BERTRAND RUSSEL ÉLOGE DE L’OISIVETÉ (D’après la traduction de Michel Parmentier

BERTRAND RUSSEL ÉLOGE DE L’OISIVETÉ (D’après la traduction de Michel Parmentier) Ce livret est gratuit ! Fais le tourner sans pitié ! 2 Ce livret est gratuit ! Fais le tourner sans pitié ! 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Il reçut par ailleurs le prix Nobel de littérature en 1950. Mais ce docte professeur s’est également signalé par ses convictions socialistes et libertaires et par son engagement pacifiste qui lui valut plusieurs séjours en prison. Il s’opposa ainsi à la première guerre mondiale, lutta avec Albert Einstein contre le maccartisme et contre les armes nucléaires et fonda avec Jean Paul Sartre, le tribunal « Sartre/Russel », pour condamner les crimes de guerre perpétrés durant la guerre du Vietnam par l’armée américaine. Sa verve de libre penseur lui inspira de féroces critiques de la religion. Dans Pourquoi je ne suis pas chrétien, paru en 1927, il écrivait : « J’affirme, en pesant mes termes, que la religion chrétienne, telle qu’elle est établie dans ses églises, fut et demeure le principal ennemi du progrès moral dans le monde. »… « L'idée de Dieu, avec tous les concepts qui en découlent, nous vient des 5 antiques despotismes orientaux. C'est une idée absolument indigne d'hommes libres. La vue de gens qui, dans une église, s'avilissent en déclarant qu'ils sont de misérables pêcheurs et en tenant d'autres propos analogues, ce spectacle est tout à fait méprisable. Leur attitude n'est pas digne d'êtres qui se respectent. [...] Un monde humain nécessite le savoir, la bonté et le courage; il ne nécessite nullement le culte et le regret des temps abolis, ni l'enchaînement de la libre intelligence à des paroles proférées il y a des siècles par des ignorants. »…« La Bible dit : "Tu ne laisseras point vivre la magicienne" (Exode XXII, 18) [...] Les chrétiens libéraux de notre temps, qui continuent à soutenir que la Bible a une grande valeur morale, ont tendance à oublier de tels textes, et les millions de victimes innocentes qui sont mortes dans les supplices parce que les hommes de jadis réglaient effectivement leur comportement d'après la Bible. ». C’est donc tout naturellement que Bertrand Russel s’attaqua à l’une des valeurs phare de la morale chrétienne : le travail. Il le fit avec une mordante ironie, dans ce cours essai intitulé L'Éloge de l'oisiveté (In Praise of Idleness en anglais) paru en 1932. Esprit68, octobre 2011 6 7 Éloge de l'oisiveté Ainsi que la plupart des gens de ma génération, j'ai été élevé selon le principe que l'oisiveté est mère de tous vices. Comme j'étais un enfant pétris de vertu, je croyais tout ce qu'on me disait, et je me suis ainsi doté d'une conscience qui m'a contraint à peiner au travail toute ma vie. Cependant, si mes actions ont toujours été soumises à ma conscience, mes idées, en revanche, ont subi une révolution. En effet, j'en suis venu à penser que l'on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu'il importe à présent de faire valoir dans les pays industrialisés un point de vue qui diffère radicalement des préceptes traditionnels. Tout le monde connaît l'histoire du voyageur qui, à Naples, vit 12 mendiants étendus au soleil (c'était avant Mussolini), et proposa une lire à celui qui se montrerait le plus paresseux. 11 d'entre eux bondirent pour venir la lui réclamer : il la donna donc au 12ième. Ce voyageur était sur la bonne piste. Toutefois, dans les contrées qui ne bénéficient pas du soleil méditerranéen, l'oisiveté est chose plus difficile, et il faudra faire beaucoup de propagande auprès du public pour l'encourager à la cultiver. J'espère qu'après avoir lu les pages qui suivent, les dirigeants du YMCA lanceront une campagne afin d'inciter les jeunes gens honnêtes à ne rien faire, auquel cas je n'aurais pas vécu en vain. 8 Avant d'exposer mes arguments en faveur de la paresse, il faut que je réfute un raisonnement que je ne saurais accepter. Quand quelqu'un qui a déjà suffisamment d'argent pour vivre, envisage de prendre un emploi ordinaire, d'enseignants ou de dactylos par exemple, on lui dit que cela revient à ôter le pain de la bouche à quelqu'un d'autre et que c'est donc mal faire. Si ce raisonnement était valide, nous n'aurions tous qu’à demeurer oisifs pour avoir du pain plein la bouche. Ce qu'oublient ceux qui avancent de telles choses, c'est que normalement on dépense ce que l'on gagne, et qu'ainsi on crée de l'emploi. Tant qu'on dépense son revenu, on met autant de pain dans la bouche des autres en dépensant qu'on en retire en gagnant de l'argent. Le vrai coupable, dans cette perspective, c'est l'épargnant. S'il se contente de garder ses économies dans un bas de laine, il est manifeste que celles-ci ne contribuent pas à l'emploi. Si, par contre, il les investit, cela devient plus compliqué, et divers cas se présentent. L'une des choses les plus banales que l'on puisse faire de ses économies, c'est de les traiter à l'État. Étant donné que le gros des dépenses publiques de la plupart des États civilisés est consacré soit au remboursement des dettes causées par des guerres antérieures, soit à la préparation de guerres à venir, celui qui prête son argent à l'État se met dans une situation similaire à celle des vilains personnages qui, dans les pièces de Shakespeare, engage des assassins. En fin de compte, le produit de son économie sert à accroître les forces armées de l'État auquel il prête ses épargnes. De toute évidence, il vaudrait mieux qu'ils dépensent son pécule, quitte à le jouer ou à le boire. 9 Mais, me direz-vous, le cas est totalement différent si l'épargne est investie dans des entreprises industrielles. C'est vrai, du moins quand de telles entreprises réussissent et produisent quelque chose d'utile. Cependant, de nos jours, nul ne peut nier que la plupart des entreprises échouent. Ce qui veut dire qu'une grande partie du travail humain aurait pu être consacrée à produire quelque chose d'utile et agréable s'est dissipée dans la fabrication de machines qui, une fois fabriquées, sont restés inutilisées sans profiter à personne. Celui qui investit ses économies dans une entreprise qui fait faillite cause donc du tort aux autres autant qu'à lui-même. Si, par exemple, il dépensait son argent en fêtes pour ses amis, ceux-ci (on peut l'espérer) en retireraient du plaisir, ainsi d'ailleurs que tous ceux chez qui il s'approvisionnerait, comme le boucher, le boulanger et le bootlegger. Mais s'il le dépense, par exemple, pour financer la pose de rails de tramway en un endroit où il n'en a que faire, il a dévié une somme de travail considérable dans des voies où ce travail ne procure de plaisir à personne. Néanmoins, quand la faillite de son investissement l'aura réduit à la pauvreté, on le considérera comme la victime d'un malheur immérité, tandis que le joyeux prodigue, malgré le caractère philanthropique de ses dépenses, sera méprisé pour sa bêtise et sa frivolité. Tout ceci n'est que préambule. Pour parler sérieusement, ce que je veux dire, c'est que le fait de croire que le TRAVAIL est une vertu est la cause de grands mots dans le monde moderne, et que la voie bonheur et de la prospérité passe par une diminution méthodique du travail. Et d'abord, qu'est-ce que le travail ? Il existe deux types de travail : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se 10 trouvant à la surface de la terre, ou dans le sol même ; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé ; le second est agréable et très bien payé. Le second type de travail peut s'étendre de façon illimitée : il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres à donner. Normalement, deux sortes de conseils sont données simultanément par deux groupes organisés : c'est ce qu'on appelle la politique. Il n'est pas nécessaire pour accomplir ce type de travail de posséder des connaissances dans le uploads/Litterature/ eloge-de-l-x27-oisivete-bertrand-russel.pdf

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