et François Trahais Numéro 8 - 2015 (2 - 2015) ÉCOLE DOCTORALE MONTAIGNE-HUMANITÉS Revue interdisciplinaire d’Humanités Erreur et création Études réunies par Myriam Metayer et François Trahais Numéro 8 - 2015 (2 - 2015) ÉCOLE DOCTORALE MONTAIGNE-HUMANITÉS Revue interdisciplinaire d’Humanités Comité de rédaction Laetitia Biscarrat, Charlotte Blanc, Brice Chamouleau, Fabien Colombo, Hélène Crombet, Nestor Engone Elloue, Rime Fetnan, Pierre-Amiel Giraud, Aubin Gonzalez, Sandra Lemeilleur, Yannick Mosset, Maria Vittoria de Philippis, Anne-Laure Rebreyend, Hugo Remark, Elisabeth Spettel, Jeffrey Swartwood, Cristina Tosetto, Valeria Villa Comité de lecture Patrick Baudry, Pascal Bertrand, Pierre Beylot, Patrice Brun, Florence Buttay, Hélène Camarade, Valérie Carayol, Adrian Cérépi, Laurent Coste, Pierre Darnis, Alban Denuit, Jean-Paul Engélibert, Richardo Etxepare, Michel Figeac, Magali Fourgnaud, Jérôme France, Stanislas Gauthier, François Godicheau, Elvire Gomez-Vidal, Bertrand Guest, Pierre Guibert, Nathalie Jaëck, Martine Job, Clément Kabs, Marion Lagrange, Sandro Landi, Valéry Laurand, Guillaume Le Blanc, Caroline Le Mao, Elisabeth Magne, Gilles Magniont, Émilie d’Orgeix, Cristina Panzera, Christophe Pébarthe, Nicole Pelletier, Dominique Picco, Isabelle Poulin, Denis Retaillé, Jean-Paul Révauger, Bernadette Rigal-Cellard, Pierre Sauvanet, Adriana Sotropa, Céline Spector, Isabelle Tauzin, Natacha Trippé, Bernard Vouilloux Comité scientifique Anne-Emmanuelle Berger (université Paris 8), Jean Boutier (EHESS), Catherine Coquio (université Paris 7), Philippe Desan (University of Chicago), Javier Fernandez Sebastian (UPV), Carlo Ginzburg (UCLA et Scuola Normale Superiore, Pise), German Labrador Mendez (Princeton University), Hélène Merlin- Kajman (université Paris 3), Franco Pierno (Victoria University in Toronto), Dominique Rabaté (université Paris 7), Charles Walton (University of Warwick) Secrétaire de rédaction Chantal Duthu Les articles publiés par Essais sont des textes originaux. Tous les articles font l’objet d’une double révision anonyme. Tout article ou proposition de numéro thématique doit être adressé au format word à l’adresse suivante : revue-essais@u-bordeaux-montaigne.fr La revue Essais est disponible en ligne sur le site : http://www.u-bordeaux-montaigne.fr/fr/ecole-doctorale/la-revue-essais.html Éditeur/Diffuseur École Doctorale Montaigne-Humanités Université Bordeaux Montaigne Domaine universitaire 33607 Pessac cedex (France) http://www.u-bordeaux-montaigne.fr/fr/ecole-doctorale/la-revue-essais.html École Doctorale Montaigne-Humanités Revue de l’École Doctorale ISSN : 2417-4211 ISBN : 978-2-9544269-7-6 • EAN : 9782954426976 © Conception/mise en page : DSI Pôle Production Imprimée Édito Édito En peignant le monde nous nous peignons nous-mêmes, et ce faisant ne peignons « pas l’être », mais « le passage »*. Dialogues, enquêtes, les textes amicalement et expérimentalement réunis ici pratiquent active ment la citation et la bibliothèque. Ils revendiquent sinon leur caractère fragmentaire, leur existence de processus, et leur perpétuelle évolution. Créée sur l’impulsion de l’École Doctorale « Montaigne-Humanités » devenue depuis 2014 Université Bordeaux Montaigne, la revue Essais a pour objectif de promouvoir une nouvelle génération de jeunes chercheurs résolument tournés vers l’interdisciplinarité. Essais propose la mise à l’épreuve critique de paroles et d’objets issus du champ des arts, des lettres, des langues et des sciences humaines et sociales. Communauté pluridisciplinaire et plurilingue (des traductions inédites sont proposées), la revue Essais est animée par l’héritage de Montaigne, qui devra être compris comme une certaine qualité de regard et d’écriture. Parce que de Montaigne nous revendiquons cette capacité à s’exiler par rapport à sa culture et à sa formation, cette volonté d’estrange ment qui produit un trouble dans la perception de la réalité et permet de décrire une autre scène où l’objet d’étude peut être sans cesse refor mulé. Ce trouble méthodologique ne peut être disjoint d’une forme particulière d’écriture, celle, en effet, que Montaigne qualifie de façon étonnamment belle et juste d’« essai ». Avec la revue Essais nous voudrions ainsi renouer avec une manière d’interroger et de raconter le monde qui privilégie l’inachevé sur le méthodique et l’exhaustif. Comme le rappelle Theodor Adorno (« L’essai comme forme », 1958), l’espace de l’essai est celui d’un anachronisme permanent, pris entre une « science organisée » qui prétend tout expli quer et un besoin massif de connaissance et de sens qui favorise, plus encore aujourd’hui, les formes d’écriture et de communication rapides, lisses et consensuelles. Écriture à contrecourant, l’essai vise à restaurer dans notre communauté et dans nos sociétés le droit à l’incertitude et à l’erreur, le pouvoir qu’ont les Humanités de formuler des vérités complexes, dérangeantes et paradoxales. Cette écriture continue et spéculaire, en questionnement permanent, semble seule à même de constituer un regard humaniste sur un monde aussi bigarré que relatif, où « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ». C’est ainsi qu’alternent dans cette « marqueterie mal jointe », numéros monographiques et varias, développements et notes de lecture, tous également essais et en dialogue, petit chaos tenant son ordre de lui-même. Le Comité de Rédaction * Toutes les citations sont empruntées aux Essais (1572-1592) de Michel de Montaigne. Dossier Dossier Erreur et création Dossier coordonné par Myriam Metayer François Trahais Robert Morris, Card File (Fichier), 11 juillet 1962 - 31 décembre 1962. Matériaux divers (métal, bois, papier), 68,5 x 27 x 4 cm. Collection Centre Pompidou © Adagp, Paris. En 1962, l’artiste américain Robert Morris réalise Card File. Aujourd’hui conservée au Centre Pompidou à Paris, l’œuvre a de quoi déconcerter le spectateur non averti. Elle se compose de tiroirs métalliques montés sur une planche de bois. Disposé verticalement, l’ensemble contient quarante-huit fiches cartonnées, indexées et rangées par ordre alphabétique1. L’artiste y dresse l’inventaire de la totalité des étapes de l’élaboration de l’œuvre en question, y compris des erreurs qu’il a commises. Ainsi observe-t-on dès la première fiche intitulée Accidents (Accidents) la reconnaissance des faux-pas qui ont ponctué l’activité créatrice. La fiche Losses (Pertes) recense les éléments égarés. Enfin la fiche Mistakes (Erreurs) corrige les fautes d’orthographes, les fautes de frappe, les manques et les absences que l’on peut remarquer dans l’en semble des autres fiches. Robert Morris exploite, met en scène et revendique ses erreurs2. Loin le temps où l’académie enseignait de ne laisser aucune trace de pinceau sur la toile ; où, lisse, la surface ne devait rien laisser paraître des hésitations, des maladresses ou des repentis de l’artiste. Card File non seule ment refoule l’esthétique classique mais aussi se détourne de la conception traditionnelle de l’acte de création. Autoréférentielle, l’œuvre échappe à toute appréciation stylistique et se ferme à toute contemplation. Dans le sillage des avant-gardes historiques, Robert Morris met à mal les critères et les valeurs de l’art qui dominaient depuis la Renaissance : beauté, respect des rudiments du métier, qualité plastique. L’œuvre est désormais envisagée comme le produit d’un enchaînement d’idées et de décisions au cœur desquelles l’erreur devient un élément dynamique du processus de création. 1 Robert Morris, Card File (Fichier), 11 juillet 1962 - 31 décembre 1962. Matériaux divers (métal, bois, papier), 68,5 x 27 x 4 cm. Collection Centre Pompidou. 2 Ajoutons que Card File est principalement reconnue pour avoir annoncé certaines logiques spécifiques à l’art conceptuel, à savoir le recours au « langage comme moyen de saisir et de rendre compte de l’action, du faire », in Michel Bourel, « Robert Morris : commentaire de l’œuvre », Catalogue Art Conceptuel I, Bordeaux, CAPC éditeur, 1988, p. 25. Du potentiel créateur de l’erreur dans les arts et les humanités Avant-propos Myriam Metayer, François Trahais 8 Myriam Metayer, François Trahais La démarche de Robert Morris participe d’un phénomène plus global qui, à partir des années 1960, touche les arts et les sciences humaines. En termes épistémologiques, ces domaines se sont vus assignés l’élaboration d’une conscience critique et réflexive portant sur leurs propres outils méthodolo giques, leurs présupposés idéologiques ainsi que leurs modèles historiogra phiques3. La beauté et la vérité ne sont plus considérées comme des références absolues. Au point qu’en 2004, le magazine d’information de la recherche européenne observe que cette évolution tendrait « à réduire le fossé qui sépare [les artistes et les scientifiques] »4. L’erreur n’est pas une fatalité. Beaucoup s’accordent aujourd’hui à le penser5. Malgré tout, quel chercheur, au quoti dien, trouve l’aisance d’exposer ses propres erreurs ? Comment s’autoriser à se laisser surprendre par l’imprévisible quand celui-ci met à nu la crainte de l’erreur qu’auront croisée, ou que croiseront, peu ou prou nombre d’universi taires au cours de leurs travaux ? Les sciences humaines, au contraire des arts, restent attachées à l’idée que le savoir s’élabore par la mise à jour de résultats de recherche plutôt que par la prise en considération du processus qui mène à ces mêmes résultats. Paru en Italie en 1975, Giochi di pazienza de Carlo Ginzburg et Adriano Prosperi demeure un exemple de publication notable, mais rare, témoignant des réflexions qu’ont pu développer certains chercheurs au cours de ces quarante dernières années6. La démarche des deux historiens n’est pas sans évoquer celle de Robert Morris. Ils présentent leurs résultats tout en suivant le fil chronologique du développement de leurs recherches, non sans problème car étant poussés à devoir décrire leurs erreurs « avec un souci de l’analyse d’habitude réservé à l’exposition de la vérité »7. Au début des années 1980, la notion de jeu revient sous la plume d’Edgar Morin dans un article intitulé « Le jeu de la vérité et de l’erreur »8 et dans lequel le sociologue et 3 Sur ce point voir notamment : « À quoi servent les sciences uploads/Litterature/ dossier-erreur-et-creation.pdf
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- Publié le Dec 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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