Hachette Livre Présentation Ce supplément spécial complète la séquence 11 consa
Hachette Livre Présentation Ce supplément spécial complète la séquence 11 consacrée au « défi écologique ». La lecture intégrale d’une nouvelle du xixe siècle et l’initiation à la rédaction d’un essai permettent aux élèves d’associer la découverte de textes patrimoniaux et la réflexion sur une question d’actualité : la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la nature. l’écume 2 de Français La nature et les hommes Le défi écologique Objets d’étude : La littérature d’idées et la presse du xixe au xxie siècle Le roman et le récit du xviiie siècle au xxie siècle Supplément spécial rentrée 2020 11 Le défi écologique 1 Hachette Livre Alphonse Daudet, Wood’stown, 1873 L’emplacement était superbe pour bâtir une ville. Il n’y avait qu’à déblayer les bords du fleuve, en abattant une partie de la forêt, de l’immense forêt vierge enracinée là depuis la naissance du monde. Alors abritée tout autour par des collines boisées, la ville descendrait jusqu’aux quais d’un port magnifique, établi dans l’embouchure de la Rivière-Rouge, à quatre milles1 seulement de la mer. Dès que le gouvernement de Washington eut accordé la concession, charpentiers et bûcherons se mirent à l’œuvre ; mais vous n’avez jamais vu une forêt pareille. Cramponnée au sol de toutes ses lianes, de toutes ses racines, quand on l’abattait par un bout elle repoussait d’un autre, se rajeunissait de ses blessures ; et chaque coup de hache faisait sortir des bourgeons verts. Les rues, les places de la ville à peine tracées étaient envahies par la végétation. Les murailles grandissaient moins vite que les arbres et, sitôt élevées, croulaient sous l’effort des racines toujours vivantes. Pour venir à bout de cette résistance où s’émoussait le fer des cognées et des haches, on fut obligé de recourir au feu. Jour et nuit une fumée étouffante emplit l’épaisseur des fourrés, pendant que les grands arbres au-dessus flambaient comme des cierges. La forêt essaya de lutter encore, retardant l’incendie avec des flots de sève et la fraîcheur sans air de ses feuillages pressés. Enfin l’hiver arriva. La neige s’abattit comme une seconde mort sur les grands terrains pleins de troncs noircis, de racines consumées. Désormais on pouvait bâtir. Bientôt une ville immense, toute en bois comme Chicago, s’étendit aux bords de la Rivière-Rouge, avec ses larges rues alignées, numérotées, rayonnant autour des places, sa Bourse, ses halles, ses églises, ses écoles, et tout un attirail maritime de hangars, de douanes, de docks, d’entrepôts, de chantiers de construction pour les navires. La ville de bois, Wood’stown – comme on l’appela –, fut vite peuplée par les essuyeurs de plâtres des villes neuves. Une activité fiévreuse circula dans tous ses quartiers ; mais sur les collines environnantes, dominant les rues pleines de foule et le port encombré de vaisseaux, une masse sombre et menaçante s’étalait en demi-cercle. C’était la forêt qui regardait. 5 10 15 20 25 CARNET DE LECTURE Étape 1 • Avant la lecture : choisissez un support pour écrire votre carnet de lecture : cahier, carnet, support numérique… N’hésitez pas à le personnaliser à l’aide d’illustrations. • Au fil de votre lecture : notez vos premières impressions : ce début de récit vous semble-t-il intéressant ? Pourquoi ? • À la fin de votre lecture, faites vos propres hypothèses : que va-t-il se passer ? Texte écho : lisez le texte 1, p. 256 de votre manuel • En quoi la forêt décrite dans le premier paragraphe se rapproche-t-elle de « La forêt vierge » de Leconte de Lisle ? 1. Comment comprenez-vous le titre de la nouvelle ? 2. Proposez trois adjectifs pour qualifier l’action des humains envers la forêt et expliquez vos choix. 3. Dans chacun des paragraphes 2 à 4, relevez et analysez un indice qui prouve que la forêt est per sonnifiée. Quelle qualité exceptionnelle lui attribue le narrateur ? 4. Résumez ce début de nouvelle en moins de 35 mots. 5. Si ce début de nouvelle était une fable, quelle en serait la morale ? Alphonse Daudet (1840-1897) La personnification est une figure de style qui consiste à attribuer des caractéristiques humaines à un élément non humain (objet, idée, animal, etc.). La personnification NOUVELLE INTÉGRALE Le défi écologique séquence 11 1. Unité de longueur. 2 11 Le défi écologique XIXe XXe XXIe XVIIIe Alphonse Daudet, Wood’stown, 1873 NOUVELLE INTÉGRALE Hachette Livre XVIIIe XXIe XXe XIXe Elle regardait cette ville insolente qui lui avait pris sa place au bord du fleuve, et trois milles d’arbres gigantesques. Tout Wood’stown était fait avec sa vie à elle. Les hauts mâts qui se balançaient là-bas dans le port, ces toits innombrables abaissés l’un vers l’autre, jusqu’à la dernière cabane du faubourg le plus éloigné, elle avait tout fourni, même les instruments de travail, même les meubles, mesurant seulement ses services à la longueur de ses branches. Aussi quelle rancune terrible elle gardait contre cette ville de pillards ! Tant que l’hiver dura, on ne s’aperçut de rien. Les gens de Wood’stown entendaient parfois un craquement sourd dans leurs toitures, dans leurs meubles. De temps en temps, une muraille se fendait, un comptoir de magasin éclatait en deux bruyamment. Mais le bois neuf est sujet à ces accidents, et personne n’y attachait d’importance. Cependant, aux approches du printemps – un printemps subit, violent, si riche de sèves qu’on en sentait sous terre comme un bruissement de sources –, le sol commença à s’agiter, soulevé par des forces invisibles et actives. Dans chaque maison, les meubles, les parois des murs se gonflèrent, et l’on vit sur les planchers de longues boursouflures comme au passage d’une taupe. Ni portes, ni fenêtres, rien ne marchait plus. « C’est l’humidité, disaient les habitants. Avec la chaleur, cela passera. » Tout à coup, au lendemain d’un grand orage venu de la mer, qui apportait l’été dans ses éclairs brûlants et sa pluie tiède, la ville en se réveillant eut un cri de stupeur. Les toits rouges des monuments publics, les clochers des églises, le plancher des maisons et jusqu’au bois des lits, tout était saupoudré d’une teinte verte, mince comme une moisissure, légère comme une dentelle. De près, c’était une quantité de bourgeons microscopiques, où l’enroulement des feuilles se voyait déjà. Cette bizarrerie des pluies amusa sans inquiéter ; mais, avant le soir, des bouquets de verdure s’épanouissaient partout sur les meubles, sur les murailles. Les branches poussaient à vue d’œil ; légèrement retenues dans la main, on les sentait grandir et se débattre comme des ailes. 30 1. Proposez un titre pour chaque paragraphe. Vous pouvez reprendre des mots ou expres sions du texte. 2. Quels sont les deux personnages principaux du récit ? S’agit-il de personnages ordinaires ? 3. Quel est le point de vue adopté par le narrateur dans le premier paragraphe. Quel est l’effet produit ? 4. Pourquoi le narrateur change-t-il de point de vue à partir du 2e paragraphe ? 5. Caractérisez la réaction des habitants dans le 3e paragraphe ? Selon vous, est-elle adaptée à la situation ? HISTOIRE DES ARTS Quels liens pouvez-vous établir entre ce texte et le tableau de Gaston Béthune La Charmeuse ? À quoi pourrait correspondre la figure féminine au centre du tableau ? O Gaston Béthune, La Charmeuse, 1895, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais. 35 40 45 50 55 60 11 Le défi écologique 3 XIXe XXe XXIe XVIIIe Alphonse Daudet, Wood’stown, 1873 NOUVELLE INTÉGRALE Hachette Livre Le jour suivant, tous les appartements avaient l’air de serres. Des lianes suivaient les rampes d’escalier. Dans les rues étroites, des branches se joignaient d’un toit à l’autre, mettant au-dessus de la ville bruyante l’ombre des avenues forestières. Cela devenait inquiétant. Pendant que les savants réunis délibéraient sur ce cas de végétation extraordinaire, la foule se pressait dehors pour voir les différents aspects du miracle. Les cris de surprise, la rumeur étonnée de tout ce peuple inactif donnaient de la solennité à cet étrange événement. Soudain quelqu’un cria : « Regardez donc la forêt ! » et l’on s’aperçut avec terreur que depuis deux jours le demi-cercle verdoyant s’était beaucoup rapproché. La forêt avait l’air de descendre vers la ville. Toute une avant-garde de ronces, de lianes s’allongeait jusqu’aux premières maisons des faubourgs. Alors Wood’stown commença à comprendre et à avoir peur. Évidemment la forêt venait reconquérir sa place au bord du fleuve ; et ses arbres, abattus, dispersés, transformés, se déprisonnaient pour aller au-devant d’elle. Comment résister à l’invasion ? Avec le feu, on risquait d’embraser la ville entière. Et que pouvaient les haches contre cette sève sans cesse renaissante, ces racines monstrueuses attaquant le sol en dessous, ces milliers de graines volantes qui germaient en se brisant et faisaient pousser un arbre partout où elles tombaient ? Pourtant tout le monde se mit bravement à l’œuvre avec des faux, des herses, des cognées ; et l’on fit un immense abattis de feuillages. Mais en vain. D’heure en heure la confusion des forêts vierges, où uploads/Litterature/ ecume-des-lettres-2nde-homme-et-nature.pdf
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- Publié le Apv 29, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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