Le style oralisé dans la littérature pour la jeunesse Avec une certaine forme d
Le style oralisé dans la littérature pour la jeunesse Avec une certaine forme de littérature pour la jeunesse, l'effet d'oralisation tient certes à une intention littéraire, mais également à un désir de communication avec un public particulier. Il s'agit essentiellement d'une littérature à la première personne dont le narrateur est un enfant. Elle est illustrée par d'assez nombreux titres, parus dans les collections pour les 8/15 ans, dont bon nombre sont des traductions. Le petit Nicolas est sans doute l'exemple le plus ancien. C'est en tout cas celui qui nous semble le plus représentatif et sur lequel nous nous appuierons ici. "tu as eu une bonne idée, Alceste, j'ai dit, quand je pense aux copains qui sont à l'école en train de faire de l'arithmétique, j'ai envie de rigoler ! — Moi aussi", a dit Alceste et nous avons rigolé. Quand on a eu fini de rigoler, j'ai demandé à Alceste ce qu'on allait faire. "Je ne sais pas, moi, a dit Alceste, on pourrait aller au cinéma." Ça aussi, c'était une drôlement bonne idée, mais on n'avait pas de sous. Dans nos poches, on a trouvé de la ficelle, des billes, deux élastiques et des miettes. 1 - Un style "enfantin" a - simplicité Les signes d'oralisation que l'on a pu relever précédemment sont ici quasiment absents : les discordantiels sont presque toujours présents, les indicateurs de style direct ont en général la forme la plus simple qui soit (X a dit), et l'orthographe n'est presque jamais phonétisée. Le vocabulaire est également beaucoup plus simple que dans les textes de Céline ou de Queneau. Il dénote ainsi la classe d'âge à laquelle est destiné ce genre d'ouvrage (ce qui ne signifie nullement que ce soit précisément le vocabulaire des enfants en question). On relève tout au plus quelques termes familiers (copain, rigoler, drôlement, sous), associés à un lexique de l'enfance (école, arithmétique, ficelle, bille, élastique, poche). b - maladresse On a ainsi l'impression d'avoir affaire à un style enfantin, avec tout ce que cela comporte de maladresses diverses : En sortant de l'école, j'ai suivi un petit chien. Il avait l'air perdu, le petit chien, il était tout seul et ça m'a fait beaucoup de peine. J'ai pensé que le petit chien serait content de trouver un ami et j'ai eu du mal à le rattraper. Comme le petit chien n'avait pas l'air d'avoir tellement envie de venir avec moi, il devait se méfier, je lui ai offert la moitié de mon pain au chocolat et le petit chien a mangé le petit pain au chocolat et il s'est mis à remuer la queue dans tous les sens et moi je l'ai appelé Rex, comme dans te film policier que j'avais vu jeudi dernier. — Redondance : petit chien apparaît cinq fois dans ce seul paragraphe. De façon générale, Goscinny remplace volontiers les pronoms par les referents. Il évite tout particulièrement les relatives explicatives (je lui ai offert ta moitié de mon pain au chocolat et le petit chien a mangé le petit pain au chocolat). — Repérage spatio-temporel flou : des notions complexes comme le maniement des modes et des temps ou le repérage spatio-temporel sont présentées comme si elles étaient mal maîtrisées. Une expression comme un film policier que j'avais vu jeudi dernier par exemple dénote soit un emploi erroné du plus-que-parfait, soit une mauvaise maîtrise des couples demain/lendemain, hier/ la veille, dernier/précédent, prochain/suivant ... En outre, comme dans l'oral spontané, le passé simple est délaissé au profit du passé composé, et le passé surcomposé remplace le passé antérieur (cf. Quand on a eu fini de rigoler dans le passage cité précédemment). — Discours rapporté : le discours rapporté est également l'objet de diverses maladresses. Ainsi dans l'extrait qui suit, a-t-on un constant flottement entre le discours indirect et le discours indirect libre. La présence de que (que maman ne voulait pas de Rex; que j'étais bien malheureux) traduit le style indirect. Son absence (et Rex c'était mon ami et j'étais le seul ami de Rex et il m 'aiderait à retrouver des tas de bandits et il ferait des tours que je lui apprendrais) renvoie au discours indirect libre. c - syntaxe relâchée La syntaxe, tout comme l'ensemble du discours, fait preuve d'une absence de rigueur délibérée. Cela se manifeste tout d'abord par l'abondance des constructions clivées, plus fréquentes sous forme de reprises que d'anticipations. La conjonction des deux donne parfois des constructions en apo koinou, le syntagme en commun étant constitué du réfèrent : // avait l'air perdu, le petit chien, il était tout seul. Cela se manifeste également par un usage répétitif de la coordination et de l'hyperbate : on rencontre constamment des "guirlandes" de propositions coordonnées par et, dont l'une (souvent la dernière) n'a pas de rapport logique avec les précédentes. On peut le constater dans le passage qui précède (je lui ai offert la moitié de mon petit pain au chocolat et le petit chien a mangé le petit pain au chocolat et il s'est mis à remuer la queue dans tous les sens et moi je l'ai appelé Rex) mais on le constate encore mieux dans le passage suivant : Alors moi j'ai expliqué à papa que maman ne voulait pas de Rex et Rex c'était mon ami et j'étais le seul ami de Rex et il m'aiderait à retrouver des tas de bandits et il ferait des tours que je lui apprendrais et que j'étais bien malheureux et je me suis remis à pleurer un coup pendant que Rex se grattait l'oreille avec la patte de derrière et c'est drôlement difficile à faire. On a essayé une fois à l'école et le seul qui y réussissait c'était Maxient qui a des jambes très longues. Cet usage de la coordination conduit à des ruptures de construction. C'est particulièrement manifeste dans des exemples comme le suivant, dans lequel l'anacoluthe (Une anacoluthe est une figure de construction qui consiste en une rupture de la cohésion syntaxique de la phrase. Cette rupture dans la construction d’une phrase, fréquente à l’oral, provoque généralement un effet de surprise. )se fait dans l'ellipse de que qui devrait reprendre parce que : j'ai dit à la dame que je voulais un gros bouquet de fleurs pour ma maman, mais pas de bégonias, parce qu'il y en a des tas dans notre jardin et ce n'est pas la peine d'aller en acheter ailleurs. 2 - Un style linéaire Ces diverses maladresses procèdent souvent d'un principe que l'on retrouve dans le discours oral spontané : la linéarité. Même s'il s'agit ici d'un article de style, on a également le sentiment qu'il n'est pas question de revenir sur ce qui a été dit, "sinon en prolongeant le message par un second message" (17). a - linéarité et syntaxe — Coordination : ainsi s'expliquent les continuelles "guirlandes" de propositions coordonnées et les hyper- bates qui en sont issues. Comme les énoncés oraux, un grand nombre de phrases du Petit Nicolas semblent ne pas avoir la fin, et à peine paraissent-elles se terminer qu'elles embrayent sur la suite avec un et, fût-ce au détriment de la logique et de la cohérence. — Phrases ou énoncés : la notion même de phrase s'estompe, tant la définition formelle d'espace compris entre deux points et la définition sémantique d'énoncé pourvu d'un sens complet sont en opposition. On trouve ainsi en deux phrases des énoncés qui, du point de vue du sens comme de la syntaxe, ne devraient en constituer qu'une : J'avais une grosse boule dans la gorge. Comme quand je ramène mon carnet à la maison avec des zéros dedans . On trouve également à l'intérieur d'une phrase des structures en apo koinou, que l'on a déjà évoquées plus haut, c'est-à-dire des énoncés qui s'étendent sur une phrase alors qu'ils devraient s'étendre sur deux : ça ne les regarde pas les copains, si je veux offrir des fleurs à ma maman, c'est mon droit . . . Alors, moi, j'ai donné le bouquet à Alceste et Geoffroy m'a donné une gif fie. On s'est battu et puis j'ai dit qu'il se faisait lard, alors on s'est arrêtés. Ce sont d'ailleurs des appuis du discours courants dans les énoncés oraux spontanés. A l'écrit par contre, on les intercale et on les transforme volontiers en donc. — Structures orales : cette linéarité ne suppose pas qu'on ne rencontre aucune phrase construite, mais celles- ci le sont souvent suivant des modèles que l'on observe dans les discours oraux spontanés. Ces phrases reposent notamment sur des constructions clivées, le plus souvent des reprises, ce qui contribue à en faire de véritables périodes , avec un rythme particulier. Dans l'exemple suivant, on a ainsi trois périodes ternaires, relativement autonomes, bien qu'elles soient incluses dans la même phrase : Le lendemain /quand le ministre est venu, /ça c'est bien passé / mais nous / on ne l'a pas vu, /parce qu'on nous avait mis dans la buanderie, et même si le ministre avait voulu nous voir /il n'aurait pas pu / uploads/Litterature/ le-style-d-x27-ecriture-oralise.pdf
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- Publié le Mai 13, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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