ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Tura
ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Turath, University of Mostaganem, Algeria N° 11, September 2011 La perception de Hayy ben Yaqdhan en Occident latin The perception of Hayy ben Yaqdhan in the Latin West Dr Chokri Mimouni Université de Rennes, France chokri.mimouni@univ‐rennes2.fr Publié le : 15/9/2011 11 2011 Pour citer l'article : Dr Chokri Mimouni : La perception de Hayy ben Yaqdhan en Occident latin, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 11, Septembre 2011, pp. 51-66. http://annales.univ-mosta.dz *** Revue Annales du patrimoine, N° 11, 2011, pp. 51 - 66 ISSN 1112-5020 Publié le : 15/9/2011 chokri.mimouni@univ-rennes2.fr © Université de Mostaganem, Algérie 2011 La perception de Hayy ben Yaqdhan en Occident latin Dr Chokri Mimouni Université de Rennes, France Résumé : De tous les philosophes arabo-musulmans, Ibn Tufayl paraît celui qui a le plus marqué les esprits. Nous ne connaissons certes pas la place du récit Hayy ibn Yaqdhan à l’époque almohade, mais sa reconsidération par les philosophes depuis sa redécouverte prouve déjà son caractère exceptionnel. L’objectif premier était de mettre la lumière une telle œuvre originale aux travers des éloges qui lui furent faits par les plus grands esprits du siècle des lumières. Comment ce philosophe du XIIe siècle put-il être en harmonie avec les grands courants de pensées exprimés entre autres par Daniel Defoe, Rousseau, Spinoza, Campe. Mots-clés : Ibn Tufayl, Hay, Defoe, Robinson Crusoé, influence. o The perception of Hayy ben Yaqdhan in the Latin West Dr Chokri Mimouni University of Rennes, France Abstract: Of all the Arab-Muslim philosophers, Ibn Tufayl appears to be the one who most marked the spirits. We certainly do not know the place of the Hayy ibn Yaqdhan story in the Almohad period, but its reconsideration by philosophers since its rediscovery already proves its exceptional character. The primary objective was to shed light on such an original work through the praise given to it by the greatest minds of the Enlightenment. How could this 12th century philosopher be in harmony with the major currents of thought expressed by Daniel Defoe, Rousseau, Spinoza, Campe, among others. Keywords: Ibn Tufayl, Hay, Defoe, Robinson Crusoe, influence. o Parler de relation entre Orient et Occident n'est pas chose facile surtout lorsque l'échange entre les deux pôles s’est maintenu bon gré mal gré. Les épices, le parfum, la soie, les Dr Chokri Mimouni - 52 - Revue Annales du patrimoine couleurs vives, etc. sont les témoins de cet envoutement oriental qui a séduit l'imaginaire de plus d'un, du pays du soleil couchant. Les productions littéraires et scientifiques des penseurs occidentaux témoignent d'un ancrage dans la chaîne du savoir commencé jadis par les civilisations antérieures et transmises à l'Occident via l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane. Ces Arabes qui ont battu leur tente à l’intérieur même de l'Europe, En Andalousie, sont allés, très tôt, à la rencontre des connaissances antérieures, à les traduire et les expliquer pour émettre en fin de compte leur opinion dans des productions originales qui serviront, avec l'héritage ancien, à l'alimentation de la mèche éclatante du siècle des lumières nous permettant de mesurer la formidable révolution en sciences humaines et sociales réalisée aujourd'hui. Dans cet enchevêtrement d'influences mutuelles, il est des écrits insolites rédigés pour traiter d'une situation particulière à un moment donné ; Comme il est des chefs d'œuvres valables pour toute société, inscrits hors du temps, dépassant ainsi, au vu de leur contenu, les clivages d'être orientaux ou occidentaux. Le seul mot d'ordre est d'avoir une spécificité universelle, et donc adressée à l'humanité toute entière, sans exception. L'exemple sur cela serait le livre Hayy ben Yaqdhan, dont le prélude reste un formidable mémento de philosophie, qui sous les yeux vigilants d'Ibn Tufayl va bousculer plusieurs domaines tel que le soufisme, les sciences de l'éducation, la littérature, la philosophie… Le but de cet écrit, loin de retracer tout cet heureux échange, se limiterait donc à exposer l'originalité de cette œuvre du XIIe siècle et mesurer, à travers elle, l'apport de la littérature arabe à la connaissance humaine, par la voie de la réception de Hayy ben Yaqdhan d'Ibn Tufayl, dans la littérature européenne. Il s'agit par là de redimensionner l'importance de ce chef d'œuvre dans la pensée occidentale, laissant de côté les débats stériles qui louent la primauté d'une civilisation sur une autre, pour en voir l'importance à une échelle plus large. Car nous ne La perception de Hayy ben Yaqdhan en Occident latin - 53 - N° 11, Septembre 2011 connaissons pas très bien l'importance revêtue par cet ouvrage au moment de son apparition. Et les louanges qui lui étaient réservées ne sont venues qu'avec sa découverte en Occident latin, par les acteurs des siècles des lumières, avant d'être redécouvert à l'aube du XXe siècle, dans le monde arabe. 1 - Histoire de Hayy ben Yaqdhan : S’adressant à un correspondant, probablement imaginaire, Ibn Tufayl explicite, à sa manière, la vision avicennienne qui nourrit le récit Hayy ben Yaqdhan. A travers l’histoire de Hayy, d’Absal et de Salaman, il va dévoiler la différence entre la connaissance intuitive, fruit de l’extase mystique, et la connaissance intellective, résultat du raisonnement. Bien qu’elles aboutissent toutes deux au même but, la deuxième, à elle seule, aura l’admiration et les honneurs(1). Pour accomplir cette tâche de la manière la plus heureuse possible, Ibn Tufayl invente une histoire où l’intrigue et le suspense ne manquent pas, du début jusqu’à la fin : sur une île déserte de l’Inde, située sur l’équateur, et du fait de conditions de milieu particulièrement favorables, du sein de l’argile en fermentation, un enfant naît sans père ni mère. Selon une autre version, l’enfant a été apporté par un courant marin, en un coffre que la mère a dû confier aux flots pour soustraire son enfant à la mort. Ensuite, il est adopté par une gazelle qui était à la recherche de son faon. Elle l’allaite, satisfait ses besoins alimentaires et lui sert de mère, à proprement parler. Il grandit, observe et réfléchit. Etant doué d’une intelligence supérieure, il arrive à subvenir à tous ses besoins et découvre les plus hautes vérités physiques et métaphysiques par le double usage de l’observation et du raisonnement. Il aboutit ainsi à un système philosophique, celui des falasifas, qui le conduit à chercher dans l’extase mystique l’union intime avec Dieu, détenteur de la plénitude de la science et de la félicité souveraine éternelle. Pour cela, plusieurs étapes lui sont nécessaires ; il se retire dans une caverne où il arrive à Dr Chokri Mimouni - 54 - Revue Annales du patrimoine jeûner pendant quarante jours consécutifs ; il s’entraîne à séparer son intellect du monde extérieur et de son corps par la contemplation du divin. A ce moment là, il entre en contact avec Absal, un naufragé sur l’île. Après avoir connu l’histoire de cet intrus et surtout celle de l’île de Salaman d’où il vient, il comprend qu’ils ont, tous deux, les mêmes connaissances, ou presque, et surtout qu’ils détiennent, chacun à sa manière, la même vérité. L’échec de la communication de Hayy avec le peuple de Salaman ne fait qu’accentuer son désir de rejoindre le monde de son enfance et accentuer son désir de la solitude. Toute cette histoire fait suite à un prélude dans lequel l’auteur expose excellemment un bref aperçu de l’histoire des grands courants philosophiques qui l’ont précédé et qui avaient encore cours, d’une manière ou d’une autre, à son époque. Par conséquent, le lecteur ne devra négliger aucun détail, aucun mot et aucune notion sous peine de réduire le récit à un conte populaire sans portée profonde. Ceci pour dire à quel point Ibn Tufayl apparaît comme une encyclopédie vivante dans laquelle la sagesse est continuellement manifeste comme l'indique le curriculum vitae même de notre auteur. 2 - Ibn Tufayl : Son nom est Abu-Bakr Muhammad ben Abd-al-Malik ben Muhammad ben Muhammad ben Tufayl al-Qaysi(2). Il est, aussi, connu sous le nom de Al-Andalusi, Al-Ichbili, Al-Qurtubi et parfois Al-Bursani(3). Parfois désigné par son nom latin Abubacer, il naquit dans la première décennie du XIIe siècle, à Wad-Ach(4). A l’instar d’Ibn Sina (m. 1037), il fut un savant encyclopédiste, médecin, astronome, philosophe, poète et mathématicien. Il enseigna la médecine à Grenade. Il fut secrétaire et médecin du gouverneur de Ceuta et de Tanger, Abu Said fils de Abd al-Mumin fondateur de la dynastie Almohade. Ensuite, il occupa la place de médecin du souverain des deux continents Abu Yaaqub Yusuf. Cependant, contrairement à ce qu'avançaient certains penseurs contemporains, Ibn Tufayl n'a jamais occupé la fonction de La perception de Hayy ben Yaqdhan en Occident latin - 55 - N° 11, Septembre 2011 vizir(5). Il est certain que jadis, dans l'histoire des pays musulmans, les fonctions de vizir et de premier médecin étaient fréquemment réunies et que le sultan ou le calife ne pouvait pas livrer sa propre personne entre les mains d'un félon. Mais cela ne veut pas dire, non plus, que systématiquement, le médecin personnel du prince était le vizir. Ce qui fait que Ibn Tufayl, si uploads/Litterature/ dr-chokri-mimouni-la-perception-de-hayy-ben-yaqdhan-en-occident-latin.pdf
Documents similaires










-
15
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 08, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2148MB