Séance 1 – Introduction à la mythologie gréco-romaine 1 EAN-2001-Z1 – Mythologi
Séance 1 – Introduction à la mythologie gréco-romaine 1 EAN-2001-Z1 – Mythologie gréco-romaine Table des matières 4. Appréhensions et évolution des mythes dans l’Antiquité .......................................................... 2 4.1. L’appréhension épique ...................................................................................................... 2 4.2. L’appréhension tragique (théâtre) ..................................................................................... 3 4.3. L’appréhension rationaliste ............................................................................................... 3 4.3.1. Les lectures historiques .............................................................................................. 4 4.3.2. La critique philosophique ........................................................................................... 5 4.3.3. Les lectures allégoriques ............................................................................................ 6 Séance 1 – Introduction à la mythologie gréco-romaine 2 EAN-2001-Z1 – Mythologie gréco-romaine 4. Appréhensions et évolution des mythes dans l’Antiquité D’Homère à Fulgence, les mythes des Grecs et des Romains ont été l’objet de divers types d’écriture, mais aussi de divers types de lecture. Selon P. Grimal, on peut distinguer trois grandes phases dans l’évolution des mythes : l’âge épique, l’âge tragique et l’âge philosophique1. On remarquera toutefois que les trois « âges » de P. Grimal se chevauchent et représentent davantage des catégories logiques que chronologiques ; en conséquence, au mot « âge », nous préférerons le mot « appréhension », au sens de « manière de saisir et d’interpréter » : nous parlerons donc d’appréhensions épique, tragique et rationaliste. Au cours des prochaines séances, nous reviendrons sur ces trois façons d’appréhender les mythes chez les Anciens. Vous pourrez ainsi voir, lorsque viendra le temps d’analyser quelques mythes spécifiques, les différents visages d’un même récit, les diverses manières de le comprendre. 4.1. L’APPRÉHENSION ÉPIQUE Nul ne connaît avec certitude la forme originelle de chaque mythe, mais tout le monde admet sans hésitation que les mythes, avec leurs variantes principales, se constituèrent progressivement à partir d’un noyau primitif. Il est facile d’imaginer que le récit de la colère d’Achille, comme celui du retour d’Ulysse, comme bien d’autres encore, subirent plusieurs mutations dans la tradition orale avant d’atteindre une forme fixe et écrite dans les poèmes épiques d’Homère. Chaque mythe conté dut susciter l’admiration des auditeurs, mais aussi provoquer diverses interrogations : pourquoi la guerre de Troie eut-elle lieu ? comment Héraklès trouva-t-il la mort ? que firent les héros troyens après la destruction de leur cité ? Des réponses variées furent vraisemblablement imaginées au fil du temps, qui vinrent grossir et complexifier les récits. Les Achéens affrontèrent les Troyens en raison de l’enlèvement d’Hélène, Héraklès périt en revêtant une tunique empoisonnée, tel héros partit ailleurs fonder telle ville... On voit ainsi que durant une certaine période, la réflexion sur les mythes originels s’est traduite par un enrichissement de ces mythes, auxquels les poètes tentèrent de greffer un certain nombre d’autres récits ; de nombreuses épopées furent alors composées, que nous avons presque entièrement perdues. À Rome, cette appréhension héroïque n’apparaît pas dans la littérature ; les premières épopées romaines sont déjà ancrées dans l’histoire : les historiens romains, en situant les légendes dans le temps, feront de ce mélange héroïco-historique la caractéristique de leur traitement des récits légendaires. Nous y reviendrons principalement à la Séance 10. 1 P. GRIMAL, La mythologie grecque, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1999 (18e éd.), p. 99 : « De façon très générale, on peut admettre (avec toutes les restrictions que doit imposer semblable généralisation) que les mythes helléniques ont, après la période où ils se sont formés, traversé trois grands moments, ce que l’on peut appeler l’âge épique, l’âge tragique et l’âge philosophique ou ‘sophistique’ ». Séance 1 – Introduction à la mythologie gréco-romaine 3 EAN-2001-Z1 – Mythologie gréco-romaine 4.2. L’APPRÉHENSION TRAGIQUE (THÉÂTRE) L’épopée attachait une grande importance au déroulement de l’action, comme peuvent en témoigner les nombreuses scènes de combat qui parsèment l’Iliade ainsi que les multiples péripéties d’Ulysse au cours de son Odyssée. Dans la tragédie, l’action se déroule à l’intérieur de brefs épisodes et l’accent est mis davantage sur la psychologie des personnages. C’est ainsi que Prométhée, présenté par Hésiode comme un fourbe qui dérobe le feu divin pour le donner aux hommes, devient chez Eschyle une sorte de martyr injustement puni par Zeus. Cependant, les divinités figurent plus rarement dans les tragédies que les mortels, soumis à l’inexorable force du destin. Bien entendu, Héraklès, Thésée et Agamemnon sont présents dans certaines pièces, mais d’autres personnages, qui occupaient l’arrière-plan dans l’épopée, ont maintenant un rôle prédominant. C’est le cas de Philoctète, un Grec abandonné par les siens avant la guerre de Troie, et d’Iphigénie, sacrifiée avant la guerre de Troie, qui est le personnage central de deux pièces d’Euripide. On le voit, les personnages humains prennent dans ce cas une importance prépondérante. Dans l’Antigone de Sophocle, par exemple, est posée la question du droit des morts. En effet, le roi Créon décrète que le cadavre de Polynice, qui avait levé une armée contre les siens, sera « sans sépulture, pâture et jouet des oiseaux ou des chiens »2 ; malgré l’interdiction, l’héroïne sacrifiera sa vie pour donner les derniers rites à son frère. Le tragique, par son traitement, rehausse donc la dimension morale et humaine des mythes, transformant ainsi le théâtre en un lieu de réflexion sur la condition de l’homme ; le mythe n’a plus une valeur universelle surhumaine mais acquiert une dimension plus terrestre, pourrait-on dire. 4.3. L’APPRÉHENSION RATIONALISTE Après l’appréhension épique, puis tragique, vient, dans un ordre logique, l’appréhension rationaliste. Par rapport aux deux premières, cette « période » constitue davantage une phase de lecture qu’une phase d’écriture. En effet, il s’agit non plus d’une rédaction purement mythologique, mais d’une réflexion sur l’écriture du mythe, qui devient l’objet de diverses exégèses. On distinguera la lecture du mythe selon une approche historique, sa critique chez les philosophes, puis sa lecture allégorique. 2 SOPHOCLE, Antigone, 203-206 (trad. Mazon). Séance 1 – Introduction à la mythologie gréco-romaine 4 EAN-2001-Z1 – Mythologie gréco-romaine 4.3.1. Les lectures historiques Chez les historiens de l’Antiquité, chaque mythe est l’objet d’un examen individuel. Ils jugent que les uns relèvent de la pure fiction, alors que d’autres constituent des événements authentiques, mais ils voient aussi dans certains mythes la déformation de véritables faits historiques qu’il est possible de reconstituer. Avant l’époque hellénistique, quelques personnes ont fait ce type de lecture. Par exemple, HÉCATÉE DE MILET avait fait une interprétation historique de deux exploits d’Héraklès : selon lui, Géryon, le géant au triple corps vaincu par le héros, était un ancien roi d’Épire3, tandis que Cerbère, le chien des enfers, représentait en réalité un serpent extrêmement venimeux du cap Ténare4. Le scepticisme face aux mythes se généralise pendant la période hellénistique. Ainsi, afin de montrer le caractère fictif des récits homériques, ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE affirme que l’« on découvrira l’itinéraire d’Ulysse le jour où l’on trouvera le bourrelier qui a cousu l’outre des vents »5. D’autres auteurs, tel AGATHARCHIDE DE CNIDE, se contentent d’écarter tous les faits fantastiques, mais le nom le plus important est sans doute celui d’ÉVHÉMÈRE DE MESSÈNE, qui, par sa lecture historique des mythes, en vint à professer une sorte d’athéisme. Selon lui en effet, « tous ceux qui reçoivent un culte à titre de dieux furent des hommes et les premiers et les plus grands d’entre eux étaient des rois : en raison du courage dont ils firent montre pour servir le genre humain, ils furent gratifiés d’honneur divins après leur mort »6. On doit ainsi penser qu’Héphaïstos, dieu du feu, n’est certes pas une divinité, mais qu’il fut le premier forgeron. On parle aujourd’hui d’« évhémérisme » pour désigner cette doctrine. De nombreuses interprétations historiques se retrouvent également chez d’autres auteurs, tels que PALAEPHATOS et ses Histoires incroyables, ÉPHORE DE CUMES, ou PHILOCHORE ; on peut ainsi citer les interprétations que donne l’un ou l’autre de ces auteurs pour Python, le gigantesque serpent tué par Apollon à Delphes, qui était en fait un brigand du nom de Dracon, ou encore pour le célèbre minotaure, en réalité chef de l’armée de Minos ; le fameux labyrinthe où était enfermé le monstre n’aurait été pour sa part que la prison de la ville. PLUTARQUE a lui aussi mis sa pensée au service d’une réflexion sur la véracité des mythes et des récits fabuleux ; il écrit ainsi, dans sa Vie de Thésée : « De même moi, après avoir, en écrivant ces Vies parallèles, parcouru les époques accessibles à la vraisemblance et le terrain solide de l’histoire qui s’appuie sur des faits, je pourrais à bon droit dire des âges plus reculés : ‘au delà, c’est le pays des prodiges et des légendes tragiques, habité par les poètes et les mythologues, et l’on n’y trouve plus aucune preuve, aucune certitude’. […] Puissions-nous obliger la fable, épurée par la raison, à se soumettre à elle et à prendre l’aspect de l’histoire ! Mais, quand elle dédaignera audacieusement la crédibilité et n’admettra aucun accord avec la vraisemblance, nous 3 HÉCATÉE DE MILET, FGrH 1 F 26 Jacoby. 4 HÉCATÉE DE MILET, FGrH 1 F 27 Jacoby (= PAUSANIAS, III, 25, 4-5) ; FGrH 1 F 27 b (supplément, t. 1, 1957). 5 STRABON, I, 17. 6 LACTANCE, De la colère divine, II, 7. Séance 1 – Introduction à la mythologie gréco-romaine 5 EAN-2001-Z1 – Mythologie gréco-romaine demanderons aux lecteurs d’être indulgents et uploads/Litterature/ ean-2001-lectoblig3-s1-2.pdf
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- Publié le Jan 17, 2021
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