École pratique des hautes études. 4e section, sciences historiques et philologi

École pratique des hautes études. 4e section, sciences historiques et philologiques. Livret Grammaire comparée des langues indo-européennes Michel Lejeune, Jean Haudry, Françoise Bader, Charles de Lamberterie, Georges-Jean Pinault Citer ce document / Cite this document : Lejeune Michel, Haudry Jean, Bader Françoise, Lamberterie Charles de, Pinault Georges-Jean. Grammaire comparée des langues indo-européennes. In: École pratique des hautes études. 4e section, sciences historiques et philologiques. Livret 9. Rapports sur les conférences de l'année 1993-1994. 1995. pp. 122-127; https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0001_1993_num_9_1_7743 Fichier pdf généré le 18/05/2018 122 École pratique des Hautes Études, Sciences historiques et philologiques GRAMMAIRE COMPAREE DES LANGUES INDO-EUROPÉENNES Directeurs d'études : M. Michel LEJEUNE*, membre de l'Institut, M. Jean HAUDRY et Mme Françoise BADER. Chargés de conférences : M. Charles de LAMBERTERIE et M. Georges-Jean PINAULT. Conférences de M. Jean HAUDRY Programme de l'année 1993-1994 : /. Germanique ancien 11. Reflets de la tradition indo-européenne : les jumeaux divins dans le monde germanique (fin) ; 2. Recherches sur le vocabulaire psychologique de l'indo-européen]. — //. Introduction au védique (suite). — ///. Explication d'hymnes védiques [1. Les hymnes aux Aévins du Çgveda ; 2. Devas et asuras], les deuxième et quatrième mercredis de dix à douze heures, et de quatorze à seize heures. I. Hengest « cheval » (« étalon » ?) et Horsa « cheval » ont été reconnus dès les débuts de la recherche comparative comme les représentants germaniques des jumeaux divins indo-européens, les homologues des Asvins védiques dont le nom signifie « possesseurs de chevaux ». Le récit traditionnel de la conquête anglo-saxonne de la Grande-Bretagne, que F. Lot a qualifié de « roman », repose manifestement sur un mythe de fondation d'une nouvelle communauté par des immigrants conduits par deux frères représentant les Jumeaux divins (Romulus et Remus, etc.). Or, si l'on identifie à ce Hengest celui de l'épisode de Finnsburh (Beowulfv. 1068-1159) avec la plupart des auteurs, il est possible de proposer une interprétation dioscurique de la légende qu'évoquent ce passage et le Fragment de Finnsburh. Il faut supposer, dans cette hypothèse, que Hnaef, le chef de Hengest, tient le rôle de son jumeau, bien qu'on ne signale aucune parenté entre eux. On a vu dans les études précédentes que cette transposition est fréquente pour les représentants germaniques des Jumeaux. On peut donc, à la suite de Donald Ward, interpréter la légende de Finnsburh à partir d'un mythe dioscurique analogue à celui sur lequel repose le cycle troyen : une femme (Hildeburh) représentant l'Aurore de l'année est reprise par les Jumeaux à son mari qui représente le Génie de l'hiver, ainsi que le trésor — qui, dans cette version, appartient au mari. Les deux textes comportent des difficultés de toute nature (même de lecture : ëote(n) « Jute » ou eoten « géant » ?) qu'on a tenté de résoudre, et surtout des étrangetés de situation qui disparaissent grâce à l'interprétation proposée. Qu'il s'agisse ici d'une légende à base mythologique Le directeur d'études a suspendu sa conférence pour raisons de santé, en 1993-1994. et non, comme on pourrait l'imaginer, de la transposition des faits réels (le récit ne comporte aucun trait merveilleux), c'est ce qu'a démontré Hans Kuhn dans son étude Finn Folcwalding (Kleine Schriften II, p. 183 et suiv.). Mais il ne tente pas de reconstruire le mythe qu'il postule. Or le nom même de Finn oriente vers la mythologie du cycle annuel, et précisément de l'hiver. Comme le signale Kuhn, Finn est le nom du personnage qui dans le folklore Scandinave tient le même rôle que le géant bâtisseur de la légende contée par Snorri dans le chapitre 42 de sa Gylfaginning. Or la signification de cette légende (jadis rapprochée par Ernest Krause du mythe de Laomédon et de la première destruction de Troie, Iliade 21, v. 441-460) est claire : le géant qui demande comme salaire non seulement la déesse Freyja mais le soleil et la lune a manifestement l'intention de plonger le monde dans les ténèbres d'un hiver éternel. Quand les dieux s'aperçoivent de leur imprudence, « rompus furent les serments, les paroles, les promesses et tous les pactes solennels » (Voluspa 25, trad. F.-X. Dillmann). C'est ce que font les Danois de Hengest vis-à-vis de Finn à qui pourtant ils ont dû jurer fidélité quand ils sont entrés à son service à la suite d'un combat indécis, afin de pouvoir passer l'hiver dans son château. Le texte même, par l'insistance sur la mer hivernale, confirme (et suggère) l'interprétation proposée. Le conflit évoqué n'est autre que le conflictus veris et hiemis des poèmes médiévaux. Le parallèle homérique signalé par Krause repose également sur la mythologie du cycle annuel, comme l'indiquent les vers 450 et suiv. (trad. P. Mazon) : « Mais voici que, quand les joyeuses saisons amenèrent le terme fixé pour le paiement... » : ces « saisons » sont les Hôrai, les divinités du printemps. Ici aussi, c'est au printemps que le pacte est rompu. En conclusion, la survivance des représentations dioscuriques apparaît bien établie dans le monde germanique ancien, bien que le panthéon nordique n'en conserve aucune trace. Mais ils figuraient dans le panthéon de la période commune des Germains : ce sont les Alces que Tacite identifie aux Dioscures gréco-romains. Les « fils du Jour » (v. isl. dags synir) du poème eddique en sont un autre vestige. Il est possible que leur entrée dans la légende héroïque soit la cause de leur sortie du panthéon. Il est à noter que le monde germanique a dissocié la mythologie « sociale » de la gémellité, affectée aux récits de migration, de la mythologie du « trio dioscurique » dans laquelle les représentants des Jumeaux ne sont plus même frères, mais suzerain et vassal, maître et valet, etc. Le lien originel apparaît toutefois dans la légende de Hengest si on la considère dans son ensemble : l'aspect social domine dans la conquête anglo-saxonne, alors que la légende de Finnsburh reflète le mythe cosmique du retour de l'Aurore de l'année, accompagnée du trésor de la belle saison. Livret 9 — 126e année (1993-1994) 123 II. L'explication de l'hymne à Brhaspati a fourni l'occasion d'évoquer deux clivages de la société védique. L'intention manifeste du texte est de présenter le dieu comme celui qui assure la supériorité de la caste brahmanique. Mais c'est aussi celui qui assure la supériorité du poète sur ses rivaux, les poètes des autres cercles, souvent désignés globalement par ari- (voir conférences de l'année précédente et l'article de la Festschrift H. Rix cité ci-dessous). Cette rivalité va (sans doute au figuré) jusqu'à l'affrontement physique, d'où l'invocation conjointe avec Indra (str. 11). III. Les hymnes aux Aévins (RV 8, 5 à 8, 22). Avec ces hymnes Kanva du livre 8 qu'Arnold, Vedic Mètre, classe dans une des deux périodes anciennes (archaïque ou strophique), apparaissent quelques traits anciens des Asvins comme un caractère guerrier qui les rapproche des Dioscures et de leurs correspondants germaniques : allusions au combat (8, 9, 13), à la razzia (8, 5, 31) ; qualificatif de vrtrahantamâ « très semblables à Indra meurtrier de Vrtra » (8, 8, 9 et 22) et de riêadas- (voir ci-dessous). Ils sont déjà médecins, mais ce n'est pas une innovation, si on pense à Podalire et Machaon, les Jumeaux médecins grecs. La mention figure dans un passage (8,9, 5) qui mentionne la liaison formulaire des eaux et des plantes. On relève dans ces hymnes d'autres formules qui ont des correspondants iraniens (8, 5, 9 « aux bons hommes, aux bons chevaux », liaison connue des inscriptions achéménides). La localisation dans le Nord- Ouest de l'Inde védique (le domaine des pânca jânâh, cf. 8, 9, 2) est indiquée à plusieurs reprises. La légende asVinienne est quelque peu en retrait par rapport aux préoccupations immédiates, et notamment la situation de concurrence entre les poètes. Curieusement, elle semble appartenir à l'actualité, à en juger par le temps des verbes et à l'intrication des deux plans (notamment 8, 8, 10-11). Quelques suggestions ont été faites à propos des formes rencontrées : — 8, 5, 1 arunâ-psu-, ép. d'Usas ici et ailleurs (une fois aussi des Maruts) a un second terme obscur (Ai. Gr. II 2, p. 476), qu'on a tenté de rattacher à diverses bases nominales ou verbales, sans égard pour le premier terme qui signifie « rosé ». Le sens probable « à la lumière rosé » (« rôtlichscheinende », Geld- ner) se justifie à partir de bhâs- (présent bhâsati attesté à partir de YAV) compte tenu de la disparition d'une laryngale en second terme de composé (Ai. Gr. I, p. 93 et suiv.) : on posera *-bh(H)s-u-, dérivé déverbatif en -m-, formation bien représentée sur les thèmes verbaux dérivés. — 8, 8, 12 nav- au sens de « approuver » (comme ici) semble devoir se rattacher à la racine *new- de lat. nuô, gr. uevu dont le lat. nûmen illustre l'application aux dieux plutôt qu'à *new- « faire du bruit ». Mais la morphologie indique que les deux racines se sont confondues en védique. — 8, 8, 17 ritàdas- est bien, comme l'a vu uploads/Litterature/ ephe-0000-0001-1993-num-9-1-7743 1 .pdf

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