Je Cherche l 'Or du Temps Collection Palimpseste « Lectures historiques » L'aut

Je Cherche l 'Or du Temps Collection Palimpseste « Lectures historiques » L'auteur M. Tahar Mansouri est professeur de l'Enseignement supérieur, il enseigne l'histoire médiévale à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Mannouba, Tunis, (Tunisie). Il a publié une série d'articles et d'ouvrages traitant des relations méditerranéennes au Moyen-Age et centrés sur les relations entre Byzance et les pays d'Islam. Les illustrations dans ce livre ont été extraites des documents suivants : -Al-Hariri, Maqâmat, BN de paris, Ms arabe n° 5847 et 6094 - R. Ettinghausen, Arab painting, traduction arabe de 1 . Salman et W . Taha takriti, Fann al-taswîr cinda al-arab, Bagdad, 1974 - A. Arioli, Le !soli marabili, periplo arabo medievale, Einaudi, Torino, 1989 Toute reproduction interdite © 2007, Les éditions l'Or du Temps, Tunisie Mohamed Tahar Mansouri Du Voile et du Zunnâr Du code vestimentaire en pays d'Islam l'Or du Temps 2007 Avant propos De prime abord, il faut signaler la grande confusion entre Islam et his- toire des Musulmans, tant chez nous, Arabes et Musulmans que chez cer- tains de nos collègues de la rive nord de la Méditerranée. Cette confusion bloque assez souvent les uns et les autres et les renvoie aux marges de la société arabo-musulmane qui n'a pas réussi à détacher l'histoire des musulmans de l'Islam lui-même. A chaque fois que l'on tente d'étudier le monde arabo-musulman dans sa composante historique, on se trouve confronté à une myriade de sujets tabous scellés par des interdits, que bra- ver ne peut que réveiller des démons endormis. Toute lecture critique de la civilisation arabo-musulmane suscite une levée de plumes mal taillées, maniées par des hommes et des femmes de culture moyenne, et parfois même par des académiciens qui officient, pour« dénoncer» le sacrilège. Certes, une frange d'historiens arabes et musulmans essaye, tant que faire se peut, de côtoyer certains sujets « jugés » sensibles ou des' accom- moder avec l'ambiance intellectuelle souvent « tournée » vers un passé glorieux. Il l'est certes, mais comme celui de toutes les grandes civilisa- tions, il est aussi entaché de points noirs qu'on tente d'éviter, sinon de réduire, et dans les cas extrêmes, de les positiver et d'en renverser les sens. Jusqu'à nos jours, s'essayer à critiquer (c'est un euphémisme) les héros de l'Islam fondateur pour leur rendre leur juste place dans le processus historique qui les a engendrés, pourrait être jugé comme un blasphème. Oser dire que la grande civilisation arabo-musulmane a aussi broyé des hommes et des femmes simplement parce qu'ils étaient différents ne peut s'entendre par beaucoup de nos contemporains, éclairés et « objectifs » fussent-ils. Pire encore, en ces moments difficiles où le monde arabo- musulman est à son étiage et écume la lie. On ne peut pas éclairer des pans de notre histoire en prononçant des fatâwa pour faire tomber les têtes ne serait-ce que symboliquement! Seul le débat écrit ou direct peut permettre de sortir de la brume mentale qui, non seulement ne permet pas de voir des lendemains meilleurs, étouffe déjà un présent lourd à remuer. 7 M. Tahar Mansouri Le cas du costume en général, du voile en particulier et de l'habille- ment distinctif imposé aux non musulmans a toujours fait l'objet d'études distinctives elles-mêmes< 1 J. Il suffit de lire cette littérature non acadé- mique, et souvent voilée d'académisme, qui est à la portée de la bourse et de l'esprit du simple sujet arabe (le mot citoyen est encore à venir!), pour se rendre compte de la gravité des analyses et pour s'apercevoir, dans le domaine des études académiques de la « peur »< 2 > intellectuelle qui entrave nos e prits et tord nos plumes. On ose rarement braver « l'interdit collectif» : celui de nommer les objets, qualifier les actes et les hommes. L'Islam, par le Coran, a usé du costume comme un marqueur de frontières, un séparateur entre les hommes et les hommes et entre les hommes et les femmes : les uns parce qu'ils ne croient pas à Dieu selon les rites de l'Islam, les autres parce qu'elles sont tout simplement femmes ou encore femmes libres et femmes esclaves. De ce fait en voulant créer une Umma, il en a conçu plusieurs. Cependant, les historiens dans le monde arabo-musulman parlent peu des usages distinctifs et discriminatoires du costume et des couleurs qui sont de véritables lignes de démarcation entre les individus et les groupes. Le mot discriminatoire lui-même doit être justifié, sinon banni du langage. D'ailleurs, « les historiens, en général, parlent rarement des couleurs »( 3> , ils parlent encore moins de leurs usages distinctifs dans l'Islam médiéval et, quand on le fait, c'est uniquement pour trouver les justificatifs de l'usage. Car parler des usages sociaux et politiques des couleurs impli- querait à la fois un pouvoir et une histoire, celle de l'Islam et des Musulmans, particulièrement lorsque la couleur a une fonction exclusive et discriminatoire. Parler du costume et des couleurs vestimentaires, en tant qu'éléments identitaires et par là distinctifs sinon discriminatoires et vexatoires, s'inscrit dans une volonté de dépassement de cette conception (1) A. Béchir, al-Yahûd fi al-maghrib al-carabî (22-462h/ 642-1070), Le Caire, 2001, pp. 121-23. (2) H. Djaïet dit dans l'introduction de La grande discorde, Gallimard, Paris, 1989, p. 13. Dois-je dire au lecteur qu'il s'agit ici d'un livre écrit par un homme élevé dans la tradition islamique, qui doit lutter à la fois contre la vision tradi- tionnelle des choses et contre un modernisme simplificateur. (3) M. Pastoureau,« Morales de la couleur», in Le chromoclasme de la réforme, Tome 4, 1995, p. 27; Idem., « Jésus chez le teinturier, couleurs et teintures », in l'Occident médiéval, Le Léopard d'Or, Paris, 1997, p. 9 8 Du voile et du zunnâr d'une histoire souvent « belle » et « blanche », une histoire que rien ne peut souiller sauf la plume« d'un mécréant» ou celle d'un « apostat» ! En matière d'écriture historique, la majorité des historiens arabes et dans une large mesure, musulmans, lavent plus blanc. <1> La plupart des écrits en matière d'histoire médiévale, en langue arabe, semblent avoir été faits, non pas pour dévoiler certains coins encore sombres, conquérir de nouveaux espaces cognitifs, acquérir de nouvelles méthodes et maîtriser de nouvelles approches, mais pour apaiser une angoisse interne et person­ nelle, sinon générale, vérifier la grandeur de la nation et acquérir les moyens académiques pour en parler avec certitude. Pourtant, l'histoire est une science qu'il faut manier avec raison, ana­ lyser sans ménagements, traiter sans sentiments ni excuses au préalable pour les hommes du présent, ceux-ci se présentent comme les gardiens du temple, comme si l'histoire faite est leur œuvre et comme si les responsa­ bilités du passé leur sont imputées. Les chroniqueurs musulmans du Moyen-Age avaient plus de liberté d'esprit et moins d'entraves morales que les contemporains ! Il faut porter un regard critique à l'égard de cette histoire, et que l'on cesse de s'offusquer quand on lit ou quand on entend dire telle ou telle vérité, jugée blessante à l'égard de ce passé que nous consommons à tout bout de champ comme s'il nous était impossible de le dépasser. Nous, his­ toriens du monde arabe et' musulman, osons faire le dépassement de cette pensée passéiste, la pourfendre, la mettre aux marges de l'académisme, car elle ne l'est pas. Sa progression, et elle progresse sous l'effet de l'actualité, ne peut que nous figer dans un temps lointain et nous positionner dans le rôle du pseudo défenseur. Pour plaire au large public, prêt à entendre ce qui apaise ses peurs, tranquillise son âme et « confirme » ses certitudes, l'historien dans le monde arabo-musulman est presque confiné dans le rôle de« l'historien du dimanche ». Il doit parler, et souvent il parle en témoin oculaire, presque en tant qu'acteur effectif dans les différentes batailles, comme s'il était contemporain des personnages mythiques de l'Islam médiéval. (1) Inspiré du titre de l'ouvrage de J. Ziegler, La Suisse lave plus blanc, Seuil, Paris, 1990. 9 M. Tahar Mansouri Rien· ne permet à une nation, à une culture de sortir de sa propre brume, si elle continue de s'admirer et de se voir dans l'étang de Narcisse. Elle finira par se noyer dans ses propres larmes. Permettez-moi enfin de m'acquitter de mes dettes à l'égard de tous ceux qui m'ont aidé et qui m'ont tendu une perche pour dénicher un texte ou me procurer un article matériellement inaccessible à Tunis : Christine Cadrat, Mohamed Ouerfelli, et cAla Talbi. Qu'il me soit un devoir de remercier Hassan Annabi, Directeur général du Centre d'Eudes Economiques et Sociales de Tunis (2003), et John Talan Professeur à l'Université de Nantes (2003), qui m'ont offert l'occasion d'exposer dans le cadre de séminaires ou conférences, une partie des idées contenues dans ce travail et de les discuter avec des collègues, des amis et des étudiants venus m'apporter leur contradiction et m'éclairer par leur questionnement. Mes remerciements vont aussi à la MSH, Ange Guépin de Nantes qui m'a permis de séjourner un mois à Paris, grâce uploads/Litterature/ du-voile-et-du-zunna-r-pdf.pdf

  • 15
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager